Nous avons ce lundi 18 septembre l’exemple typique d’une escroquerie médiatique de haute intensité. Un mensonge éhonté visant à détourner l’attention d’un vrai problème.
Connaissez-vous le projet Stocamine en Alsace ? Non, c’est normal, ce programme d’enfouissement scandaleux n’est quasiment jamais évoqué. C’est pourtant un problème majeur de santé publique pour tout l’Est de la France. On parle de 42.011 tonnes de déchets toxiques enfouis sous une nappe phréatique.
Depuis les années 90, les autorités ont placé ces milliers de tonnes de déchets ultra-polluants, notamment de l’amiante, des restes de sols pollués, de l’arsenic, des pesticides, du mercure… sous la nappe phréatique d’Alsace ! Un enfouissement qui était présenté comme «temporaire» par les porteurs du projet.
En 2002, un incendie se déclare dans un bloc de stockage. Il dure deux mois. Des fumées bourrées de «dioxines, d’acide chlorhydrique, d’acide cyanhydrique, d’acétaldéhyde, de benzène» se dégagent. Les habitant-es réclament la «réversibilité» du projet, comme cela avait été promis.
Sauf que… comme toujours, les autorités ont menti comme des arracheurs de dents. Ces déchets toxiques vont être enfouis définitivement, sans prendre en compte les conséquences à long terme. Une commission chargée de l’enquête publique vient de rendre un avis favorable à l’enfouissement éternel, alors même que les habitant-es ont émis une «très grande majorité» d’avis défavorables.
C’est dans ce contexte, pour dénoncer cette mise en danger de la population et ce déni de démocratie, que de l’eau a été colorée en vert. Le collectif Extinction Rébellion a placé un colorant dans la rivière de Colmar pour illustrer la pollution: la fluorescéine. Cette molécule non polluante est très efficace : à la lumière du jour, elle colore temporairement l’eau en vert fluo. Le message est simple et efficace : Stocamine risque de polluer les réserves d’eau douce dans l’Est.
La fluorescéine est couramment utilisée pour colorer l’eau. Cette molécule est même utilisée par les professionnels en charge de la surveillance et de la réparation des réseaux d’eau. On l’utilise pour mettre en évidence une fuite, par exemple.
La droite crée à partir de cette action non-violente une intox. Une fausse polémique, pour masquer un vrai problème. Le maire Républicain Éric Straumann prétend que cette coloration aurait tué de «nombreux poissons». L’information est immédiatement reprise par les sites d’extrême droite, notamment le site fasciste Fdesouche, puis très largement dans les médias des milliardaires. Cela devient LE sujet : «des poissons morts à cause des écologistes». Et plus du tout le projet Stocamine.
Éric Straumann n’apporte aucune preuve. Seule une photo d’un seul poisson flottant dans l’eau circule partout. Et le maire menace : «l’auteur des faits a été identifié. Nous poursuivons la procédure contre cet individu».
Pourtant en 2016, des actions similaires avaient déjà eu lieu sans aucun signalement de poissons morts. Pour la Saint-Patrick, le fleuve de Chicago est entièrement coloré en vert. Bref, la pratique est courante.
France 3 a interrogé l’Office français de la Biodiversité, qui donne les résultats d’analyse : il n’y a pas d’écart dans les taux d’oxygène présents en amont et en aval du cours d’eau. La fluorescéine n’est pas responsable de la mort des poissons. «A priori, la présence de poissons morts aurait déjà été signalée deux jours avant l’injection de la molécule dans l’eau».
Le mensonge a été grossier, mais efficace. Il fait d’une pierre deux coups : non seulement on ne parle pas du sujet, mais on criminalise une action tout à fait commune. Pendant qu’on accuse les «écolo-gauchos» de polluer, on ne parle pas de Stocamine. Une vraie pollution.
Et qui lira ces explications scientifiques, bien moins «croustillantes» que l’intox qui consiste à dire que les écolos sont en fait des pollueurs ? Pas grand monde.
Comme souvent, l’inversion du réel fonctionne : «les féministes desservent leur cause», «les antiracistes sont des racistes», «les antifascistes sont de vrais fascistes», s’opposer à l’islamophobie est «anti-républicain», dénoncer les crimes policiers c’est être un «casseur». Et les écologistes sont des pollueurs. On commence à connaître la chanson.
En attendant, à Colmar, les écocidaires et les fascistes remportent une manche médiatique.
Source originale : https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/alsace/riviere-vert-fluo-la-teinture-a-t-elle-pu-provoquer-la-mort-de-poissons-2841407.html
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