Quelque 200 personnes ont manifesté le 23 novembre contre l’extension de la mine de Glomel, en Bretagne, exploitée par Imerys. Elles dénoncent ses rejets toxiques et la « complicité de l’État » dans ce dossier.
Par Vincent LUCCHESE & Jean-Marie HEIDINGER (photographies).
Glomel (Côtes-d’Armor), reportage
C’est une masse noire, sinistre, qui écrase le paysage. Une montagne sans vie, que l’on nomme le « Sabès ». Une accumulation de déchets miniers d’au moins 30 mètres de haut et qui s’étalent sur l’équivalent d’une cinquantaine de terrains de football. « Tout a commencé là, lorsque j’ai découvert ce truc immonde, il y a des années. La mine génère 1 million de tonnes de déchets par an. Ce Sabès ne cesse de progresser, il va finir par nous avaler », grogne Jean-Yves Jégo, membre de l’association Douar Bev (« Terre vivante »).
Autour de lui se masse une foule de manifestants. Ils sont au moins 200 personnes à avoir convergé vers le village breton de Glomel (Côtes-d’Armor), samedi 23 novembre, pour s’opposer à l’extension prévue de la mine d’andalousite exploitée ici par la multinationale Imerys.
La lutte est organisée autour de la coalition Mines de rien, qui regroupe une multitude d’associations locales. Un nouveau venu dans l’organisation a aussi offert une caisse de résonance particulière à la mobilisation : les Soulèvements de la Terre du Mervent, premier groupe régional des Soulèvements de la Terre, situé dans le sud-ouest de la Bretagne, à organiser une saison d’actions de manière autonome.
Pollution massive des cours d’eau
Dans le cortège qui marche vers le Sabès, entre deux averses et des airs de fanfare, l’enquête publiée la veille par le média d’investigation breton Splann ! et relayée par Reporterre est sur toutes les lèvres. Elle a révélé l’extrême ampleur des pollutions aux métaux toxiques, certains cancérigènes, qui touchent les cours d’eau à l’aval de la mine. En contradiction complète avec les éléments de langage et analyses rassurantes produites par Imerys.
« Quand je me suis installé ici, il y a deux ans, je pensais que le seul danger en Bretagne était le radon », dit amèrement Nicolas, sa fille de 5 ans dans les bras. « Imerys ment en permanence depuis cinquante ans, avec la complicité de l’État qui lui fournit les arrêtés préfectoraux nécessaires pour poursuivre ses dégâts », dénonce Jean-Yves Jégo.
« Ma mère disait toujours qu’on ne pouvait pas s’opposer à des gens aussi puissants », complète Patrick, vieille barbe blanche, les mains enfoncées dans les poches de son imperméable. Sa famille, enracinée au village, est une gardienne de la mémoire des lieux. Son oncle pêchait jadis dans l’étang de Crazius, avant que la mine ne rende les poissons trop rares. « Le maire et ses sbires sortent l’argument des créations d’emplois par Imerys. La vérité, c’est que nous vivons une forme de colonialisme. Toute la richesse extraite de la terre part loin de notre territoire », dit-il.
Imerys et la « fabrique du silence »
Poussières toxiques, pollution des eaux, pollution sonore et lumineuse… Les inquiétudes sont multiples pour les habitants, comme pour les écosystèmes des vastes zones humides alentour. D’autant que les carrières ouvertes et les montagnes de déchets pourraient exposer le territoire à des menaces de pollutions massives pendant des siècles, alertent les opposants.
Pourtant, les habitants de la commune sont loin d’être majoritaires dans la manifestation. Ceux qui osent s’opposer à la mine témoignent des « doigts tendus » et « coups de pression » subis au village. « La fabrique du silence par Imerys fonctionne bien. Ils subventionnent les associations locales et font profiter aux agriculteurs des terres qu’ils ont achetées et n’ont pas encore été détruites », peste Jean-Yves Jégo.
La manifestation du jour est tout de même source d’espoir pour les opposants. Jamais ils n’avaient rassemblé autant de monde. La force de frappe médiatique des Soulèvements de la Terre n’y est sans doute pas étrangère. « Tassons les mines d’Imerys ! » était le mot d’ordre de l’acte 3 de la campagne des Soulèvements de la Terre du Mervent. Le slogan a passablement crispé la multinationale et l’État français, si l’on en juge par le nombre de véhicules de gendarmerie et de contrôles qui ont entouré la manifestation.
« Grâce à la manif, le préfet a enfin annoncé qu’il allait nous recevoir », se réjouit Jean-Yves Jégo. Prochaine échéance pour eux : le recours contentieux déposé contre l’autorisation d’extension de la mine par l’association Eaux et Rivières de Bretagne. Quelle qu’en soit l’issue, les militants promettent de revenir défier « Imerys et son monde », scandant sur le chemin du retour ces cris de rage et d’allégresse : « No minaran ! » (« Non à la mine ! »).
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Source: https://reporterre.net/Elle-va-nous-avaler-En-Bretagne-ils-defilent-contre-une-mine-a-ciel-ouvert
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