
© Israeli Foreign Ministry / AFP
Tandis que les mobilisations de soutien se multiplient, Tel-Aviv isole les activistes, interdits de communiquer avec leurs avocats et ambassades respectives pendant de nombreuses heures. Cinq membres français sur six ont refusé d’être expulsés dans les conditions imposées par Israël. Ces derniers pourraient être incarcérés pour une durée de 96 heures, avant d’être expulsés de force.
Par Tom DEMARS-GRANJA.
Près de 24 heures après leur arrestation illégale par les forces israéliennes, les membres de l’équipage du Madleen sont toujours détenus, dans la matinée du mardi 10 juin. Retenus et interrogés au sein de l’aéroport international Ben Gourion (Tel-Aviv), les douze volontaires – de la députée européenne Rima Hassan à la figure de la lutte contre le dérèglement climatique Greta Thunberg, en passant par le journaliste d’Al Jazeera Omar Faiad – auraient dû être rapatriés, comme annoncé par le ministère israélien des Affaires étrangères.
Problème, les autorités israéliennes obligeraient les détenus à signer des documents d’expulsions, et ce, sans la présence de leurs avocats. « Ils devaient reconnaître être entrés illégalement sur le territoire israélien, condition fixée par Israël pour leur libération », a annoncé le coordinateur de la France insoumise (LFI) Manuel Bompard, sur son compte X. Soit une nouvelle violation du droit international, qui pousserait huit des douze membres à refuser de les ratifier, rapporte la journaliste Khadija Toufik, présente à Tel-Aviv. Ainsi, selon l’institution représentant la minorité arabe en Israël Adalah, ces derniers devraient « être traduits en justice dans les prochains jours ».
« Projeter une vidéo montrant les atrocités commises le 7 octobre 2023 »
« A ce jour, deux d’entre eux ont accepté de signer les papiers les expulsant du territoire israélien et leur permettant de rentrer dans notre pays, a annoncé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, dans le cadre de la Conférence des Nations unies pour l’océan (UNOC), à Nice. Quatre l’ont refusé à ce jour. » Les otages concernés – dont Rima Hassan et le journaliste du média indépendant Blast Yanis M’hamdi – pourraient être incarcérés pour une durée de 96 heures, avant d’être expulsés de force.
Arrivé à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (Paris), avant de repartir pour la Suède, Greta Thunberg a estimé auprès des journalistes présents sur place – dont deux de l’Humanité – que leur arrestation est « une énième violation du droit international ». La figure de la lutte contre le dérèglement climatique en a aussi profité pour annoncer « qu’il y aura une marche vers Gaza, qui aura lieu la semaine prochaine, je pense, avec des personnes essayant de se rendre à la frontière de Rafah ».
Les activistes concernés pourraient ainsi être transférés vers le centre de détention de Geveon, à proximité de Tel-Aviv, alors que le traitement des otages par l’armée israélienne a largement été condamné à l’international, entre séances de tortures, viols et disparitions. Le ministre de la Défense, Israël Katz, a notamment ordonné à l’armée « de projeter une vidéo montrant les atrocités commises le 7 octobre 2023 contre des militants détenus qui ont tenté de défier le blocus israélien de Gaza », annonçait son bureau dans un communiqué. La vidéo en question dure une quarantaine de minutes et se résume à un enchaînement d’images non censurées récupérées par Tel-Aviv.
« Il est normal que Greta l’antisémite et ses amis qui soutiennent le Hamas voient exactement qui est le groupe terroriste Hamas qu’ils soutiennent et au nom duquel ils agissent, quels actes atroces ils ont commis sur les femmes, les personnes âgées et les enfants, et contre qui Israël se bat pour sa défense », a ainsi lancé Israël Katz, faisant fi de l’objectif premier du Madleen. À savoir : briser le blocus humanitaire maintenu illégalement par l’armée israélienne, qui est à l’origine d’une famine généralisée dans la bande de Gaza. La coalition de la Flottille de la liberté (un mouvement international de soutien aux Palestiniens) annonçait, dans un communiqué publié quelques heures plus tôt, que l’équipage du Madleen se trouvait au port d’Ashdod, dans le sud d’Israël, en attente d’un possible transfert vers le centre de détention de Ramleh.
Les membres français de la flottille (Rima Hassan, Baptiste Andre, Pascal Maurieras, Reva Viard, Yanis M’hamdi, Omar Faiad) ont ainsi été interrogés sans avocats ni représentants de l’ambassade. « Nos familles n’ont aucune nouvelle alors que la rétention illégale dure depuis près de 24 heures, alertait Jean-Luc Mélenchon sur son compte X, au milieu de la nuit. Nous, Insoumis, sommes sans nouvelle aussi. Malgré nos relances à plus haut niveau, on ne sait même pas où sont les détenus. » Jean-Noël Barrot avait par la suite annoncé, quelques heures plus tard, que le « consul a pu voir cette nuit les six ressortissants français arrêtés par les autorités israéliennes (…) Leurs proches ont été contactés ».
Des dizaines de milliers de personnes rassemblées à travers la France
Le Madleen, mené par des activistes français, allemand, brésilien, turc, suédois, espagnol et néerlandais, a été attaqué par les forces israéliennes dans les eaux internationales, alors qu’il était proche de rallier la bande de Gaza avec à son bord de l’aide humanitaire. Immédiatement, l’annonce de l’arrestation – accompagnée des images diffusées par Tel-Aviv – a mobilisé à l’international.
Des dizaines de milliers de personnes se sont par exemple rassemblées à travers la France, dans la soirée du lundi, tandis qu’une manifestation a été organisée sur les ruines du port de Gaza « pour condamner le raid des forces d’occupation israéliennes et l’enlèvement d’activistes internationaux », résume le journaliste palestinien Anas Al-Sharif. Un nouveau rassemblement, mardi 10 juin à 18 heures, place de la République (Paris), a été annoncé.
De quoi maintenir la pression sur les services diplomatiques des pays concernés. Le président de la République Emmanuel Macron a ainsi réagi en affirmant, lundi 9 juin, que le Quai d’Orsay a « passé tous les messages » à Israël pour que « la protection » de ses ressortissants, au nombre de six, « soit assurée » et qu’ils « puissent retrouver le sol français ». De la communication dont les effets tangibles peinent, pour l’instant, à apparaître.
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