Finistère-Face aux bouchons aux urgences, des pompiers en colère (OF.fr-10/09/22-8h01)

Photo prise cet été au centre hospitalier de Quimper, ces véhicules font la queue aux urgences.

Cet été 2022, il n’a pas été rare de voir des ambulances faire la queue aux urgences de l’hôpital de Quimper. Un temps d’attente qui exaspère des pompiers sur le terrain.

Sur la rampe d’accès qui mènent aux urgences du centre hospitalier de Quimper (Finistère), des véhicules à l’arrêt. Rouges comme ceux des pompiers et blancs pour les privés. Une image récurrente, notamment cet été. À tel point que certains Quimpérois se demandaient s’il ne s’agissait pas d’une manifestation. Pas du tout. Comme partout en France, les urgences saturent. Alors, on fait la queue à l’intérieur et aussi à l’extérieur dans les véhicules de secours à la personne.

Cet engorgement aux urgences n’est, certes, pas un cas isolé. Dans certaines villes, des manifestations ont eu lieu. Pas à Quimper.

« Les secours viennent de plus en plus loin »

« Pourtant, on a tous été concernés par ce problème, soulignent deux pompiers professionnels, qui souhaitent conserver l’anonymat. Il n’est pas rare d’avoir un temps d’attente de trois heures et demie. Pendant la période de Covid, les délais ont été rallongés par principe de précaution, cela on le comprend. Mais il faut comprendre aussi que pendant que nous sommes coincés, nous ne pouvons pas être en intervention. Du coup, les secours sont organisés différemment. »

D’où un ballet de véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) qui ne sont pas issus de la commune du centre de secours où un fait s’est produit. « Les secours viennent de plus en plus loin. »

Les pompiers ne peuvent que déplorer l’effet vase communicant entre hôpitaux. « Les urgences de Concarneau sont fermées la nuit, donc c’est à Laennec, à Quimper, de prendre. Même en fin de journée, si une personne nécessite plus de soins, elle sera dirigée vers Quimper. Douarnenez et Pont-l’Abbé n’ont pas le plateau technique suffisant. Du coup, pour tout ce qui n’est pas courant, même chose, direction Quimper. »

« Des box d’attente »

Les pompiers parlent de leur métier mais savent bien que pour les patients et usagers, « l’humain est au cœur de notre mission ». S’ils attendent, les personnes qui sont dans leur ambulance le font aussi. « Nos véhicules sont devenus des box d’attente, ce n’est pas normal. »

Les pompiers ne jettent pas la pierre aux blouses blanches de l’hôpital. Au contraire. « Il y a une carence de médecins urgentistes, l’infirmière remédie à ce manque. C’est une chaîne. Et qui pallie l’absence de l’infirmière ? L’aide-soignante. La salle d’attente des urgences à Quimper est surnommée la “cour des miracles”. Il manque des postes, certains craquent, il y a des burn-out (épuisement professionnel). Ce n’est sans doute pas spécifique à Quimper, mais il faut donner plus de moyens, recruter plus. »

Ils souhaitent également une meilleure concertation entre les acteurs, de la prise en charge d’une personne à son « tri », le mot est malheureux mais il s’agit bien de tri en fonction de la pathologie, des symptômes, de l’urgence.

La réalité de terrain

Et le renfort des volontaires ? La mise en disponibilité dans certaines entreprises ? Les pompiers soupirent : « Nos dirigeants s’inspirent encore d’un modèle révolu, du temps de nos grands-parents. Avec un volontaire au village, dispo 24 heures sur 24 pendant trente ans… Les jeunes volontaires ne sont plus mobiles, ne restent pas, ne sont pas disponibles en journée dans la semaine mais plutôt le week-end et la nuit. Maintenant, on contractualise en CDD des volontaires… »

Face à l’engorgement des urgences, faut-il refuser l’accès à certains patients ?

Si des réunions ont eu lieu pour trouver des solutions (lire par ailleurs), le sentiment des pompiers rencontrés est celui d’un écart qui se creuse entre la réalité de terrain et les décisions prises en bureau.

Des ambulanciers vigilants, mais confiants

Pour Yannick Janeiro, ambulancier, un travail en commun devrait permettre de trouver une solution au problème.

Yannick Janeiro est cogérant des ambulances Urgences 29 (Crozon, Douarnenez), président du Groupement des transports sanitaires urgents du Finistère et président de la Fédération nationale des techniciens ambulanciers urgentistes. Inutile de préciser qu’il connaît bien le métier et ses contraintes.

Les ambulances blanches des privés ne sont pas mieux loties que les véhicules de secours rouges des pompiers. « C’est vrai que l’attente impacte toute notre organisation. Deux heures d’attente, c’est trop. Cela a des répercussions sur le travail des ambulanciers et sur les patients. »

Mais pas question, pour autant, de pointer du doigt l’hôpital. « Il y a certainement un manque de personnel, mais nous ne voulons pas ajouter de l’huile sur le feu. Je souligne la bonne volonté de l’hôpital, on se voit régulièrement en réunion de travail. C’est dans l’intérêt de tous de trouver une solution à ce problème. »

« L’ensemble du système de soins doit être revu »

Marguerite Lamour, maire de Ploudalmézeau, est présidente du service départemental d’incendie et de secours. Elle a cœur d’être sur le terrain aux côtés des pompiers. Pour elle, la question de l’attente aux urgences « n’est pas propre à Quimper. Pour avoir partagé le quotidien des pompiers à Brest, je peux dire qu’au CHU la situation est la même. »

Selon elle, « il faut travailler avec le Samu dans de bonnes conditions pour optimiser le service de secours à la personne. C’est vrai que c’est difficile, les urgences sont submergées. Ces “embouteillages” sont dommageables pour tous, les usagers comme nos pompiers. Pour un véhicule, il faut trois personnes, il faut faire admettre le patient jusqu’à sa prise en charge. Ensuite on doit composer avec le jeu des VSAV (véhicules de secours et d’assistance aux victimes) pour aller d’un point A à un point B. L’afflux aux urgences et l’attente impactent évidemment l’organisation et crée de la frustration dans les équipages. »

Elle ajoute : « C’est l’ensemble du système de soins qui doit être revu, j’en appelle aussi à nos concitoyens, de ne pas se précipiter aux urgences… » Marguerite Lamour souligne que tout le monde travaille, la préfecture en tête, pour trouver des solutions. Elle salue enfin l’engagement au quotidien des pompiers et loue « les efforts des collectivités » qui permettent aux volontaires de partir en renfort sur le terrain.

Jean-Marc PINSON

source: https://www.ouest-france.fr/sante/hopital/finistere-face-aux-bouchons-aux-urgences-des-pompiers-en-colere-d27e40d8-2e0f-11ed-82ab-ca288831284e

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