ENTRETIEN. En Bretagne, « les effectifs des urgences sont en très grande souffrance ». (OF.fr – 30/08/23)

L’accès aux urgences a été régulé dans huit hôpitaux bretons durant l’été 2023. Les patients devaient composer le 15 avant de s’y présenter (photo d’illustration).
L’accès aux urgences a été régulé dans huit hôpitaux bretons durant l’été 2023. Les patients devaient composer le 15 avant de s’y présenter (photo d’illustration). | MARC OLLIVIER/ARCHIVES OUEST-FRANCE

Propos recueillis par Laetitia JACQ-GALDEANO.

En Bretagne, les urgences de l’hôpital de Carhaix (Finistère), quasiment fermées tout l’été, devraient le rester la nuit jusqu’en décembre 2023, faute de médecins. Les patients devront téléphoner au 15 avant d’y accéder. Cette procédure, utilisée cet été dans huit hôpitaux bretons, a parfois entraîné une surchauffe d’activités dans les services d’urgences ouverts. Louis Soulat, le vice-président du syndicat Samu – Urgences de France, explique pourquoi les jeunes urgentistes quittent l’hôpital.


En mai 2023, dans un entretien accordé à France Info, le ministre de la Santé, François Braun, n’excluait pas d’instaurer, en France, l’obligation de passer par le 15 pour se rendre aux urgences. 
L’été noir des petits hôpitaux bretons et la décision de fermer les urgences de l’hôpital de Carhaix (Finistère), la nuit, en régulant l’accès de ce service par le 15 jusqu’à fin décembre 2023, préfigurent-ils l’officialisation de ce fonctionnement ? L’inquiétude du corps médical, des assistants de régulation médicale (ARM) chargés d’orienter les malades qui appellent le Samu, et même de sapeurs-pompiers, qui transportent les malades aux urgences, est grande.

Lundi noir à Saint-Brieuc

Cet été, la Bretagne a expérimenté le dispositif et ses conséquences pour les patients dans les hôpitaux de Vitré, Redon, Cesson-Sévigné, Fougères (Ille-et-Vilaine), Lannion, Guingamp (Côtes-d’Armor), Pontivy (Morbihan) et Carhaix (Finistère). En manque de médecins urgentistes, ces huit établissements ont dû réguler l’accès direct des malades aux urgences contraints de téléphoner au 15 avant de s’y présenter.

Fermetures perlées certaines nuits (Fougères, Guingamp, Lannion), fermeture de jour pendant tout l’été (Vitré), fermeture pour trois semaines en août (Pontivy), fermeture de nuit en août (hôpital privé de Cesson-Sévigné), fermeture de jour et de nuit quasiment tout l’été (Carhaix) voire tout l’été (Redon) Aucun département breton n’a été épargné par cette dégradation de l’accès aux urgences. Conséquences ? Un afflux de patients pour les hôpitaux dont les urgences restent ouvertes comme celui de Saint-Brieuc, qui a vécu un lundi noir, le 7 août, avec 211 passages en 24 heures liés à la fermeture des urgences de Lannion, Guingamp, Carhaix et Pontivy. Des patients ont dû y attendre huit heures en moyenne sur un brancard, dans les couloirs, avant une éventuelle hospitalisation.

Surchauffe des Assistants de régulation médicale du 15

Surchauffe aussi pour les assistants de régulation médicale (ARM) du 15, chargés d’orienter les patients. Dans les quatre Samu (services d’accès aux soins) bretons, il en manquerait 20 à 30 %, de source syndicale. Grosses inquiétudes, enfin, chez les pompiers chargés de convoyer des malades aux urgences. Dès juin 2023, « l’allongement des délais de route » vers les urgences de Morlaix, Guingamp ou Paimpol, quand celles de Lannion sont fermées, était dénoncé pour les patients comme pour les pompiers par la CGT du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) des Côtes-d’Armor.

Dans un communiqué, l’Agence régionale de santé (ARS) a défendu cet été « cette organisation (qui) permet d’améliorer la pertinence des prises en charge : le juste soin, au bon moment, au bon endroit », rappelant que « dans tous les cas, (celle) des urgences vitales reste assurée par les structures mobiles d’urgence et de réanimation, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ».

C’est aussi ce que dit Louis Soulat, vice-président du Samu – Urgences de France, qui travaille au CHU de Rennes. Mais le médecin s’alarme aussi de « la très grande souffrance » de l’effectif des services d’urgence.

Huit hôpitaux bretons ont dû fermer partiellement ou complètement leurs services d’urgence cet été. Les patients devaient téléphoner au 15 au lieu de se rendre directement aux urgences. Faut-il parler de régulation ou de fermeture ?

Quand on réoriente 95 % des patients, c’est que les urgences sont fermées. La tutelle nous dit que c’est de la régulation, mais c’est de la sémantique. La nécessité d’appeler le 15 avant d’aller aux urgences est une évidence. Elle se pratique déjà dans d’autres pays. C’est une bonne chose pour orienter le patient, identifier les vraies urgences. Après, il y a la réalité. Les effectifs des urgences sont en très grande souffrance. Cela ne s’est pas amélioré cet été. La tutelle nous dit : « C’est moins pire que l’an dernier ». Ce n’est pas vrai.

« Il faut éviter que les jeunes urgentistes quittent l’hôpital »

La loi Rist, qui plafonne la rémunération des praticiens intérimaires à 1 170 € pour une garde, est-elle toujours un frein pour trouver des urgentistes ?

La loi Rist était une nécessité. La vraie question, c’est pourquoi les urgentistes quittent-ils les urgences ? Tant que l’on ne s’attaquera pas au problème de la qualité de vie au travail des urgentistes, de l’attractivité des urgences, on ne résoudra pas le problème. Il faut éviter que les jeunes quittent l’hôpital pour l’intérim ou le privé. Je ne suis pas optimiste sur cette question. Plus personne ne veut faire de garde car l’activité est trop pénible. Cette pénibilité use les équipes. C’est pourquoi notre syndicat demande que les gardes de nuit soient revalorisées. Les heures de nuit sont passées de 1 € à 2 € pour les soignants. Vous rendez-vous compte ?

Les urgences de l’hôpital de Carhaix vont fermer de nuit jusqu’en décembre. Au printemps, le ministre de la Santé n’avait pas exclu de rendre obligatoire la régulation dans toute la France. Croyez-vous à ce scénario ?

Cette annonce révèle l’état des troupes. Quand on ferme un service, c’est que les lignes de garde sont insuffisantes. Le plus gros problème, ce sont les patients qui font davantage de kilomètres (N.D.L.R., pour être admis dans des services d’urgence ouverts). C’est aussi la surchauffe d’activité qu’elle entraîne dans les urgences ouvertes et pour le Samu (Service d’aide médicale urgente). Dans tous les Samu bretons, il manque 20 à 30 % d’assistants de régulation médicale (ARM). Le CHU de Rennes vit depuis plusieurs années avec les urgences de Vitré – puis celles de Redon — fermées la nuit. Pour les urgences du CHU de Rennes, il n’y a donc pas eu d’accalmie pendant les vacances. Et ce n’est rien à côté de l’automne qui arrive. Il nous manque 15 médecins sur une équipe de 5 0.

Source : ENTRETIEN. En Bretagne, « les effectifs des urgences sont en très grande souffrance » (ouest-france.fr)

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