
L’association Baie de Douarnenez environnement organise une conférence-débat sur la pêche, mercredi 23 octobre 2024, à Douarnenez (Finistère). En amont de la rencontre, Philippe Le Niliot, directeur délégué adjoint du Parc naturel marin d’Iroise, explique le lien entre protection des écosystèmes marins et pérennité de l’activité des pêcheurs.
Entretien réalisé par Sounkoura-Jeanne DEMBÉLÉ.
« Autorisations, quotas et évolution des pratiques suffiront-ils à sauvegarder la ressource tout en préservant la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes ? » Cette question sera au cœur d’une conférence-débat sur la pêche, organisée par l’association environnementale Baie de Douarnenez environnement, mercredi 23 octobre 2024, à l’auditorium du Port-musée, à Douarnenez (Finistère).
Celle-ci sera animée par Philippe Le Niliot, directeur délégué adjoint du Parc naturel marin d’Iroise (PNMI).
Quelle est la mission du Parc naturel marin d’Iroise (PNMI) ?
Il affiche des objectifs de développement durable des activités dépendantes de la mer, mais aussi de connaissance et de protection. Car il existe un lien très fort entre la protection des écosystèmes marins et la pérennité de l’activité de pêche.
L’environnement naturel met à la disposition des pêcheurs un certain nombre de ressources qu’ils peuvent prélever. Mais ces ressources sont tributaires de la qualité du milieu. Un écosystème dégradé, globalement, s’appauvrit.
Le PNMI, les aires marines protégées en général, et les pêcheurs ont un destin commun : nous sommes sur les mêmes territoires en essayant de protéger cette biodiversité dont nous dépendons.
Qui pêche en baie de Douarnenez et en mer d’Iroise ?
Il y a, en mer d’Iroise, un nombre de flottilles très diversifiées. Peut-être le plus diversifié qu’on puisse trouver sur les côtes de France. Il y a des goémoniers, pêcheurs de sardines, ligneurs, fileyeurs, caseyeurs, telliniers… Ce sont des marins, des bateaux dont les stratégies et les systèmes de gestion sont différents, et qui constituent une mosaïque de « pays maritimes ».
Quant à la baie de Douarnenez, c’est une vraie nourricerie pour de nombreuses espèces. On y exploite surtout des petits pélagiques, comme les sardines. Il y a d’ailleurs une redynamisation du port de Douarnenez par la bolinche.
Qu’est-ce qu’on y pêche ?
Les goémoniers représentent la flottille la plus productive. Ils pêchent environ 40 000 tonnes de macro-algues en mer d’Iroise chaque année. C’est la plus grosse production française (près de 80 % des apports). La deuxième plus grosse flottille : les bolincheurs, avec un niveau de prélèvement sur la sardine qui avoisine, selon les années, entre 6 000 et 8 000 tonnes.
Viennent ensuite les caseyeurs et fileyeurs qui alternent entre les crustacés et les poissons plats. Leur débarquement est très important aux criées du Conquet et de Plouhinec. Les ligneurs, quant à eux, pèsent moins en termes de débarquement, mais ils valorisent énormément leurs poissons.
Tout cet ensemble forme un bassin halieutique propice à l’économie maritime. Notre idée est de conserver ça, conserver tous ces savoir-faire et toute la culture qu’elle représente.
Observe-t-on des conflits entre les différentes pratiques ?
Le partage et le système d’accès à la ressource restent la prérogative des comités des pêches. Nous travaillons peu sur ces sujets qui ne sont que rarement soumis à des avis du PNMI.
Comment ont évolué les flottilles et la ressource depuis cinquante ans ?
Le nombre de bateaux a été divisé par deux. Et le nombre de marins, par trois. Mais l’effort de pêche [mesure de l’activité de pêche] est probablement resté stable grâce au progrès technique. Celui-ci a apporté des gains de productivité pour une ressource qui, elle, reste et restera déterminée par la santé de l’écosystème. Or, le milieu marin est devenu moins productif.
On observe, notamment, une diminution de la taille moyenne de certains poissons, comme la sardine. Autrefois, c’était un phénomène typique de la surexploitation des ressources. Mais aujourd’hui, s’agissant de la sardine, on pense que cela est lié à ses proies. Le zooplancton qui l’intéresse reste abondant, mais sa taille a également diminué et il est moins énergétique.
Il faut chercher l’explication dans le phytoplancton qui est, lui aussi, différent dans sa composition et son abondance. C’est potentiellement la conséquence de l’élévation des températures de l’eau. Ce sont des phénomènes nouveaux sur lesquels nous devons travailler avec les pêcheurs.
Quels sont les enjeux pour le milieu maritime à l’heure actuelle ?
Le milieu évolue. Il faut comprendre ce qu’il se passe pour anticiper et s’adapter. Le changement climatique n’est pas linéaire. Il passe par des seuils, au-delà desquels tout bascule. Les pêcheurs sont les premiers témoins de ces évolutions. C’est pourquoi nous avons besoin d’eux.
Et les choses peuvent s’améliorer quand on fait des efforts. Des espèces reviennent. Comme la langouste rouge à Sein et sa chaussée. On n’en avait pas vu depuis une trentaine d’années. C’est un cas typique de reconquête, permise par les nombreuses mesures, dont des zones de non-prélèvements.
Mais la prise de conscience doit être collective. On peut évoquer les bassins-versants, car en l’absence de stratégies sur la qualité de l’eau ou de maintien des milieux naturels littoraux, leurs dégradations contribueront à l’épuisement des milieux marins.
Ce mercredi 23 octobre, à 20 h, conférence-débat sur la pêche à l’auditorium du Port-musée, place de l’Enfer, organisée par l’association Baie de Douarnenez environnement. Des marins pêcheurs de l’association Pêche Avenir Cap-Sizun interviendront pour parler de leur métier. Entrée gratuite.
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