Le Rectorat à Rennes va lancer une expérimentation pour combler les manques de personnels en Bretagne à la rentrée 2022, une procédure décriée par les premiers concernés.
C’est une alerte que communiquent les syndicats à l’Éducation nationale, témoignant d’une grande inquiétude pour la rentrée face « à un déficit criant de personnels ». Une centaine de personnes se sont réunies mercredi 6 juillet, à 14 h 30, devant le Rectorat de Bretagne à Rennes. Leur messages est clair : « Non à l’inversion, assez de la précarité ». Ils s’opposent à la journée de recrutement organisée par le Rectorat dans un lycée rennais ce même jour.
Du job dating pour trouver des enseignants
Le dispositif, semblable aux entretiens « job dating » organisés dans d’autres académies, donne l’opportunité à des personnes sans formation d’enseignants de devenir contractuels. Ils seront affectés, avant les titulaires en zone de remplacements et les contractuels déjà en CDI.
« Se dire que les contractuels vont être placés sur des postes à l’année, c’est surprenant. On est un peu méprisés alors qu’on a le concours, on devrait être prioritaire », confie Pascaline, professeur de physique chimie et TZR sur la zone de Rennes. « Je suis assez en colère contre l’académie ».
Un sentiment d’injustice chez les TZR
Cette injustice est ressentie par Sarah, professeure d’anglais. « 8 ans que je suis TZR, que je ne parviens pas à avoir un poste fixe », révèle-t-elle. « On vous prévient fin juillet, août, parfois même septembre. On peut avoir 48 heures pour préparer les classes de la sixième au BTS ».
Une collègue TZR en mathématiques intervient, « 48 h en théorie ». Elles ne comptent plus les fois où elles ont été appelées, la veille pour le lendemain, souvent hors de leur zone de remplacement. Des missions, « que vous n’avez pas le droit de refuser ».
Tout quitter, mais pour faire quoi ?
Leur précarité, renforcée par ce nouveau dispositif, leur « porte un coup ». Les trois TZR relèvent, avant tout, un manque de considération frappant. « On se demande pourquoi on a passé le concours », en rigole presque Sarah. Elle avoue même, que si elle savait quoi faire d’autres, « cela ferait longtemps que je me serais réorientée ».
Philippe Le Roy, secrétaire général de l’UNSA, révèle, « Sur 54 000 réponses [au baromètre annuel], pour la première fois, seuls 20 % conseilleraient à leurs proches de devenir enseignant alors qu’avant une majorité le suggérait ».
2 286 démissions en 2021, 869 en 2009
La colère du personnel éducatif n’est pas nouvelle. Elle s’exprime dans la rue, mais aussi dans les établissements, qui constatent de plus en plus de départs. 2 286 démissions dans le premier et le second degré sont enregistrées en 2021.
Philippe Le Roy confie avoir encore vu 4 ruptures conventionnelles la semaine dernière. Les enseignants « se sentent impuissants pour remplir leur mission complexe ». Il n’y avait pourtant que 869 démissionnaires en 2009.
L’UNSA Éducation Bretagne l’explique, dans un communiqué, notamment par un manque de moyens flagrant. De nombreuses réformes, comme celles du collège en 2016 et du lycée en 2019, ont été trop expéditives. Les syndicats soulignent, en plus, un métier à l’attractivité salariale basse et avec des conditions de travail difficiles.
« Sauver les meubles » de la rentrée 2022
« Il faut donner une grille aux familles, un emploi du temps, sans être certain que le personnel sera présent », souligne Philippe Le Roy. Il rappelle ces parents, en Île de France, qui ont porté plainte contre l’État pour non-remplacement des profs. « Ce sera très difficile de faire marche arrière. Maintenant, on va sauver les meubles ».
« Ils sont dans l’urgence de la préparation de la rentrée », convient Matthieu Maheo, professeur de français et co-secrétaire académique du SNES-Bretagne, « mais ce type de dispositifs donne une très mauvaise image du métier. Cela laisse à penser que n’importe qui, au terme d’une présentation d’une demi-journée, est en mesure de prendre une classe ».
Cette solution est difficilement viable sur le long terme, conclut-il. « Si, dans un mois ou deux, les contractuels mettent fin à leur contrat parce que ça sera trop difficile, le problème sera le même ». Ce sera alors encore aux TZR non affectés d’être appelés pour une prise de classe, de la veille au lendemain.
Source : En Bretagne, pourquoi les profs sont-ils « en colère » ? – Rennes – Le Télégramme (letelegramme.fr)
Auteur : Elissa Abou Merhi