Eau potable : comment Berrien s’active pour ne plus tomber à sec (LT 22/03/2023 6h10)

Mars 2023 : le maire de Berrien Hubert Le Lann devant les réserves d’eau minérale en bouteilles, qui n’ont pas toutes été distribuées pendant l’épisode inédit de pénurie d’eau potable, de juillet à décembre 2022. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Privés d’eau potable pendant cinq mois, Berrien et ses 900 habitants ont payé cher la sécheresse et les incendies de l’été 2022. À l’occasion de la journée internationale de l’eau, ce 22 mars, retour sur l’épisode et ses conséquences pour la petite commune des monts d’Arrée.

Une centaine de bonbonnes d’eau minérale remplissent toujours une pièce, à l’arrière de la mairie de Berrien. Ce sont les vestiges des distributions quotidiennes gratuites qui ont eu lieu ici, pour les plus fragiles, du 28 juillet au 23 décembre 2022. Une situation de crise complètement inédite pour ce bourg rural des monts d’Arrée, où l’eau du robinet a été jugée impropre à la consommation pendant cinq longs mois. À l’heure du réchauffement climatique, elle préfigure le scénario du pire, tels que pourraient le vivre d’autres communes bretonnes, demain.

Trois mois après la fin de l’épisode, le maire Hubert Le Lann surveille l’eau comme le lait sur le feu. La pluie a fait son retour, mais pas de quoi être totalement rassuré. Ce gros coup de chaud de 2022, l’élu ne l’avait pas vu venir. « Des alertes, il y en a eu souvent. On avait pris l’habitude de se faire dépanner en eau par la voisine de La Feuillée, passé le 15 août. Mais de là à imaginer un enchaînement comme celui-là… »

BERRIEN (29) : vue aerienne sur l'ancienne carriere de kaolin a Berrien dans les Monts d'Arree
Fermée en 2017, l’ancienne carrière des kaolins de Berrien a été l’ultime recours pour alimenter les foyers en eau, durant l’épisode d’incendies et de sécheresse de l’été 2022. Mais trop chargée en arsenic, cette ressource n’a pas été potable et a inquiété la population. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Le cauchemar de l’arsenic

L’unique captage du Reuniou a été quasi à sec dès la mi-juillet, l’an dernier. L’effet conjugué des violents incendies, « au cours desquels les pompiers ont forcément pas mal pompé dans notre réseau », explique le maire, et d’une sécheresse incitant la dizaine d’agriculteurs et les 900 habitants de Berrien à consommer davantage. À La Feuillée aussi, la pénurie a été rapide. Le syndicat du Stanger, à Carhaix, a bien assuré une livraison exceptionnelle par citerne, « mais il fallait compter 10 000 € par jour pour continuer, ça n’était pas tenable ».

Le mot arsenic a affolé tout le monde. J’en ai passé, des nuits blanches ! Cette décision a généré un bad buzz contre nous, mais je n’avais pas d’autre choix, et je ne la regrette pas

Tout vider jusqu’à la dernière goutte ? « Il n’y a rien de pire pour un captage, ça aurait permis aux bactéries de se développer, avec encore plus de difficultés au redémarrage ». Plusieurs agriculteurs sont alors allé se fournir avec le trop-plein du captage de Trinivel, à Scrignac. « Ça m’a pris une heure trente allers-retours, quatre fois par semaine jusqu’à octobre. Mais c’était notre contribution en tant que gros consommateur d’eau », insiste l’éleveur berriennois Gaëtan Leroux.

BERRIEN (29) : des tuyaux devant la station de captage et forages d'eau potable a Berrien dans les Monts d'Arree
L’unique captage du Reuniou, à Berrien, ne produit pas assez d’eau l’été. D’autres forages sont actuellement à l’étude, pour améliorer la ressource au prochain épisode de sécheresse. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Dans l’urgence, le maire n’a vu qu’une seule option, fin juillet : raccorder le réseau à l’ancienne carrière de kaolins, située à 500 mètres du Reuniou. Un million de mètres cubes d’eau s’y sont accumulés en trois ans. Une aubaine, qui va malheureusement virer au cauchemar, lorsque l’Agence régionale de santé notera un dépassement de la concentration maximale autorisée d’arsenic (16,9 microgrammes par litre, au-dessus du seuil de 10 microgrammes autorisés).

Conséquence pour les habitants : interdiction de boire l’eau du robinet et de l’utiliser pour laver ou cuire les aliments, le temps que les taux redescendent. « L’arsenic a beau être dû à la dissolution naturelle de dépôts de minéraux et de rochers, le mot a affolé tout le monde. J’en ai passé, des nuits blanches ! Cette décision a généré un bad buzz contre nous, mais je n’avais pas d’autre choix, et je ne la regrette pas », analyse aujourd’hui Hubert Le Lann. Démarrée début août, la distribution provisoire de bouteilles d’eau minérale s’est arrêtée un mois après la déconnexion des kaolins, fin novembre. Cinq mois pour que tout revienne à la normale ou presque, à Noël.

BERRIEN (29) : Jean-Marc Besset, du collectif Eau Berrien, arrose son jardin grace a des recuperateurs d'eau de pluie.
Jean-Marc Besset, du collectif Eau Berrien, arrose son jardin grâce à des récupérateurs d’eau de pluie. Le retraité réfléchit avec la commune à un achat groupé, pour équiper davantage de foyers. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Dynamique participative

Pendant ce temps, l’humeur de la population a fait le yo-yo. « Il faut dire que la communication a été balbutiante au début. Il y avait une forte inquiétude, on devait aller à la pêche aux infos », témoignent Sylvie et Jean-Marc Besset. Le couple habite Quinoualc’h, l’un des 53 hameaux de la commune. Eux n’ont pas eu besoin d’acheter de l’eau minérale : leur maison est reliée à la fois au réseau communal et à la colline de Trédudon, qui les a alimentés pendant la crise. « Notre robinet était ouvert à qui voulait », rappellent les retraités.

En septembre, ils ont rejoint « Eau Berrien », l’un des deux collectifs, qui compte toujours une vingtaine d’habitants aujourd’hui. À force d’échanges avec le maire, une dynamique participative a émergé. Une première réunion de groupes de travail sur l’eau aura lieu le 31 mars. « Cette problématique ne fait que commencer. Nous voulons inviter les Berriennois à donner leurs idées, que ça soit pour identifier la ressource ou apprendre à l’économiser ». Jean-Marc Besset s’est par exemple mis en quête d’un achat groupé de tonnes à eau, afin de proposer des récupérateurs d’eau à moindre coût aux habitants. « C’est une denrée rare, mais on va y arriver ».

On boit de nouveau l’eau du robinet, en gardant le filtre anti-arsenic. Fini, les allers-retours insensés pour vider les bouteilles de plastique au container

Jean-Baptiste Giraudeau, 37 ans, utilise toujours le kit de filtration dédié à l’arsenic, qu’il a acheté en 150 exemplaires fin novembre, grâce à son fonds de dotation Graine de Moutarde. Les trois quarts se sont écoulés, pour 25 €. À deux pas du bourg, le domicile de Cloé et Yannick Schutz en reste également équipé. « On boit de nouveau l’eau du robinet, qui est tellement bonne ici ! Finis, les allers-retours insensés pour vider les bouteilles de plastique au container. Cet épisode nous a bien secoués ».

BERRIEN (29) : Jean-Baptiste Giraudeau, du collectif Eau Berrien, utilise un kit de filtration de l'eau pour eliminer l'arsenic.
Jean-Baptiste Giraudeau, du collectif Eau Berrien, continue à vendre les kits de filtration de l’eau pour éliminer l’arsenic, qu’il a achetés en gros grâce à son fonds de dotation Graine de Moutarde. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Multiplier les pistes

En attendant le transfert de la compétence eau et assainissement à la communauté de communes, d’ici deux ans, la commune s’active sur plusieurs pistes. Un hydrogéologue, doublé d’un sourcier, ont été missionnés pour améliorer le forage du Reuniou. Le maire espère activer cette ressource dès juin. « Nous sommes tout en haut du réservoir que sont les monts d’Arrée. De l’eau, on sait qu’il y en a, mais il faut aller la chercher ».

Les études pour une interconnexion avec Scrignac ont elles aussi commencé. Quatre kilomètres de tuyau et 700 000 € de travaux (financés à 40 % par l’État, 30 % par l’agence de l’eau Loire Bretagne, 10 % le Département et 20 % la commune) devraient être posés avant la fin de l’année. Encore plus ambitieux, un projet de réaménagement complet du site des kaolins, avec panneaux photovoltaïques et cheminements doux, intégrerait une usine de traitement de l’eau. « On est sur du moyen ou long terme. Mais l’idée séduit déjà le Département ».

Pour Hubert Le Lann, les choses « vont dans le bon sens ». Ce qui n’empêche pas Jean-Baptiste Giraudeau de rester prudent : « C’est le moment pour nous tous de changer nos habitudes. Mais pour moins consommer, qu’on soit professionnel, agriculteur ou particulier, il faut être accompagné ».

BERRIEN (29) : Cloe Schutz, habitante de Berrien, met de l'eau du robinet dans une carafe.
Cloé Schutz, habitante de Berrien, a comme tout le monde dû arrêter de boire l’eau du robinet, de fin juillet à fin décembre 2022. Elle s’y est remise « et fait encore plus attention » à économiser qu’avant. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Auteur : Sophie Prévost

Source : Eau potable : comment Berrien s’active pour ne plus tomber à sec – Berrien – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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