
Cimetière militaire d’Haubourdin – 8 mai 2025
Cher(e)s ami(e)s, Cher(e)s camarades,
Nous voici réunis à nouveau en ce cimetière militaire d’Haubourdin où sont rassemblés plus de 200 tombes de soviétiques morts sur le sol français entre 1940 et 1945 pour la défaite du nazisme et la libération de la France de l’occupation nazie.
Au nom de l’URC, je veux vous remercier pour votre présence et en particulier je veux remercier la présence de l’association Mémoire russe qui œuvre au nécessaire travail de mémoire et est à l’initiative de ce beau monument en l’honneur des oubliés enterrés ici.

Je veux remercier aussi la présence du représentant de l’ambassade de Russie en France. Après cette cérémonie, nous nous joindrons au Comité des Sans-Papiers, qui arrivera en marchant de Lille, pour rendre hommage également aux soldats des troupes coloniales morts pour la libération de la France, contre le nazisme, et qui sont enterrés également dans ce cimetière militaire.

Il nous faut tout d’abord rappeler en quelques mots qui sont ces citoyens soviétiques morts sur le sol français, qui sont ces héros qui ont contribué à notre libération.
Pour l’essentiel, il s’agit de prisonniers de guerre : des soldats de l’Armée Rouge arrêtés par les Allemands sur le front de l’Est mais aussi des civils réquisitionnés par les forces d’occupation nazies à l’Est. Ils ont été transférés ici en France pour servir de main d’œuvre notamment dans les mines (pour palier en particulier à la baisse de la production charbonnière dès 1942) et pour participer à la construction du Mur de l’Atlantique ou à d’autres ouvrages défensifs.
Enfin, il y a aussi des immigrés russes et ukrainiens d’avant-guerre, qui travaillaient notamment dans les mines de notre région et qui, dès mai 1941, participèrent à la grande grève des mineurs, acte massif de la résistance de la classe ouvrière.
Les requis, en provenance d’Ukraine soviétique surtout, arrivent au nombre de 2 000 entre juillet et novembre 1942. 6 000 prisonniers soviétiques arrivent, eux, en novembre 1942. La majorité est mise à la disposition des compagnies minières, une minorité est utilisée, à partir de 1943, par les chantiers de l’Organisation Todt sur le littoral.

Les émigrés vivant en France participent aussi à la résistance française au sein de l’organisation clandestine « Union des patriotes russes », constituée le 3 octobre 1943 sous la direction du Parti communiste français.
Mais l’essentiel des forces de cette résistance intérieure soviétique est constitué des prisonniers évadés, en particulier dans notre région.
Ces évasions correspondaient à une stratégie de l’Armée Rouge : organiser un second front en France, en utilisant la présence des prisonniers de guerre soviétiques.
En octobre 1942, le communiste russe de Paris Boris Matline [connu sous le pseudo Gaston Laroche, colonel FTP] commença à former clandestinement dans le bassin minier du Pas-de-Calais des membres des FTP (Francs-Tireurs et Partisans), dans l’objectif d’apprendre à entrer en contact avec les prisonniers, s’assurer de leur dispositions, les convaincre de s’évader, surtout connaître leur passé.
Quatre officiers finirent par être sélectionnés par Matline dans les camps du Pas-de-Calais : les lieutenants Vladimir Postnikov, Vasyl Poryk, le commissaire politique Mark Slobodinski, ainsi que le capitaine Vasily Taskin. Leurs évasions réussies eurent lieux entre le printemps et l’automne 1943. Avec un 5ème officier ramené de Côte d’Or, Ivan Skrypai, ils constituèrent en octobre 1943 la section russe de la MOI et décidèrent d’éditer – avec d’autres militants, notamment des anciens des Brigades Internationales – un journal qui serait introduit clandestinement dans les camps, le « Patriote russe », permettant de mener un travail de propagande et d’agitation parmi les prisonniers des camps en diffusant les communiqués et autres informations venant de l’Union Soviétique.
Bien sûr, leur activité principale fut d’organiser des évasions de prisonniers, puis de constituer des groupes mobiles qui se livreraient à des sabotages, généralement des déraillements de trains, mais aussi des actions de diversion dans les mines. En décembre 1943, ses missions étant plus spécifiques que celles de la MOI, la section russe deviendra le « Comité central des prisonniers de guerre soviétique » (CCPGS).
Ce sont les évadés de ces camps qui participèrent directement à la Résistance intérieure. Ils ont non seulement organisé des évasions de prisonniers soviétiques ; ils ont formé des détachements de partisans, partout sur le territoire français.
Ces détachements avaient pour nom « Stalingrad », « Liberté », « Patrie », « Joukov », Maxime Gorki », « Leningrad », « Commune de Paris ». A la dernière étape de la libération de la France en 1944, il y avait des milliers de Soviétiques qui formaient 55 détachements, sans compter les centaines de soviétiques intégrés dans des détachements soviéto-français ou internationaux.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, ce sont 10 détachements soviétiques qui ont combattu les occupants. Pensons au rôle du bataillon constitué par Vasyl Poryk : à lui seul, son « Bataillon soviétique » a à son actif 300 soldats et officiers nazis tués ou blessés, le déraillement de 11 convois militaires et 2 ponts détruits, des attaques de dépôts de munitions et de vivres, ainsi que la mise hors d’état de nuire de collaborateurs notoires.
S’il est difficile de quantifier le nombre de soldats russes et soviétiques plus généralement ayant combattu en France, l’association Mémoire russe a dénombré au moins 250 sépultures de guerre où reposent environ 10.000 militaires soviétiques tués pendant la 2nd Guerre mondiale sur le sol français.
Voilà une partie de notre Histoire méconnue ! C’est un honneur pour nous de la faire connaître ! N’oublions pas ces héros qui ont contribué à notre libération : ils ont été l’expression vivante de l’alliance libre des peuples libres qu’a signifiée l’alliance antifasciste contre le nazisme.
Chers amis, Chers camarades,
Rendre hommage à ces partisans soviétiques morts en France, c’est bien sûr aussi, à travers eux, rendre hommage à l’URSS, qui a perdu 25 millions de ses enfants dans cette grande boucherie de la deuxième guerre mondiale.
Nous célébrons cette année le 80ème anniversaire de la Victoire ; il nous faut rappeler encore et toujours quelques vérités montrant l’apport décisif de l’URSS dans la victoire contre le nazisme. Et cela d’autant plus quand l’amnésie est organisée en haut-lieu. Amnésie et provocations : l’Union Européenne a même appelé à un boycott de la présence des dirigeants européens à Moscou ce 9 mai et menacer de rompre les négociations d’adhésion à l’UE pour les Etats non membres présents au défilé de la Victoire. La Serbie, par exemple, a tenu bon et son président a indiqué clairement qu’il sera présent. C’est une « question d’honneur » a-t-il dit.
Oui, c’est une question d’honneur de ne pas oublier où s’est décidé le sort des peuples dans le bras de fer contre le fascisme.
C’est l’Armée Rouge soviétique qui a brisé l’armée nazie et qui a fourni l’effort principal pour la libération de l’Europe. Rappelons que sur 783 divisions allemandes ayant participé aux différents fronts de la guerre, 670 ont été détruites par l’Armée Rouge seule, c’est-à-dire 85% des divisions allemandes.
Même après le débarquement de Normandie, l’Allemagne mobilisa 60 divisions à l’Ouest en France et en Italie, mais devait encore maintenir 235 divisions contre l’Armée Rouge, là où s’exerçait la pression principale. Quant à la bataille finale titanesque pour la prise de Berlin en avril-mai 1945, c’est bien l’œuvre de l’Armée Rouge soviétique seule : l’URSS y a perdu 300 000 hommes, soit presque deux fois plus que toutes les victimes états-uniennes sur le sol européen entre 1941 et 1945.
Un soviétique sur 7 aura perdu la vie au cours de la guerre ! 15% de la population ! 25 millions de morts ! Dont 11 millions de soldats tués au combat !
Nous ne pouvons l’oublier.
En juin 45, le New York Herald Tribune reconnaissait :
- « l’Armée Rouge a été de fait l’armée qui a libéré l’Europe et la moitié de notre planète en ce sens que sans elle, et sans les immenses sacrifices consentis par le peuple russe, la libération du joug cruel du nazisme aurait été tout simplement impossible ». En France, le Général de De Gaulle déclarait alors : « Les Français savent ce qu’a fait la Russie soviétique et savent que c’est elle qui a joué le rôle principal dans leur libération ».
En mai 1945, un sondage IFOP posait la question suivante aux français : « Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne ? ». L’URSS était citée par 57% d’entre-eux, tandis que 20% citaient les Etats-Unis.
Les chiffres sont inversés aujourd’hui. Le dernier sondage fait sur le sujet, à notre connaissance, date de 2015 : L’URSS n’était plus citée que par 23% des sondés, et les Etats-Unis étaient cités par 54%. Qu’en est-il aujourd’hui 10 ans plus tard ?
Chers amis, chers camarades,
Nous sommes aujourd’hui dans un contexte où le capitalisme en crise fait à nouveau monter le fascisme. Et cela va de pair avec une poussée du révisionnisme historique : il faut effacer l’histoire, ou la réécrire.
En septembre 2019, le Parlement Européen a adopté une résolution tirant un signe égal entre le nazisme et le communisme, et indiquant que l’événement déclencheur de la seconde guerre mondiale est le pacte germano-soviétique d’août 1939 !
C’était ainsi passer sous silence les complicités puis les ralliements à l’Allemagne hitlérienne des classes dirigeantes de la plupart des pays occidentaux, qui conduira à l’Anschluss de l’Autriche en mars 1938, aux accords de Munich de septembre 1938 avec l’annexion des Sudètes, à l’invasion de la Bohême-Moravie en mars 1939…
Cette réécriture de l’Histoire par le Parlement Européen a eu son prolongement en janvier 2024 avec une nouvelle résolution qui en appelle à construire une « mémoire historique européenne commune », qui bien sûr dénonce « les totalitarismes » et, spécifiquement s’en prend à un soi-disant « révisionnisme historique » pratiqué par la Russie.
Mais pas un mot sur l’Ukraine.
Parlons-en cependant du révisionnisme historique ayant cours en Ukraine.
Si la plupart des ukrainiens ont combattu du côté de la coalition anti-hitlérienne (6 millions de soldats dans l’Armée rouge), d’autres ukrainiens ont choisi la voie de la collaboration. Que l’on se souvienne du massacre de Babi Yar à proximité de Kiev : plus de 33 771 Juifs assassinés par balle par la police allemande et des auxiliaires ukrainiens les 29 et 30 novembre 1941.
13 000 volontaires ukrainiens formeront la 14e division SS. Parallèle
ment, le groupe de nationalistes ukrainiens dirigé par Stepan Bandera a créé en 1942 l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), forte de dizaines de milliers de combattants. L’UPA a organisé le nettoyage ethnique des Polonais de Volhynie (100 000 morts tout de même), et des juifs du sud-est de la Pologne et de l’ouest ukrainien (pogrom de Lviv par exemple).
Or Stepan Bandera a aujourd’hui une statue de bronze et de granit à Lviv même. En 2014, Porochenko, le président en place après Maïdan, a remplacé le « Jour des défenseurs de la patrie » [ou -anciennement – « Jour de l’Armée et de la Flotte soviétique »], fête de tradition soviétique célébrée chaque année le 23 février, par la « journée des défenseurs de l’Ukraine » le 14 octobre, date qui commémore la fondation de l’UPA.
La loi dite de « décolonisation » de la toponymie adoptée en Ukraine en 2023 a supprimé le statut protégeant les noms de lieux associés à la lutte contre l’occupant nazi en Ukraine. En décembre 2024, dans un parc du centre de Kiev, les bustes des chefs partisans Sydir Kovpak et Oleksiy Fedorov, ceux du plus jeune général d’armée Ivan Tcherniakhovskyï et du tankiste promu maréchal Pavlo Rybalko ont été déboulonnés. Ces statues n’avaient pourtant pas été érigées par les Soviétiques mais par l’Ukraine indépendante après 1991.
Fin janvier 2024, les autorités de la région de Lviv affichaient leur satisfaction d’avoir détruit 312 monuments dédiés aux soldats soviétiques. Lorsqu’il s’agissait de tombes, les ossements ont été transférés dans des cimetières sans l’avis des familles. Parmi les victimes de cet effacement, Antonina Verechtchaguina, opératrice radio de 21 ans parachutée derrière les lignes ennemies, capturée, torturée puis exécutée en 1944 à Sadjavka – elle est aujourd’hui désignée par les autorités locales comme une « espionne soviétique » –, ainsi que les infirmières Nadejda Guseva et Nadejda Kliouïeva à Kalouch et 93 autres soldats soviétiques dans les villages de Skhidnytsia et Podbouj (région de Lviv).
Dans la deuxième ville d’Ukraine, Kharkiv, une dizaine de plaques commémoratives des combattants de la seconde guerre mondiale ont été descellées en février 2025. Un groupe a revendiqué la destruction du buste de Galina Nikitina, professeure de 25 ans exécutée par la Gestapo en 1942. Ont également été détruites les plaques du lieutenant-colonel Rafail Milner, juif et Kharkivien d’adoption, ou du pilote Anatoly Nefedov.
Les habitants s’opposent parfois au démantèlement. Vitaliy Levitsk, maire du village de Smykiv (région de Lviv) a refusé de donner son accord pour la démolition d’une statue. Pour empêcher la destruction, il a escaladé le monument sur lequel était gravé le nom de son grand-père. Sans succès : le maire a été rapidement démis de ses fonctions et l’ouvrage a disparu depuis.
L’action de ces « décolonisateurs » [il faut dire plutôt « négationnistes »] efface ainsi la contribution des Ukrainiens aux combats de l’Armée rouge. Voilà pourquoi il est essentiel de rappeler l’Hisoire ; voilà pourquoi il est essentiel de célébrer le 8 mai – ou le 9 mai pour reprendre la date russe.
Voilà pourquoi il est essentiel d’honorer les martyrs enterrés ici à Haubourdin.

Chers amis, Chers camarades,
Nous sommes aujourd’hui bien loin du « plus jamais ça » clamé lors du procès de Nuremberg jugeant les auteurs fascistes de plus de 50 millions de morts entre 1939 et 1945 dont plus de 25 millions de Soviétiques. A la faveur de la crise du capitalisme, on assiste au relèvement des partis fascistes partout en Europe, épaulés par des bourgeoisies qui par calcul font le choix de l’amnésie et sont prêtes à répéter cette formule des années 30 : « Plutôt Hitler que le Front Populaire ».
Le combat de nos aînés n’est pas fini, nous ne pouvons pas être amnésiques. Nous devons nous inspirer du courage de ceux qui nous ont précédés. Nous sommes des nains assis sur des épaules de géants.
Nous nous inclinons aujourd’hui devant l’héroïsme de ces partisans soviétiques, morts loin de leur patrie pour la libération de l’humanité du joug nazi. Honneur aux combattants soviétiques !
Source : https://ancommunistes.fr/spip.php?article7907
URL de cet article : https://lherminerouge.fr/discours-dhommage-aux-sovietiques-morts-en-france-en-1940-1945-urc-08-05-25/