Faute de mutation, cette enseignante fait 180 km par jour entre le Finistère et les Côtes-d’Armor. ( OF.fr – 19/09/22 – 18h04 )

Chaque année, de nombreuses demandes de mutation ne sont pas acceptées au sein de l’Éducation nationale, au grand dam des enseignants et des syndicats.
Chaque année, de nombreuses demandes de mutation ne sont pas acceptées au sein de l’Éducation nationale, au grand dam des enseignants et des syndicats.

Elle habite près de Landerneau (Finistère) et travaille près de Rostrenen (Côtes-d’Armor). Depuis 7 ans, elle demande une mutation dans son département, sans l’obtenir. Elle garde espoir, mais reconnaît que « psychologiquement, c’est très dur. »

Marie (*), 30 ans, a toujours voulu devenir enseignante. En 2015, elle obtient son concours dans l’académie de Rennes. Elle place le Finistère, où elle vit et d’où elle est originaire, en premier choix. Elle obtient les Côtes-d’Armor, son deuxième choix.

Elle débute dans le secteur de Guingamp, en école primaire. Depuis « 4-5 ans », elle exerce autour de Rostrenen. Elle habite près de Landerneau. Tous les jours, elle fait 180 km en voiture, une heure le matin, une heure le soir.

« C’est très compliqué d’entrer dans le Finistère »

Chaque année, elle demande sa mutation dans le Finistère, « pour suivi de conjoint. Tous les ans, ma demande est refusée, alors que mon barème est en hausse d’année en année, mais celui pour entrer dans le Finistère aussi. Si j’avais eu le même nombre de points qu’aujourd’hui il y a trois ans, autour de 750, je serai passée. Cette année, la seule collègue qui est passée à l’ancienneté avait plus de 800 points. »

Pour Marie, qui a l’autorisation de quitter les Côtes-d’Armor, « c’est très compliqué d’entrer dans le Finistère par l’ancienneté. Ils ne font passer que les dossiers médicaux, pratiquement. Je connais beaucoup de collègues dans le même cas que moi. Mon trajet serait moins long si j’exerçais à la limite des deux départements, entre Morlaix et Guingamp, mais c’est très demandé aussi. »

« Je ne me vois pas faire autre chose »

« Quand j’ai eu mon concours, il y a sept ans, on m’avait dit que j’en aurais pour quatre ou cinq ans avant d’être mutée. Aujourd’hui, les plus jeunes nous disent qu’on leur parle plutôt de 10-15 ans ! »

« Psychologiquement, c’est très dur à vivre », confie Marie, qui n’a jamais pensé à déménager, car toutes ses attaches sont dans le Finistère. Inévitablement, elle se demande ce qu’elle pourrait faire d’autre comme métier, si sa situation perdurait encore plusieurs années. « Je ne me vois pas faire autre chose, cela voudrait dire reprendre des études… Il y a la possibilité de se mettre en disponibilité, ce que font certaines collègues, mais on en revient à la question de pour quoi faire. »

Depuis sept ans, elle a parcouru 170 000 km

Si elle assure rester « optimiste », elle reconnaît : « Plus les années passent, plus j’ai l’impression d’en être proche, mais plus j’ai l’impression aussi que tous les ans il y a des critères en plus. C’est comme quelque chose qu’on essaie d’attraper et qui s’éloigne au fur et à mesure. »

Depuis sept ans, elle a parcouru presque 170 000 km. « J’y ai laissé une voiture, clairement. Je ne me vois pas faire la route pendant dix ans. » Des allers-retours qui coûtent cher, encore plus depuis la flambée des prix du carburant. « Cela me coûte entre 350 et 400 € par mois, sans compter l’usure de ma voiture. Je ne trouve pas de covoitureurs, nous avons des loisirs peu onéreux et nous ne partons plus en vacances comme avant. »

« Ça joue sur la patience avec les enfants »

Au début de sa carrière, Marie ne comptait pas ses heures, elle venait tôt à l’école, partait tard. Aujourd’hui, elle a deux enfants. « C’est eux ma priorité. Si j’étais à un quart d’heure de mon école, ce serait plus simple, pour les rencontres avec les parents, pour préparer les cours. »

« Ça joue aussi sur la patience avec les enfants, sur la fatigue. Quand j’arrive à l’école après une heure de route, je suis déjà fatiguée. Quand je suis devant mes élèves, je me dis que je suis vraiment contente d’être là, mais dès que je reprends la voiture le soir, je n’en peux plus. »

(*) Le prénom a été changé, à la demande de l’enseignante

Une opacité sur les critères de mutation

Marie dénonce « une vraie opacité au sein de l’Éducation nationale sur les mutations et les critères choisis. On n’a jamais d’explication à un refus. » Jean-Michel Blanquer, l’ancien ministre de l’Éducation nationale, a fermé aux syndicats l’accès des commissions qui décident des mutations.

Stéphane Chiarelli, secrétaire départemental du SNUipp-FSU, confirme : « Les services académiques se retranchent derrière la loi de 2019, qui interdit de divulguer la moindre information à caractère personnel. On se retrouve avec uniquement des bribes d’information d’ordre général, ce qui génère encore plus d’incertitudes. »

Robin Maillot, secrétaire départemental du SE-Unsa 22, reconnaît « une politique volontariste » dans les Côtes-d’Armor au sujet des mutations. « C’est plus simple de demander le 22, ou le 35, que le 29. Cette année, 26 personnes ont obtenu leur mutation dans les Côtes-d’Armor cet été. Il n’y en a eu que quatre dans le Finistère, et zéro l’an dernier. »

« C’est positif pour notre département, même si l’inspection académique a dû se rendre compte que c’était plus que nécessaire. L’emploi à outrance de contractuels a ses limites, qui sont atteintes. »

Source : Faute de mutation, cette enseignante fait 180 km par jour entre le Finistère et les Côtes-d’Armor (ouest-france.fr)

Auteur : Cédric ROGER-VASSELIN

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