Embourbé dans la crise, le gouvernement s’en prend aux salariés agricoles (H.fr-26/02/27)

En plus des normes environnementales, le gouvernement veut baisser le coût du travail pour tenter de se sortir de la crise agricole. © Gile M/ANDBZ/ABACAPRESS.COM

Pour répondre à la crise du secteur, les mesures gouvernementales n’affaiblissent pas seulement les normes environnementales. Les droits sociaux et les rémunérations sont tout autant attaqués, comme le dénoncent les syndicats.

Par Stéphane GUERARD

La « ferme France ne se casse pas la gueule », elle « reste forte ». Tout à sa gestion du chaos à l’ouverture du salon de l’agriculture, samedi, Emmanuel Macron n’avait pas tort d’insister sur les premiers effets des 62mesures déjà appliquées par le gouvernement depuis le début de la crise agricole en faveur de l’agrobusiness.

Les centaines de millions d’aides publiques directes et surtout indirectes en faveur des entreprises, l’affaiblissement tous azimuts des normes environnementales et la mise au pas des administrations de contrôle répondent en tout point aux revendications patronales du secteur, résumées ainsi par Dominique Chargé, président de la Coopération agricole : « Assumons qu’il faut être compétitif pour libérer le potentiel qui est le nôtre et pour bâtir ensemble une nouvelle France alimentaire. »

Les salves successives de « mesures de compétitivité » égrenées par Gabriel Attal puis le chef de l’État satisferont peut-être les 425 857chefs d’exploitation. Elles mécontenteront en revanche une bonne partie des salariés du secteur. Soit entre 800 000 et 900 000employés réguliers, en fonction des saisons, et même 1,6 million, si l’on totalise les travailleurs ayant eu au moins un contrat dans l’année (chiffres 2021 de la MSA).

Le Smic pour tout le monde, ou presque

La très grande majorité d’entre eux va d’abord voir la trappe à bas salaires s’ouvrir davantage sous leurs pieds. Car Gabriel Attal a annoncé fin janvier la pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales « TO-DE » et le relèvement de son seuil d’exonération totale à 1,25 Smic.

Ce dispositif TO-DE, prévu de manière temporaire pour lutter contre le travail informel et soutenir des filières en difficulté face à la concurrence des importations, exonère les bas salaires des saisonniers du paiement des cotisations patronales de Sécurité sociale.

La mesure devenant permanente, les employeurs voient non seulement se pérenniser 500 millions d’aides publiques, mais peuvent profiter plus largement de cette ristourne puisque tous les salaires jusqu’à 1,25 Smic (au lieu de 1,20 Smic) sont désormais concernés. De quoi gonfler un peu plus la part des emplois agricoles autour du Smic, qui culmine déjà à 80 % des postes.

« La mesure peut aider les entreprises en difficulté à conserver les emplois. Mais elle conforte surtout les postes faiblement rémunérés et empêche donc toute évolution vers le haut. Tout cela au détriment du financement de la Sécurité sociale, l’État compensant avec nos impôts », explique Dominique Boucherel, vice-président de la CFTC agriculture.

Comme si la situation salariale et sociale des personnels agricoles était trop confortable, certaines fédérations de la FNSEA, telles celles du Gard, du Lot-et-Garonne ou de l’Ain, viennent de dénoncer les conventions collectives départementales afin d’aligner les droits sociaux des travailleurs sur ceux, moins-disants, de la nouvelle convention collective nationale.

Le gouvernement en passe de renforcer le dumping social

À ces coups gouvernementaux et patronaux, Gabriel Attal ajoute une autre attaque, cette fois contre la réglementation du temps de travail maximal légal, via une « simplification » des dérogations. « Selon leurs besoins, les employeurs pourront demander plus souvent de passer à des semaines de 60 à 70 heures. Ça leur permet de contourner les difficultés de recrutement dues à des salaires trop bas. Pour les travailleurs, ce sont des risques d’accident de travail en plus, qui s’additionnent aux risques sanitaires liés à la levée des normes environnementales concernant les pesticides », dénonce Maryse Treton, de la Fnaf CGT.

L’exécutif va compléter toutes ces mesures de dumping social par la publication, samedi 2 mars, d’un arrêté facilitant les autorisations de travail aux étrangers non européens, grâce au placement des professions agricoles dans la liste des métiers en tension.

« Si soutenir l’agriculture française revient à baisser tous les coûts pour essayer de se mettre au niveau des pays avec de plus faibles standards que les nôtres, on se trompe totalement, réagit Franck Tivierge, de la CFDT agri-agro. Il faut au contraire élever nos droits sociaux et normes environnementales au niveau européen. Et pour les gains de compétitivité il faut imposer des clauses miroirs aux pays extra-UE et des conditions plus contraignantes dans les lois commerciales Egalim. »

À la CGT, on estime que les mauvais coups à l’encontre des droits des travailleurs agricoles ne sont pas finis. « On sent venir une nouvelle loi travail qui va casser un peu plus les droits sociaux. Il serait temps au contraire de reconnaître le travail des salariés agricoles. Sans eux, les deux tiers des exploitations ne tourneraient plus. Ce sont eux qui, en continuant de travailler, nous ont permis de nous nourrir durant les confinements. »

Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/agriculture/embourbe-dans-la-crise-le-gouvernement-sen-prend-aux-salaries-agricoles

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