EDF réclame 8,34 milliards d’euros au gouvernement (l’huma.fr-11/08/22)

Énergie-La société accuse l’État d’assécher ses finances en la forçant à augmenter le volume d’électricité vendue à prix cassé au privé. La CGT dénonce une défense « tardive » des intérêts de l’entreprise.

La direction d’EDF monte au créneau contre son actionnaire principal : l’État. Mardi, l’énergéticien a annoncé déposer un recours devant le Conseil d’État. Le PDG, Jean-Bernard Lévy, sur le départ, réclame une indemnité de 8,34 milliards d’euros, le manque à gagner estimé d’EDF en raison de la mise en place du « bouclier tarifaire ». La direction de la société réclame également l’annulation du rehaussement des volumes d’électricité vendus à bas prix à des fournisseurs alternatifs dans le cadre de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique).

En janvier, le gouvernement avait en effet demandé à l’entreprise de mettre à disposition de ses concurrents 20 % de sa production d’électricité, à hauteur de 120 térawattheures par an contre 100 auparavant. La mesure avait été adoptée pour éviter la flambée du tarif réglementé de vente de l’électricité, plafonnant ainsi la hausse à 4 %. Pour Virginie Neumayer, responsable syndicale (CGT) au conseil social et économique central d’EDF, si la décision de l’énergéticien d’attaquer ce mécanisme en justice est bienvenue, elle est trop tardive. « La direction aurait dû agir plus rapidement pour préserver l’intérêt de l’entreprise. EDF avait déjà les moyens d’intervenir. Le Code de l’énergie permet de réviser l’Arenh depuis plusieurs années et même de le suspendre dans des cas particuliers. Or nous sommes dans un moment particulier avec d’un côté la guerre en Ukraine et de l’autre les difficultés économiques de la société », explique-t-elle.

Ce déplafonnement de l’Arenh avait entraîné une levée de boucliers de la part des salariés et actionnaires minoritaires (qui représentent 16 % du capital de la société), qui dénonçaient une « spoliation » du groupe. Au printemps, le conseil social et économique de l’entreprise a déclenché une procédure de droit d’alerte économique. Des organisations syndicales et actionnaires ont également déposé un recours devant le Conseil d’État pour demander l’annulation de l’augmentation du plafond de l’Arenh. Le juge des référés l’a rejeté en mai. Mise au pied du mur par la colère des actionnaires, la direction avait lancé le même mois un recours gracieux. Deux mois plus tard, il n’a pas abouti.

Les détracteurs du bouclier tarifaire peuvent compter sur un argument choc pour réclamer la révision des règles de l’accès réglementé à l’énergie. Fin juillet, la direction du groupe a en effet fait part de résultats catastrophiques pour le premier semestre de l’année 2022, essuyant une perte inédite de 5,3 milliards d’euros. Dans un communiqué, le grand patron d’EDF précisait que ces chiffres dramatiques traduisaient « les difficultés rencontrées en matière de production nucléaire en France et dans une moindre mesure hydroélectrique, ainsi que l’effet du bouclier tarifaire mis en place en France pour 2022 ».

Bien que la direction ait haussé le ton et engagé des poursuites administratives, la CGT entend ne pas se contenter du recours devant le conseil d’État pour sauver la peau de l’énergéticien. « On regarde la situation avec lucidité, mais on ne veut pas compter sur ceux qui ont mené EDF au bord du gouffre, les directions et les gouvernements successifs », assène la syndicaliste. Au-delà d’une indemnisation du groupe de plus de 8 milliards d’euros pour le manque à gagner, le syndicat a formulé une série de propositions pour sortir EDF du précipice financier dans lequel il se trouve . « Il faut immédiatement réévaluer l’Arenh à hauteur de 60 euros le mégawattheure au lieu de 42 pour faire face aux investissements à venir. Pour compenser et limiter la hausse des prix de l’électricité, qui est un bien de première nécessité, il faudrait abaisser la TVA à 5,5 % contre 20 % aujourd’hui », suggère Virginie Neumayer. Le syndicat souhaite également obtenir une « exception française » pour déroger aux règles du marché européen de l’électricité, comme cela a été accordé à l’Espagne et au Portugal.

Enfin, il faudrait selon la syndicaliste que l’entreprise retrouve l’ensemble de ses prérogatives définies dans la loi de 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. L’État, qui détient 84 % du capital de la société, a d’ailleurs annoncé en juillet vouloir acquérir les 16 % restants d’EDF pour en devenir à nouveau l’unique actionnaire. La manœuvre sera-t-elle suffisante pour répondre à « l’urgence » ?

Marie TOULGOAT

source: https://www.humanite.fr/social-eco/edf/edf-reclame-834-milliards-d-euros-au-gouvernement-760236

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