
Propos recueillis par Julie MORISSEAU
Aide alimentaire, vestimentaire, accès au sport, à la culture, au droit et à la santé… Le Secours populaire de Nantes aide, chaque jour, environ 300 personnes. Et la demande ne fait qu’augmenter. Explications avec Danièle Alexandre, secrétaire générale de Loire-Atlantique, et Héloïse Parbeau, coordinatrice de l’espace solidarité.
Les demandes au Secours populaire ne font qu’augmenter. Une des raisons à cette hausse : l’inflation, notamment. Héloïse Parbeau, coordinatrice de l’espace solidarité du Secours populaire, à Nantes, et Danielle Alexandre, secrétaire générale 44, font le point en cette rentrée scolaire.
Vous organisez une distribution de fourniture scolaire ce vendredi 1er septembre. À qui s’adresse-t-elle ?
Héloïse Parbeau : Elle est proposée tous les ans aux familles inscrites au Secours populaire qui ne touchent pas l’allocation de rentrée scolaire. Cela représente 170 familles, ce qui correspond à 330 enfants. On a dû malheureusement limiter les inscriptions cette année, en raison d’une augmentation de la demande. L’année dernière, on était à 210 enfants.
Ces difficultés sont-elles propres à la rentrée ?
HP : Non, c’est un phénomène général. Au mois d’août, on a accueilli 804 foyers, en tout, à l’espace solidarité. C’est une centaine de plus par rapport à l’année dernière (en 2022, l’antenne du Secours populaire de Nantes avait reçu 4 424 familles contre 3 547 en 2022, NDLR).
Vous parlez d’une demande en hausse. Quels sont les facteurs explicatifs ?
Danielle Alexandre : Le coût des fournitures scolaires est en hausse et plus globalement, le coût de la vie. Ces gens sont amenés à faire des choix. Et ils vont notamment rogner sur l’alimentaire. C’est impressionnant le nombre de gens qui sautent des repas. On a des étudiants qui ne prennent pas trois repas par jour, c’est une évidence. On va sûrement les avoir à la rentrée en nombre, malheureusement.
Et puis, il y a les familles monoparentales (à l’échelle nationale, les familles monoparentales représentent 70 % des personnes aidées, NDLR), qui privilégient le repas de leurs enfants. Je me souviens de cette femme qui me disait : « Moi, je me contente de manger les restes de mes enfants. » Ça m’avait bouleversée. Et ça, on l’entend souvent, ça interpelle.
L’inflation est donc l’explication ?
DA : Disons que ça vient aggraver les choses. Pour certains, ils s’en sortaient jusque-là, mais plus maintenant.
HP : Pour ceux qui sont déjà en situation de pauvreté, ça leur prendra plus de temps pour en sortir et ne plus avoir besoin d’aide. Au lieu de mettre deux ans à retrouver un emploi, la personne va peut-être en mettre trois. Sauf que nous, on n’est pas en mesure d’allonger le temps pendant lesquels on les accompagne, parce que la demande est forte.
DA : Et puis, l’inflation ne nous épargne pas non plus (sur le plan national, les coûts de frais de fonctionnement du Secours populaire ont augmenté de 15 %, NDLR). On a aussi une diminution des produits dont la date de péremption est limite dans les supermarchés qu’on ramasse pour les redistribuer. Vous arrivez dans le magasin, il ne reste que dix produits, parce qu’aujourd’hui, tous les clients peuvent se servir. Or, ça pénalise énormément les associations. Pour l’alimentaire, on rame et on est obligé d’acheter. C’est une vraie problématique si les associations ne peuvent plus répondent à la demande. On a déjà alerté les pouvoirs publics.
Que viennent chercher majoritairement les personnes qui poussent la porte du Secours populaire ?
DA : Cet été, beaucoup sont venus parce qu’ils avaient des dettes. On nous sollicite pour payer la facture énergétique, le loyer. On redirige alors vers d’autres structures, car on ne propose pas ces aides. Il y a aussi la santé. Beaucoup arrêtent leur mutuelle parce que c’est trop cher. D’autres familles ne se soignent pas.
HP : Pour certains, c’est très difficile de venir ici. Ils ont l’impression de perdre leur dignité. D’autres sont en colères parce qu’il y a une frustration qui s’accumule.
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