En Loire-Atlantique, l’hôpital amputé de ses médecins intérimaires ? (OF.fr-27/03/23)

Anesthésistes, urgentistes, ou obstétriciens sont les plus prisés.

Santé. Comment tourneront les hôpitaux sans des médecins intérimaires parfois indispensables ? Réactions partagées en Loire-Atlantique, avant l’entrée en vigueur de la loi qui plafonne leur salaire.

Qualifiés de  mercenaires cannibales , ils sont depuis un moment dans le viseur de François Braun, ministre de la Santé. Le couperet vient de tomber. À compter du 3 avril 2023, les tarifs journaliers des médecins intérimaires seront plafonnés à 1 170 € bruts pour une mission de vingt-quatre heures, conformément à la loi Rist dont l’entrée en vigueur avait été reportée à cause du Covid.

Problème d’iniquité

Anesthésistes, urgentistes, ou obstétriciens sont les plus prisés.  Certains se vendent au plus offrant mais il n’y a aucun investissement dans le service et pour le patient, c’est une médecine au rabais. Il y a un problème d’iniquité , dénonce une voix en coulisses.

À l’approche de l’échéance, l’antenne régionale de la Fédération hospitalière de France (FHF), favorable à la loi Rist, alerte toutefois.  Dans la mesure où l’application des tarifs réglementés conduirait des médecins intérimaires ou remplaçants à ne pas accepter les missions et contrats proposés, un risque de fermetures ponctuelles, totales ou partielles doit être anticipé. 

Parmi ceux qui recourent le plus à l’intérim localement, figure le centre hospitalier Erdre et Loire, dont les urgences d’Ancenis sont désormais closes de 17 h à 8 h 30. Au CH de Châteaubriant-Nozay-Pouancé,  pour l’heure, cette situation ne nous met pas en danger important pour la continuité médicale , rassure Éric Manœuvrier, directeur.

Les médecins intérimaires ont été qualifiés de “mercenaires cannibales” par le ministre de la Santé.

« Ce n’est pas l’intérimaire qui fait monter les enchères »

Pour les syndicats hospitaliers cependant, on se trompe de cible.  L’intérim n’est pas ma philosophie de vie, réagit Yves Rebufat, anesthésiste au CHU de Nantes et administrateur du SNPHARE (Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateurs Élargi aux autres spécialités). Mais je comprends de plus en plus ceux qui s’y mettent pour profiter d’une meilleure qualité de vie. L’histoire du sacerdoce, c’est fini. 

 La vraie question, c’est pourquoi est-ce que certains quittent l’hôpital pour y revenir en tant qu’intérimaires quand d’autres cèdent à l’appel aux sirènes du privé ? , renchérit Olivier Terrien, élu CGT au CHU de Nantes, qui anticipe, par ricochet, un surcroît d’activité dans son établissement.  Plus que le niveau des rémunérations des intérimaires, ce qui me choque ce sont tous ces plans d’économies successivement imposés. Les conditions sont réunies pour dégoûter de l’emploi à l’hôpital , fustige le syndicaliste.  En tuant l’intérim, on pourrait fermer l’hôpital plus tôt. 

Pointés du doigt, les principaux intéressés démentent abuser du système.  Ce n’est pas l’intérimaire qui fait monter les enchères, mais l’urgence de la demande. Les chiffres de 3 000, 4 000 € la garde sont des exceptions , dément Cécile Chopard, secrétaire générale du syndicat des médecins remplaçants (SNMRH).  Ça vaut ce que ça vaut, mais d’après un sondage réalisé en interne, 95 % de nos membres indiquent qu’ils ne travailleront pas en avril. 

D’un hôpital à l’autre

Disparités. Le CHU de Nantes ne compte plus de médecins intérimaires depuis 2017. À la Cité sanitaire (St-Nazaire), l’intérim représentait en 2022 moins de 1 % du budget médecins. On est à 43 jours d’intérim pour 2023. Seul un intérimaire indique refuser le tarif Rist », note Christine Pelligand, directrice des affaires médicales. Au CH de Châteaubriant Nozay Pouancé, c’est 530 000 € pour un budget de fonctionnement de 95 millions d’euros. Nous avons des médecins intérimaires en pédiatrie, médecine générale, et quelques dates en anesthésie, détaille le directeur Éric Manœuvrier. Au CH Erdre et Loire, l’intérim pèse un million d’euros pour une masse salariale de six millions d’euros, soit 18 % du budget de fonctionnement, révèle la directrice, Sandrine Delage.

Des soignants payés jusqu’à 3 500 € brut par jour

Région. En Pays de la Loire, les médecins intérimaires représentent jusqu’au quart des effectifs dans certains servicesavec des tarifs jusqu’à 3 500 € par jour (brut), selon Jérôme Jumel, directeur général de l’ARS PDL. De son côté, l’antenne régionale de la Fédération hospitalière de France, évoque des rémunérations parfois dépassant quatre fois le salaire d’un praticien hospitalier.

Au cas où certains n’accepteraient pas les nouvelles conditions de la loi Rist, nous ferons jouer la solidarité des établissements pivots de la région, comme le CHU de Nantes ou celui d’Angers, pour assurer la continuité des soins dans les services en difficulté, promettait mi-mars Jérôme Jumel. Nous travaillons avec les acteurs privés afin qu’ils ne proposent pas des conditions différentes et nous avons signé une charte pour harmoniser les rémunérations dans les hôpitaux de la région, et des régions voisines.

« Il y a une part d’inconfort qui selon moi justifie notre salaire »

Sans prendre en compte l’ancienneté ou les primes, en anesthésie,  le salaire tourne autour des 65 € de l’heure, contre 39 € pour un titulaire en hôpital public, détaille Cécile Chopard. ​Mais il faut ensuite déduire les cotisations pour nos congés, les arrêts maladie, la formation, la retraite, la prévoyance que l’on doit souscrire à part. 

Les médecins mercenaires qualifiés de  mercenaires cannibales  ​par leur ministre de tutelle ?  À titre personnel, cela ne m’atteint pas, réagit la syndicaliste. ​J’estime que mon salaire, je ne le vole pas. Il y a une part d’inconfort qui selon moi justifie notre salaire. Pendant deux semaines par mois, je ne dors pas chez moi, je ne vois pas ma famille, Je l’accepte. Mais si c’est pour travailler au même tarif qu’un titulaire, ça n’en vaut pas la peine. 

Quant à savoir combien le pays compte de médecins intérimaires, peu de données sont disponibles.  Les estimations évoquent entre 3 000 et 5 000 médecins intérimaires avec des profils et des rythmes variés. À l’hôpital, on estime qu’il y a entre 30 à 40 % de postes vacants. Ceux-ci ne sont pas tous pourvus par des médecins intérimaires et tous n’exercent pas à plein temps. Mais cela donne une idée. 

Alors que l’entrée en vigueur de la loi Rist est prévue pour le 3 avril, beaucoup d’intérimaires ont prévu de boycotter la mesure. Selon Cécile Chopard,  ça vaut ce que ça vaut, mais d’après un sondage réalisé en interne, 95 % de nos membres indiquent qu’ils ne travailleront pas en avril. 

Marianne DARDARD (Presse Océan)

Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/en-loire-atlantique-lhopital-ampute-de-ses-medecins-interimaires-a03d09f6-bdbb-11ed-b928-590434b4ed14

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