Franchise et location-gérance : la CFDT attaque en justice les « restructurations déguisées » de Carrefour (H.fr-12/03/24)

En l’espace de six ans, Carrefour s’est délesté de 300 magasins employant 23 000 personnes. Ici, l’hypermarché de Montesson (Yvelines), le 13 septembre 2023. © Sarah Meyssonnier / REUTERS

La CFDT a assigné en justice le géant du CAC 40, qui a cédé, au cours des dernières années, plus de 300 magasins employant 23 000 salariés. Un système de « restructurations déguisées » qui lui permet de se défausser de ses obligations sociales, tout en engrangeant des profits records.

Par Hayet KECHIT

Engranger des profits record (1,66 milliard d’euros en 2023), abreuver de centaines de millions d’euros ses actionnaires… tout en s’encombrant le moins possible des salariés. Carrefour semble avoir trouvé la parade idéale avec la location-gérance et les franchises.

Le géant du CAC 40 est devenu coutumier, particulièrement depuis l’arrivée à sa tête d’Alexandre Bompard, en 2017, de ce système de gestion en forme de tour de passe-passe qui permet à un nombre croissant d’enseignes de la grande distribution de céder, à des patrons tiers, l’exploitation de leurs magasins et, dans leur sillage, les contrats des employés.

« Restructurations déguisées »

Carrefour qui, en l’espace de six ans, s’est délesté de plus de 300 points de vente, employant quelque 23 000 personnes, tout en restant propriétaire de l’enseigne et des lieux (dans le cas des locations-gérances), devra désormais en répondre devant la justice. Estimant que ce mode de gestion « ne répond pas aux règles du droit et qu’elle a des conséquences très fortes pour les travailleurs », la CFDT a décidé, le 11 mars, d’assigner le groupe devant le tribunal judiciaire d’Évry (Essonne).

« Le modèle, tel qu’il est pratiqué par Carrefour, est un contournement de la législation en vue d’échapper à ses obligations sociales envers les salariés », a confirmé auprès de l’Humanité Sylvain Macé, secrétaire national à la Fédération des services de la CFDT, qui dénonce des « restructurations déguisées » sans les droits afférents aux salariés.

Les syndicats n’ont cessé, ces dernières années, de s’insurger contre ce système, dont les répercussions sur le sort des travailleurs sont visibles sur le terrain. Les témoignages d’employés « franchisés », réunis parfois en collectifs, se sont en effet multipliés, faisant état d’une dégradation effroyable de leurs conditions de travail.

« Une véritable catastrophe sociale »

Passé un délai de quinze mois après leur départ du giron de Carrefour, ces derniers perdent les droits de la convention du groupe et doivent se plier à « un accord de substitution », soit à la politique sociale déterminée selon le bon vouloir de leur nouveau patron. Elle leur est, de fait, systématiquement défavorable, avec des pertes de salaire allant de 2 000 à 3 000 euros par an, selon les organisations syndicales.

« C’est une véritable catastrophe sociale. Les salaires dans la grande distribution sont déjà dérisoires et perdre 2 000 ou 3 000 euros par an, ça devient absolument dramatique », dénonce Patrick Ait-Aissa, délégué syndical national (DSN) à la CGT Carrefour hypermarchés. À l’instar de la CFDT, il voit dans ce modèle un « dévoiement du système » et récuse les arguments du distributeur, selon lequel il éviterait les fermetures de magasins « peu rentables » et « préserverait l’emploi ».

« Un argument fallacieux », selon Patrick Ait-Aissa. Le syndicaliste pointe la seule logique de profit guidant les gestionnaires de Carrefour, qui engrangeraient « des dizaines de millions par an », à coups de « redevances et frais logistiques faramineux » imposés aux magasins en location-gérance. Au point de faire des salariés l’unique variable d’ajustement. Et le syndicaliste de mettre en regard avec « cette logique d’externalisation de tout ce qui est social », « les 3 milliards de rachats d’actions mobilisés en trois exercices par une entreprise dirigée par des financiers, pour qui seul compte le cours de la Bourse ».

Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/cac-40/franchise-et-location-gerance-la-cfdt-attaque-en-justice-les-restructurations-deguisees-de-carrefour

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