Face aux grèves, Londres criminalise l’action syndicale (H.fr-28/04/23)

Le 27 avril, à Londres. La secrétaire générale du Royal College of Nursing, Pat Cullen (3e à droite), et des personnels soignants devant la Haute Cour de justice.

Par Lina SANKARI

Royaume-Uni– De nombreux secteurs se mobilisent cette semaine dans un contexte d’inflation. En plus de lois attaquant le droit de grève, le gouvernement conservateur pose des recours en justice contre l’action des infirmières.

Des décennies que le Royaume-Uni n’avait pas connu de tels mouvements sociaux. Depuis l’été 2022, de nombreux secteurs de l’économie se mobilisent dans un contexte de forte inflation et d’appauvrissement des travailleurs. En moyenne, sur un an, les prix à la consommation ont ainsi augmenté deux fois plus vite (14 %) que les salaires. La perspective de voir appliquées de nouvelles lois antigrève, qui contraindraient 20 % des travailleurs des secteurs vitaux de l’économie au service minimum dès cet été, n’a pas entamé la mobilisation.

Alors qu’ils abordaient, le 27 avril, leur cinquième jour de grève, les enseignants d’Irlande du Nord et d’Angleterre ont accusé le gouvernement d’obstruction : « Le service éducatif ne fonctionne plus correctement en raison de la crise actuelle de nos écoles. Les (enseignants) ne feraient pas la grève, alors qu’ils sont déjà insuffisamment payés, s’ils estimaient qu’il existe une alternative. Nous voulons négocier. Nous voulons mettre fin à ce conflit », a expliqué Mary Bousted, codirectrice du Syndicat national de l’éducation, en direction des parents d’élèves. Avec les chefs d’établissement, ils dénoncent des classes surchargées, le manque de personnel et des postes laissés vacants (93 % non remplacés en plus, par rapport à 2019). De plus, souligne Mary Bousted, la vie et la santé des enfants sont menacées par « des bâtiments scolaires détériorés et délabrés ».

Un « tsunami de troubles industriels »

Le secteur de l’éducation n’est pas le seul à se mobiliser. Le 24 avril, 1 300 travailleurs de l’énergie ont également suivi une grève de deux jours chez BP, TotalEnergies, Shell, Harbour, CNRI, EnQuest et Taqa Bratani, a annoncé la branche écossaise du syndicat Unite. Dans ce domaine, les revendications sont d’autant plus fortes du fait de l’inflation : « Les sociétés pétrolières et gazières réalisent des bénéfices record et peuvent se permettre d’offrir à nos membres une augmentation de salaire décente », insiste Sharon Graham, la secrétaire générale de Unite, qui prévoit un « tsunami de troubles industriels » si les conditions de travail et les salaires ne s’améliorent pas. Moins habitués à se mobiliser, les travailleurs du centre de distribution d’Amazon à Coventry (Midlands de l’Ouest) ont entamé une deuxième grève de trois jours, le 20 avril, afin que le salaire horaire soit porté de 11 livres sterling (12,40 euros) à 15 livres (16,90 euros).

Dans un climat social dégradé, le gouvernement conservateur fait le choix de la criminalisation de l’action syndicale. Lundi, l’exécutif requérait une ordonnance de la Haute Cour de Londres pour empêcher une nouvelle grève des infirmières, fortement mobilisées depuis le début de l’année, du 30 avril au 2 mai, au prétexte que le mandat du Royal College of Nursing (RCN), le principal syndicat de la branche, n’autoriserait pas deux jours de grève consécutifs. « La seule façon de faire face à ceux qui tentent de nous intimider est de leur tenir tête… y compris devant les tribunaux », a répliqué Pat Cullen, secrétaire générale du RCN.

Lina SANKARI

Source: https://www.humanite.fr/monde/royaume-uni/face-aux-greves-londres-criminalise-l-action-syndicale-793039

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