En Bretagne, ces 1 535 patrons qui ont perdu leur emploi et leur entreprise en 2022 (OF.fr-19/05/23)

La filière de la restauration, de l’hébergement et des débits de boissons représente près de 95 % des défaillances d’entreprises en 2022, en Bretagne.

Par Laetitia JACQ-GALDEANO

Selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs, 1 535 patrons bretons de PME et TPE ont perdu leur entreprise en 2022. Un chiffre en augmentation de près de 45 % par rapport à 2021. Anthony Streicher, président de l’association GSC, constate « une phase d’accélération, trimestre après trimestre ».

« On est un peu comme dans une marée montante, une phase d’accélération trimestre après trimestre. Quelle va être l’amplitude de la vague ? C’est le fait de ne pas savoir qui inquiète. »

Anthony Streicher, président de l’association GSC, résume ainsi les dernières données de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs. L’étude a été réalisée par cette structure qui offre une assurance « perte d’emploi » aux chefs d’entreprise et l’expert de la donnée d’entreprise Altares. Elle dénombre 1 535 patrons bretons ayant perdu leur entreprise en 2022. Ce chiffre est en augmentation de 44,8 % par rapport à 2021, soit « environ quatre chefs d’entreprise par jour ».

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« On a un peu le symptôme du mourir guéri »

Anthony Streicher, président de l’association GSC, une structure créée par des syndicats patronaux il y a quarante ans pour offrir une assurance « perte d’emploi » aux chefs d’entreprise.

Avec 452 patrons concernés, l’Ille-et-Vilaine est le département le plus touché et représente à lui seul près d’un tiers des pertes d’emploi de la région. Le Finistère et le Morbihan en comptent respectivement 396 (+ 32,4 %) et 387 (+ 56 %). Les Côtes-d’Armor, malgré une hausse de 40,8 %, restent le département le moins touché avec 300 chefs d’entreprise au chômage.

Leur profil ? « Un homme de 48 ans à la tête d’une entreprise de trois salariés et un chiffre d’affaires de moins de 500 000 € », souligne Anthony Streicher. En clair, les PME (petites et moyennes entreprises) et les TPE (très petites entreprises) qui sont les premières victimes de « la dette Covid : le prêt garanti par l’État (PGE) à rembourser et le report des dettes sociales qu’il faut payer dans une situation économique pas simple, note Anthony Streicher. On a un peu le symptôme du mourir guéri. Vous avez des clients, du business. Mais vous avez une inflation de 20 % pour les entreprises, du mal à recruter pour faire du chiffre d’affaires et des charges qui s’accumulent. »

Le secteur du service aux particuliers enregistre 51 % de défaillances d’entreprises en 2022. Il est l’un des plus touchés.

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« La Bretagne a bien résisté mais il n’y a pas d’exception bretonne »

Avec près de 95 % des défaillances d’entreprises, la filière de la restauration, de l’hébergement et des débits de boissons est la plus concernée, devant les transports et la logistique (+ 81,5 %), l’industrie et le service aux particuliers (+ 51 %).

« La Bretagne a bien résisté en 2022, souligne Anthony Streicher. Elle représente 4 % des pertes d’emploi des chefs d’entreprise. Le dynamisme breton fait que c’est moins mauvais qu’ailleurs, mais il n’y a pas d’exception bretonne. En 2023, on devrait tourner autour de 2 800 à 3 000 chefs d’entreprise perdant leur activité professionnelle. »

Une projection confirmée par le directeur général d’Altares, Frédéric Barth. Dans un communiqué, celui-ci fait état de « 9 300 entreprises françaises déjà tombées en faillite en janvier et février 2023. C’est un millier de plus que début 2020 avant que la pandémie ne paralyse l’économie ».

Des raisons de s’inquiéter ? « Ce ne sera pas un tsunami de défaillances, prévoit Anthony Streicher. Ce sera un rattrapage. Quel en sera l’impact ? C’est toute la question. »

« Monsieur, vous étiez mandataire social, vous n’avez pas droit au chômage »

Un chef d’entreprise perçoit-il une indemnité chômage quand il perd son entreprise ? Non, s’il n’a pas pris une assurance. « Si vous êtes caution personnelle d’un prêt bancaire, votre banque peut venir toquer à votre porte. Si vous n’avez aucun revenu, elle peut saisir votre maison. Vous perdez votre entreprise, vos revenus et votre maison. »

Cette descente aux enfers ainsi résumée par Anthony Streicher de l’association GSC, François Quellec, directeur général salarié des Brasseries de Bretagne pendant cinq ans, de 2012 à 2017, ne l’a pas connue. Il avait souscrit une assurance perte d’emploi lorsqu’il a commencé à travailler dans l’entreprise. Mais il a connu « un stress maximum pendant trois minutes » lorsqu’il a quitté les Brasseries de Bretagne.

« J’étais dans un état d’épuisement physique et psychique. J’appelle Pôle Emploi, c’est un moment très particulier lorsque la personne que vous avez au bout du fil vous dit : « Monsieur, vous étiez mandataire social, vous savez que vous n’avez pas droit au chômage. »

François Quellec se souvient alors « de trois lettres : GSC. Mon ancienne entreprise avait cotisé en mon nom. J’avais choisi l’indemnisation pendant un an ».

« Si je n’avais pas eu ce filet de sécurité financière pendant un an… »

L’ancien directeur général a alors 45 ans, « quatre enfants et des frais embarqués ». Lui qui a dirigé 40 salariés, géré des millions d’euros, vit le chômage pour la première fois. Et le vit très mal. « Si je n’avais pas eu ce filet de sécurité financière pendant un an, on aurait rajouté du drame au drame. Vous perdez votre job, votre maison, votre femme et après, c’est la misère. J’ai eu la chance d’avoir une indemnisation. »

François Quellec finit par accepter d’être « accompagné par des personnes qui ont un regard neutre », même s’il confie aujourd’hui « avoir trop tardé ». L’ancien directeur général retrouve un emploi fin 2018 dans l’accompagnement du développement commercial des entreprises agroalimentaires en s’associant à une société.

Depuis un an, il « vole de ses propres ailes » et a créé sa SARL d’accompagnement des entreprises et des dirigeants à Guidel (Morbihan). Il intervient dans une zone comprise entre Brest (Finistère), Nantes (Loire-Atlantique) et Rennes (Ille-et-Vilaine ». Aujourd’hui, il ne vit plus sa période de chômage « comme un échec mais comme une expérience. Je n’ai jamais autant appris sur moi-même. Quand vous rebondissez, vous êtes forcément plus solide ». Le chef d’entreprise est en train de finaliser son dossier de cotisation pour une assurance chômage. « Si mon témoignage pouvait servir à un ou deux dirigeants pour se mettre à l’abri… »

Source: https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/en-bretagne-ces-1-535-patrons-qui-ont-perdu-leur-emploi-et-leur-entreprise-en-2022-67e7b708-f494-11ed-bac6-4664b4f49fec

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/en-bretagne-ces-1-535-patrons-qui-ont-perdu-leur-emploi-et-leur-entreprise-en-2022-of-fr-19-05-23/

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