En six mois d’inflation, plus de 40 boulangeries ont baissé le rideau en Bretagne. ( LT.fr – 01/04/23 )

Les boulangeries subissent de plein fouet la hausse des coûts de l'énergie et des matières premières.
Les boulangeries subissent de plein fouet la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières. (Illustration Lionel Le Saux)

Les créations de nouveaux commerces de pain ne compensent pas, en Bretagne, les nombreuses fermetures de boulangeries face à la hausse continue des prix de l’énergie et des matières premières. Les petits commerces non franchisés sont plus souvent en difficulté.

De Lamballe à Quimper et Lorient en passant par Langueux (22), Plonévez-du-FaouPlobannalec-Lesconil (29), Brandérion (56) ou Groix, l’année s’est ouverte avec une série semblant interminable, chaque semaine amenant la nouvelle d’une boulangerie qui ferme. Depuis un an, notamment sous l’effet de la guerre en Ukraine, les coûts de l’énergie et de nombreuses matières premières ont fortement augmenté. Parmi elles, les beurres, huiles et farines, soit une bonne partie des ressources nécessaires à l’activité de boulangerie. Les prix grimpent, la facture flambe, et ces commerces symboliques tanguent.

Davantage de fermetures que de créations

Les fermetures sont-elles effectivement nombreuses ? D’après des données mises à disposition par l’Insee et affinées par nos journalistes (voir encadré en fin d’article), on comptait 2063 boulangeries bretonnes en septembre 2022. Six mois plus tard, à la mi-février, le compteur affiche 2037. Un différentiel de plus d’une vingtaine de commerces, donc. Un nombre tout relatif, sur plus de 2000 enseignes… mais qui cache plus de fermetures qu’il n’y paraît.

Des factures intenables

Au total, plus d’une quarantaine de boulangeries qui existaient en septembre 2022 ont cessé leur activité entretemps. Parfois, l’heure était venue de passer la main et aucune équipe n’a pu être trouvée pour reprendre le commerce. Plus souvent, les fermetures sont directement liées à une hausse des prix ingérable. « Cette facture nous a tout simplement décidés à choisir la fermeture plutôt que l’endettement », expliquait, en janvier, un boulanger de Plonévez-du-Faou ayant fermé boutique après avoir découvert un coût annuel multiplié par trois.

« Avec l’augmentation du coût des matières premières et de l’énergie, notre commerce est en déficit de 20 % tous les mois », racontent également les gérants d’une boulangerie du pays de Vannes, qui s’apprêtent à vendre. Non sans avoir tout tenté : le couple ne se verse qu’un salaire pour deux, a levé le pied sur la pâtisserie, « peu rentable », remplacé une partie du beurre par de la margarine, utilisé des sachets sponsorisés – mis à disposition gratuitement – et relevé ses tarifs de 5 à 10 centimes.

Les enseignes franchisées plus solides

Le secteur de la boulangerie n’enregistre pas uniquement des disparitions : au moins une petite vingtaine de nouveaux établissements ont émergé. Avec un fait notable : les boulangeries artisanales représentent près de neuf disparitions sur dix mais seulement deux tiers des ouvertures. Parmi les enseignes renouvelées, on trouve plusieurs établissements de fabrication industrielle ou de cuisson de produits.

De fait, les installations du Moulin d’Élise à Brest (et bientôt près de Morlaix) ou de Marie Blachère à Saint-Martin-des-Champs (29) illustrent qu’en période de crise, produire en quantité ou en partenariat avec une franchise solide peut aider à tenir le choc. « On ne se sent pas en péril immédiat mais inquiets pour l’avenir », constate Yves Canévet, de la boulangerie du même nom à Saint-Thégonnec. L’enseigne, bien connue dans une partie de la région, alimente de multiples circuits, dont des Biocoop et des grandes surfaces.

Des difficultés datant d’avant la crise

Fait aggravant : les difficultés du monde boulanger n’ont pas attendu la flambée des prix. En janvier 2021, on comptait 137 boulangeries de moins que cinq ans plus tôt, en Bretagne, d’après l’Insee. En moyenne, cela représente une perte d’environ 13 commerces tous les six mois. Moins, donc, que le bilan dressé depuis septembre. Le recul sur plusieurs mois sera toutefois nécessaire pour quantifier une éventuelle aggravation.

De manière générale, une étude de FranceAgriMer d’avril 2022 soulignait que « la consommation de pain décline régulièrement depuis plusieurs années, ce qui pousse les professionnels à repenser leur offre et leur positionnement auprès des clients ». Résultat : ceux qui peuvent proposer des produits plus variés – sandwichs, pâtisserie – ou ciblés s’en sortent mieux.

Varier produits et clientèles pour ceux qui le peuvent

À Plouider (29), Le Fournil de la Butte, enseigne haut de gamme associée au restaurant étoilé du même nom, a limité la casse grâce à une très bonne activité en décembre. Les recettes de la partie restaurant-hôtel-spa ont compensé certaines pertes, même si cela écarte l’établissement du bouclier tarifaire. À noter, également : certaines activités nouvelles de boulangerie peuvent voir le jour sans commerce. À Saint-Nicolas-du-Tertre (56), par exemple, ou à L’Hermitage (35), des fournils ont été récemment installés mais dédiés à des ventes sur les marchés.

Reste que proposer des sandwichs ou de la pâtisserie fonctionne davantage avec la clientèle des grands centres que dans une zone rurale. Les petites enseignes des bourgs qui disparaissent pèsent pourtant lourd dans une vie de centre-ville.? Faire du pain, « c’est un savoir-faire », revendique Nicolas Conraux du Fournil de la Butte. « Quand il n’y aura plus de boulangerie dans les villages et seulement des baguettes à 1 € dans les grandes surfaces, on l’aura perdu. »

Comment ce décompte des boulangeries a-t-il été effectué ?
Nous avons rassemblé les informations disponibles pour établir une liste des établissements avec une activité de boulangerie officiellement recensés en Bretagne, dans la base Sirene de l’Insee. Les données de cette base ont été extraites en date du 1er septembre 2022 et du 15 février 2023, puis comparées à partir des numéros d’établissements pour identifier ceux qui existaient à une date et non à l’autre. Les informations ont été vérifiées manuellement pour supprimer les doublons, et complétées par nos rédactions locales. Cette base n’étant pas d’abord destinée à un usage statistique, des erreurs peuvent exister. Plus qu’un recensement exhaustif, il permet de donner un ordre d’idée sur la tendance des six derniers mois dans la région, alors qu’aucune source complète et officielle ne le permet.

En complément, la Base permanente des équipements (BPE), également mise à disposition par l’Insee, constitue un recensement plus solide, mais plus ancien, de la présence de différents commerces par commune, dont les boulangeries. Cette source est donc celle utilisée pour la période 2016-2021.

Source : En six mois d’inflation, plus de 40 boulangeries ont baissé le rideau en Bretagne – Hausse des coûts : les boulangeries bretonnes dans la tourmente – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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