
Dans un rapport rendu public ce mardi matin, une dizaine d’ONG démentent les récents propos du ministre des Armées et dénoncent des livraisons d’armes de la France à Israël.
Par Elizabeth FLEURY.
« Il n’y a pas d’armes vendues à Israël », affirmait, vendredi dernier, Sébastien Lecornu. Ce mardi matin, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, plusieurs organisations apportent au ministre des Armées un cinglant démenti. Droit et Solidarité, France Palestine, Progressive International, Attac… à l’invitation des députés LFI Sophia Chikirou et Bastien Lachaud -également membre de la commission Défense-, à une semaine de l’ouverture du salon d’armement du Bourget, une dizaine d’entre elles ont uni leurs efforts pour tenter de documenter ce qui reste couvert, en France, par l’épais boisseau du secret-défense.
Depuis octobre 2023, par voie aérienne et maritime, la France livre « un flux ininterrompu » d’armes à Israël, indiquent-elles dans un rapport rendu public ce matin. Et de détailler : « plus de 15 millions d’articles dans la catégorie “bombes, grenades, torpilles, mines, missiles et autres munitions de guerre”, d’une valeur de plus de 7 millions d’euros, ainsi que 1868 articles dans la catégorie “pièces et accessoires de lance-roquettes, grenades, lance-flammes, artillerie, fusils militaires et fusils de chasse”, d’une valeur de plus de 2 millions d’euros ». Rien à voir avec de simples “composants” destinés au système défensif israélien -le Dôme de fer, comme le prétend Sébastien Lecornu. Rien à voir, non plus, avec des “éléments” assemblés en Israël et destinés à la “réexportation“, autre affirmation du ministre français des Armées. “La France a joué et joue encore un rôle central dans la livraison d’armes à Israël“, confirme David Adler, au nom de Progressive International, dont les recherches donnent “une image partielle“, de “la complicité de la France ” dans “le massacre des civils palestiniens“.
Lance-roquettes, lance-grenades, mitrailleuses, missiles…
Pour nourrir leur rapport, les organisations ont utilisé les données, très officielles, de l’Autorité fiscale israélienne. À partir de l’ensemble des importations réalisées par Israël en 2024, elles ont sélectionné les catégories correspondant aux « armes et munitions » puis « analysé quelles armes ou composants d’armes actuellement déployées par l’armée israélienne pourraient être fabriquées en France ».
Lance-roquettes, lance-grenades, mitrailleuses, missiles… la France est en pointe en matière d’artillerie, d’infanterie ou de systèmes antichars et antiaériens et ces systèmes d’armes sont « actuellement déployés par l’armée israélienne », constatent les auteurs du rapport.
Proviennent-ils de France ? Faute de transparence, la réponse est prudente. Certes, « la France a récemment augmenté de façon spectaculaire sa capacité de production d’obus d’artillerie » mais « les données d’importation n’indiquent pas la description du produit, le vendeur ou l’utilisateur final » et seule « une enquête approfondie » permettra d’établir avec certitude l’origine des armes utilisées par Israël, estiment les organisations.
Pas moins de 14 vols de fret
Après s’être penchées sur les catégories d’armes provenant de France, ces dernières ont identifié « les vols de fret qui ont eu lieu pendant la même période que les expéditions d’armes, afin d’identifier les avions qui ont plausiblement pu effectuer ces expéditions ». Pas moins de 14 vols de fret, contenant pour la plupart des « pièces et accessoires de lance-roquettes, grenades, lance-flammes, artillerie, fusils et carabines militaires », ont atterri à l’aéroport israélien Ben Gourion entre décembre 2023 et avril 2025. Trois vols, transportant des pièces de F-35, en provenance des États-Unis et à destination d’Israël, ont par ailleurs transité par Paris.
Qu’il s’agisse de « bombes », de « grenades », de « missiles » ou de pièces détachées et d’accessoires, des armes ont également pu être acheminées en Israël par voie maritime, rapportent les organisations. Entre octobre 2023 et avril 2025, au moins 16 expéditions ont ainsi eu pour destination les ports israéliens de Haïfa ou d’Ashod. Par ailleurs, un certain nombre de navires présents dans le port d’Haïfa « ont accosté en France de manière régulière », constatent les auteurs du rapport. « Leur contenu, estiment-ils, devrait être vérifié par le biais de demandes d’informations ».
Suite aux récentes révélations de Disclose sur une livraison de 14 tonnes de pièces détachées pour fusil mitrailleur à Israël, après plusieurs blocages de fret militaire par des dockers CGT de Fos-sur-Mer, à une semaine de l’ouverture du très controversé salon d’armement du Bourget – sur lequel la justice française doit rendre ce 10 juin une décision — le rapport des ONG jette, à son tour, une lumière crue sur la complicité de la France dans la politique génocidaire d’Israël.
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