Fermetures de magasins, crise du bio… Pourquoi des Biocoop sont en difficulté en Bretagne (OF.fr-25/01/23)

Plus de six fermetures et deux redressements judiciaires en 2022 : Biocoop dresse un mauvais bilan en Bretagne. Pourtant, producteurs et administrateurs de la filière restent positifs.

Depuis plusieurs mois, l’enseigne nationale de produits biologiques Biocoop tente de garder le cap. En Bretagne, l’enseigne a vécu plus de six fermetures, et deux redressements judiciaires freinent 13 magasins. Ouest France a pris la température.

Après trois fermetures de magasins et en plein redressement judiciaire, Biocoop Scarabée à Rennes vient d’annoncer la fermeture d’une quatrième boutique. En Bretagne, Quimper et Locminé se sont vu fermer deux magasins. À Saint-Brieuc, le groupe La Gambille tente de ne pas se noyer en réadaptant son offre, licenciant 5 salariés et fermant coiffeur et boucherie. À Pontivy, le groupe Callune se bat contre un redressement judiciaire… L’année 2022 n’aura pas été clémente pour les Biocoop de Bretagne.

Trop d’ouvertures ?

Biocoop est une société coopérative nationale qui se divise autour de quatre grandes branches : les magasins (coopératives ou SARL) indépendants entre eux, les producteurs, les associations de consommateurs et les salariés. Certains magasins sont regroupés sous le même directoire, tel que le groupe Scarabée sur le bassin rennais, par exemple. Biocoop se crée dans les années 80, résultat d’une alliance de consommateurs et de producteurs désireux de soutenir le projet de l’agriculture biologique.

« Depuis 10 ans, la bio avait le vent en poupe. Biocoop a ouvert un bon nombre de magasins », reconnaissent Matthieu Pérousse et Henri Godron, administrateurs Biocoop Grand Ouest. Trop d’ouvertures ? « Non. Quand on ouvre des magasins, le marché est estimé. Mais quand ce dernier se retourne violemment comme ça a été le cas en 2021 et 2022, les ouvertures de magasins, qui prennent entre 12 et 18 mois, sont déjà lancées. Forcément, ce sont les plus récents qui trinquent », démentent-ils.

Entre inflation et greenwashing

Les raisons de ces différentes fermetures sont multiples, témoignant d’une conjoncture économique difficile : « Avec l’accumulation des différents confinements (engendrant des nouvelles habitudes de consommation, N.D.L.R.) et de l’inflation provoquée par la guerre en Ukraine, les ménages font des arbitrages en matière de consommation. » Pourtant, selon Matthieu Pérouse et Henri Godron, chez Biocoop, l’inflation n’est pas plus forte qu’en grande surface : « On observe une inflation de 5 à 6 % contre une inflation dans l’alimentation générale qui tourne autour de 12 %. »

« Quand on ouvre des magasins, le marché est estimé. Mais quand ce dernier se retourne violemment comme ça a été le cas en 2021 et 2022, […] forcément, ce sont les (magasins) plus récents qui trinquent »

À cela, Biocoop accuse une forte démultiplication de labels sur les produits de grande surface, semant la confusion auprès des consommateurs. Un argument que Julien Sauvée, producteur en bio et président de la Fédération Régionale des Agrobiologistes de Bretagne (FRAB) soutient volontiers : « Certains labels ont des cahiers des charges qui ne sont pas à la hauteur des contraintes de l’agriculture biologique, on va jusqu’à parler de greenwashing. » « En plus des labels, les grandes surfaces mettent le paquet sur les produits à moindre coût. S’ils sont moins chers sur le moment, ces produits ont paradoxalement un coût réel sur notre santé et sur l’environnement », ajoute Matthieu Pérouse.

« Ce n’était pas le bon modèle »

Si certains magasins Biocoop sont sur la sellette, leur situation est symptomatique d’une crise plus globale. Selon la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), les ventes des produits bios ont baissé de 6,3 % de janvier à septembre 2022. « Le label bio n’existe que depuis 30 ans, c’est un projet récent. La croissance qu’on a eue depuis ces 5 dernières années n’était pas le bon modèle. Il faut aller vers des marchés plus sécurisants, des techniques agricoles plus autonomes. Cette crise ne remet pas en question notre engagement. Le projet de l’agriculture biologique n’est pas en crise. La consommation de la bio, si », défend Julien Sauvée.

Pour une TVA réduite sur les produits bio

Pour être plus accessibles pour les consommateurs, Biocoop milite pour une réduction de la TVA sur les produits biologiques : « C’est injuste que le client doive s’acquitter du même taux de TVA pour un produit qui est plus sain pour lui », soutient Matthieu Pérouse. Là encore, une prise de position nécessaire de la part de l’État que Julien Sauvée pointe du doigt : « Si l’État nous soutient davantage, on peut sécuriser notre production, faire des gammes plus accessibles et répondre davantage aux demandes des consommateurs. Les grandes surfaces doivent aussi tenir leurs engagements, remettre des produits bios dans leurs rayons et ne pas faire de marges trop importantes dessus. »

De son côté, Biocoop tente de garder la tête de haute : « Un redressement judiciaire n’a pas toujours une issue négative. L’objectif est de tenter de réorganiser l’entreprise pour qu’elle puisse perdurer. » Henri Godron d’ajouter : « Comme on est tous indépendants il y a des magasins Biocoop qui vont bien, d’autres encaissent des contrecoups. Si le marché est propice, il faut ouvrir plus. On reste très prudents : dernière chaque magasin, il y a des hommes et des femmes. »

Laure MUSSET

source: https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/fermetures-de-magasins-crise-du-bio-comment-se-porte-l-enseigne-biocoop-en-bretagne-a9d76b2e-935d-11ed-a132-da865d0c2723

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