Face aux sécheresses, quelles pistes d’adaptation pour l’agriculture ? ( LT.fr – 10/08/22 – 06h00 )

Un champ de maïs jauni par la sécheresse, à Courcemont, dans le nord-ouest de la France. Le maïs fait partie des cultures d’été les plus consommatrices d’eau.
Un champ de maïs jauni par la sécheresse, à Courcemont, dans le nord-ouest de la France. Le maïs fait partie des cultures d’été les plus consommatrices d’eau. (Jean-François MONIER/AFP)

Au-delà des économies et restrictions ponctuelles d’un été, il sera nécessaire d’adapter les pratiques agricoles à la réalité de sécheresses plus fréquentes et plus intenses. Plusieurs pistes existent et progressent déjà.

Comment faire face ? Philippe Debaeke est directeur de recherche dans l’unité Agroécologie, innovations, territoires à l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Il nous explique quelles adaptations sont possibles et nécessaires pour une agriculture capable de faire face aux épisodes de sécheresse plus fréquents et intenses.

Les épisodes de sécheresse que nous vivons cet été sont amenés à se multiplier. Quels sont les leviers d’adaptation de l’agriculture ?

Trois pistes importantes peuvent être identifiées. D’une part, par la gestion de l’eau : comment développer et utiliser plus efficacement les ressources. Ensuite, par une adaptation qui passe par un changement des cultures et des variétés, plus adaptées à ce contexte. Enfin, il est possible de développer ce que l’on appelle une agriculture de conservation des sols, en se préoccupant davantage de leur qualité et en développant leur couverture végétale.

Vous évoquez la gestion de l’eau. Une partie des agriculteurs demande la mise en place de stockages pour retenir l’eau de pluie. S’agit-il d’une piste à creuser ?

La question de créer des ressources supplémentaires, avec du stockage, par exemple, crée énormément de débats au niveau de la société, que l’on ne peut pas écarter. En se mettant à la place des agriculteurs, on peut comprendre la logique : l’eau qui tombe abondamment en hiver, si elle n’est pas captée, est vue comme « perdue ». Installer une retenue, comme cela est fait à l’échelle individuelle, peut ressembler à du bon sens. Disant cela, cependant, on ne règle pas le problème de fond : comment faire pour conserver notre mode d’agriculture actuel en dépendant moins du recours à l’irrigation, dans ce contexte de sécheresse ? Des solutions de rupture seront nécessaires, on les repousse en présentant le stockage comme la solution.

“Installer une retenue d’eau peut ressembler à du bon sens. Disant cela, cependant, on ne règle pas le problème de fond.

Quels autres leviers peuvent être actionnés concernant la ressource en eau pour un usage agricole ?

Au-delà du stockage, d’autres moyens d’irrigation peuvent être développés. Des recherches sont menées, par exemple, sur du goutte-à-goutte enterré, une méthode plutôt destinée, au départ, à l’arboriculture. En arrosant au plus près des racines, on peut réduire la consommation en eau pour un même rendement, par rapport à l’aspersion, qui consiste à arroser toute la surface. Quelle que soit la méthode, reste malgré tout une question : est-ce qu’on pourra garantir, dans le futur, un apport en eau suffisant pour les besoins d’irrigation qui seront également plus élevés avec le changement climatique ?

C’est là qu’intervient l’importance de mieux adapter les cultures à cet enjeu de l’eau ?

Il s’agit de réfléchir à moins irriguer. Cela peut passer par le fait de réduire la place des cultures très consommatrices d’eau, comme le maïs, et d’introduire d’autres cultures moins irriguées, telles que le sorgho, qui a besoin de 50 à 60 % d’eau en moins. Pour le moment, son rendement est plus faible. Mais il n’a pas non plus bénéficié du même travail de sélection végétale que pour le maïs.

“La sélection végétale a longtemps été orientée vers le rendement. Aujourd’hui, on privilégie des systèmes plus robustes.”

Il y a trente ans, les épis de maïs n’auraient rien donné face à une sécheresse comme celle que l’on vit actuellement, alors qu’aujourd’hui, la production peut arriver à ne pas complètement s’effondrer, même si la sécheresse de juillet est le pire scénario pour cette culture qui n’est pas irriguée partout.

La sélection végétale a longtemps été orientée vers le rendement. Aujourd’hui, on privilégie des variétés plus robustes, à rendement plus stable. Ce sont des changements qui prennent plusieurs années, mais les semenciers ont déjà commencé à intégrer ces éléments. La diversification est également nécessaire pour réduire la dépendance aux aléas climatiques.

Vous évoquiez, enfin, de nouvelles pratiques vis-à-vis du sol ?

C’est une tendance qu’explorent déjà certains agriculteurs. Le principe est de moins travailler le sol. Les résidus qui restent à la surface peuvent aider à l’économie d’eau. Cela se fait beaucoup dans les pays semi-arides, ou dans les grandes plaines américaines soumises au risque d’érosion. Là encore, ce n’est pas du jour au lendemain que l’on observe des effets favorables. Il faut voir tout cela comme une série de leviers à actionner ensemble, pour attaquer le problème de fond. Les évolutions sont toutefois déjà là : il y a vingt ans, 80 % des agriculteurs labouraient les parcelles avant le tournesol ; désormais, ils ne sont plus que 50 %.

Source : Face aux sécheresses, quelles pistes d’adaptation pour l’agriculture ? – L’impact de la sécheresse sur l’agriculture – Le Télégramme (letelegramme.fr)

Auteur :  Blandine Le Cain

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