« Elle n’est jamais perdue » : cet éleveur laitier réfléchit aux cycles de l’eau (OF.fr-29/05/23)

Pierrick Berthou, éleveur laitier à Poulfang, près de Quimperlé (Finistère).

Par Christophe VIOLETTE

Les agriculteurs façonnent nos paysages et réfléchissent au futur. C’est le cas de Pierrick Berthou, éleveur laitier à Quimperlé (Finistère), dont les contributions sur l’eau et les sécheresses sont passionnantes, voire inattendues.

Pierrick Berthou, 59 ans, est éleveur laitier à Poulfang, à Quimperlé (Finistère), juste à l’orée de la forêt de Carnoët, bien arrosée. Les pluies de printemps, très abondantes, que reçoit cette pointe de Bretagne ne viennent pas de l’océan.  Un tiers seulement. Les deux-tiers de la pluie viennent de la végétation et du sol, grâce à l’évaporation et l’évapotranspiration , corrige Pierrick Berthou, s’appuyant sur les recherches de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Inrae).

 C’est bien la végétation qui fait le climat. Et pas l’inverse. C’est parce qu’il n’y a pas de végétation dans le désert qu’il n’y pleut pas. De même, c’est parce qu’il y a une végétation exubérante qu’il pleut quasi constamment dans les forêts tropicales ! ».

« On ne consomme pas l’eau »

Pierrick Berthou a repris la ferme de ses parents et grands-parents. Conventionnel, il bascule en bio en 2009, un élevage de 120 vaches et génisses sur 90 hectares, certifié lait de foin :  Elles pâturent au maximum. Et mangent, l’hiver, le foin de nos prairies. 

La sécheresse de l’été 2022 et les commentaires qui l’ont accompagnée l’ont beaucoup agacé. Pierrick Berthou a réfléchi et sorti sa calculette :  Ici, à Quimperlé, 12 000 habitants sur 3 173 hectares, nous recevons 7 m3 d’eau de pluie par jour et par habitant. Combien en utilisons-nous, pour tous nos usages communs ? 180 l par jour et par habitant… Ce qui veut dire seulement 2,45 % des eaux de pluie, notre bien commun… 

Alors, les débats sur les économies d’eau, claironnés sur tous les tons, l’ont révolté. De quoi susciter ses contributions et ses tribunes remarquées, dans de nombreuses publications, dont l’hebdomadaire Marianne.

« L’eau n’est jamais perdue »

 L’eau est gaspillée , estime-t-il. Primo, l’eau  n’est pas une ressource , rappelle-t-il. Mais  un bien commun  et, surtout, un cycle permanent.  On ne consomme pas l’eau, on l’utilise et on la restitue, en permanence. Ce sont ces cycles de l’eau qu’il faut préserver.  Comment ?  Grâce à la végétation. En replantant les haies, en rétablissant fossés et talus.  En choisissant mieux les cultures de céréales ou de maïs,  on le voit bien dans la Beauce et la Brie, les cycles de l’eau y sont cassés .

Les bassines, si controversées ces derniers temps ?  Un pansement sur une plaie infectée. Ça ne sert à rien, sauf à une agriculture élitiste.  Non, le véritable enjeu, à ses yeux,  c’est l’agroforesterie. Les haies, talus, les mares et bassins de rétention. Les zones humides à rétablir.  Partout où l’on peut freiner ces chasses d’une eau si précieuse,  y compris en ville , avec ces immenses surfaces artificialisées.  On a tout busé et drainé depuis des dizaines d’années, c’est ça qui nous fait perdre l’eau. 

« Arrêtons la culpabilisation »

Mais n’est-il pas trop tard ?  Non, sûrement pas ! , réfute-t-il. Expliquant que l’eau s’évapore dès 10°.  Les retenues d’eau en perdent beaucoup par évaporation ? Et alors ? Quel problème ? Elle nous revient sous forme de pluie, elle n’est jamais perdue.  Les appels à des politiques d’économie d’eau, du moins dans nos régions, lui semblent  désastreux . Même si la sécheresse est d’ores et déjà de nouveau à l’œuvre dans les régions du sud de l’Europe.

C’est le contraire qu’il faut faire :  Laissons l’eau couler sans entraves. Et arrêtons d’agresser l’agriculture [en lui faisant le procès de nuire à l’environnement, N.D.L.R.]  : il n’y a rien de moins naturel que les haies et les talus. Ils ont été conçus et dessinés par l’homme , rappelle-t-il.

C’est à une agriculture de « restauration » , qu’appelle Pierrick Berthou. « Sortons du catastrophisme ambiant, de la dénonciation et de la culpabilisation. Remettons la science au centre des débats. L’eau, vitale, peut fédérer tout le monde. Mais sûrement pas avec la menace de la peur… »

Source: https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/elle-nest-jamais-perdue-cet-eleveur-laitier-reflechit-aux-cycles-de-leau-aff64dd4-ef49-11ed-94e0-8a414d87c70a

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