
Par Jean-Luc MELENCHON.
Décider à moitié contre le génocide sur Gaza, c’est creuser le tombeau des Palestiniens et de leurs enfants une nouvelle fois. La décision annoncée par le président Macron sur la reconnaissance par la France en septembre prochain de l’État Palestinien est presque un non-évènement. Bien sûr, il confirme la victoire morale dont nous avions besoin après tant de mois, tant de pilonnages, tant d’insultes, tant de mépris, tant d’invisibilisations, tant de refus de regarder en face l’abominable agonie du peuple palestinien et de ses enfants, tant de démonstration d’arrogance de l’extrême droite de la communauté juive de France. Mais on ne doit perdre de vue à aucun moment, l’enjeu, même de la lutte conduite pendant tant de mois, contre vents et marées par toute partie très diverse dans sa composition politique de la société française. Il ne s’agit pas d’une bataille politique comme une autre qui se joue à coups de mots d’ordre, d’avancée ou de recul, selon les rapports de force, des uns ou des autres. Il s’agit de vie ou de mort pour des dizaines de milliers d’êtres humains tout de suite. Et tout un ordre de vie commune sur cette planète pour ses huit milliards d’occupants.
La reconnaissance de l’État de Palestine par la France eût été un coup de tonnerre, déchirant le ciel, ouvrant une alternative, changeant l’ordre des possibles, si la décision avait été prise il y a quelques mois. Si entre-temps, la France de Macron, la macronie ne s’était pas engagée jusqu’aux épaules dans les décisions, prises par l’Union européenne contre toute mise en cause de l’accord de coopération de l’Union européenne avec Israël, contre tout décret d’embargo sur les armes, contre toute tentative de se saisir de la personne du premier ministre Netanyahu, quand il survolait notre territoire, avec le refus de lui donner des garanties de sauf-conduit si son avion avait dû se poser. Et ainsi de suite jusqu’à la nausée.
À présent, le poids de la parole française est tombé en dessous de zéro. Macron peut décider ce qu’il veut, personne n’y croit en toute hypothèse. Le simple fait d’avoir reporté au mois de septembre prochain, une décision qu’il pourrait prendre tout de suite est un signal de faiblesse, un délai de permis de tuer encore deux mois. Ce n’est plus suffisant même si c’est toujours aussi nécessaire. À cette heure, au moment de l’extermination définitive des Palestiniens de Gaza, il faut un signal fort, beaucoup plus fort pour montrer que la France comprend la gravité de la situation à Gaza, que la France comprend que c’est un combat de vie ou de mort. La France par exemple peut soutenir les flottilles qui tentent de débloquer symboliquement le siège de Gaza. Les navires de la marine nationale pourraient les escorter jusqu’à l’entrée des eaux territoriales gazaouies. Il y a bien d’autres idées par exemple. Comme celle qu’ont évoqué il y a quinze jours Bastien Lachaud et Aurélien Saintoul, deux députés insoumis de la commission de la défense quand ils suggèrent une intervention matérielle directe pour approvisionner la zone de Gaza, mettant ainsi au défi, le gouvernement de monsieur Netanyahu, de s’en prendre militairement, non pas des gens désarmés, affamés, assoiffés, tués par la maladie et les bombardements incessants, mais à une des grandes puissances mondiales qui dispose des moyens de se défendre et de se faire respecter.
Je tiens ici à l’évoquer pour montrer comment à cette heure-ci ce dont on a besoin, ce n’est pas d’une victoire politique purement symbolique et morale même si elle est essentielle puisqu’elle valide notre comportement depuis vingt mois et celui des centaines de groupes et associations et simples citoyens. Elle est bienvenue parce qu’elle désavoue les injonctions arrogantes du CRIF sur le sujet et les accusations d’antisémitismes qui y sont attachées. Mais surtout parce qu’elle pose la question de faire respecter la décision prise conformément aux décisions de l’ONU. Mais par-dessus tout parce qu’elle ouvre la question des moyens pour obtenir l’essentiel à cette heure : la fin du génocide à Gaza à quoi cette décision est censée vouloir se justifier, l’évacuation militaire de ce territoire, l’accès enfin libéré aux moyens humanitaires de masse. Tout le reste serait vaines paroles, tout le reste ne fait que soulever le dégoût généralisé dans tous les pays, et notamment dans toute la jeune génération, qui sait que les propos tenus et soutenus par les aînés au pouvoir sont des mensonges, des faux semblant, des prétextes.
Ainsi un grand changement est en train de s’opérer dans tous les esprits, le suicide moral de l’État d’Israël, sous la conduite de Monsieur Netanyahu est consommé. Les gesticulations du CRIF et des autres appendices, semi-religieux de l’extrême droite dans notre pays, n’ont aucun impact sur la masse des Français, soulevés de dégoût. Ce dégoût traverse toutes les familles politiques. Il est au-delà de la politique. Il vient de principes auxquels on peut être parfaitement attaché que l’on soit de droite ou de gauche. Même si l’on est absolument divergent sur la manière de les faire vivre, il s’agit tout simplement d’une prise de conscience du fait que nous sommes un seul et même peuple humain, organisé en Nations, bien sûr, avec des droits respectifs, bien sûr avec des langues différentes et des religions différentes, bien sûr, mais en seul et unique peuple humain ! Et cette prise de conscience, que le changement climatique stimule chaque jour, est prise à revers par l’agression et l’assassinat de la population palestinienne. C’est ce que tout le monde sait. Et il n’y a pas besoin pour cela d’avoir ni une appartenance philosophique, un parti, ni une idéologie politique construite de A jusqu’à Z pour ressentir une solidarité inconditionnelle avec les malheureux assassinés de Gaza. C’est tout cela qu’une nouvelle fois, par son inconstance, ses manières de toujours donner le sentiment qu’il va être plus malin que tout le monde en différant les décisions qui s’imposent que monsieur Macron vient une nouvelle fois d’abaisser notre pays aux yeux du monde. Reporter de deux mois, un des moyens d’arrêt d’un génocide veut dire reconnaître un État palestinien réduit à être un cimetière. C’est bien l’impression que donne cet homme qui semble n’avoir n’a qu’une chose présente à l’esprit : se tirer d’affaire d’une manière communicationnelle. Son sujet, ce n’est pas la réalité, c’est sa propre perception de lui-même, les démonstrations qu’il donne et ce qu’il croit qu’il fait croire aux autres.
Mais personne n’est dupe, ni en France ni dans le monde. Nous savons tous que le régime macroniste a amené notre pays à un état d’abaissement matériel économique, moral, absolument inouï et comparable avec aucune autre catastrophe de notre histoire nationale.
Nous voulons que la reconnaissance de l’État de Palestine se fasse tout de suite en même temps que la signature de la déclaration de Bogota où l’Insoumise Rima Hassan observait à l’invitation de la Colombie. Nous voulons que la France présente cette déclaration devant l’Union Européenne et fasse campagne pour réunir une majorité d’États. Nous voulons la victoire sur Netanyahu tout de suite, c’est-à-dire la fin du génocide et la punition des criminels de guerre et leurs complices.
Car la victoire ici sera celle de l’intérêt général humain. Ce qui est en jeu, c’est tout l’ensemble de principes fondamentaux, organisateurs du droit international et même de la possibilité d’existence d’un tel droit. Ce qui se joue va bien au-delà du moment. C’est la vie et la mort de l’ordre international dont l’ONU et l’Unesco sont les symboles. Ce qui se joue c’est la vie ou la mort des peuples qui sont mis en danger par le fait que si la loi du plus fort est admise à Gaza, alors la démonstration est faite qu’ils seront tous « gazaïfiés ». C’est-à-dire détruits jusqu’au dernier être humain. La guerre de Netanyahu contre les Palestiniens est bien un défi qui ne concerne pas seulement les problèmes que soulève la colonisation israélienne sur le territoire de la Palestine, qui ne concerne pas seulement la possibilité que nous avons ou non d’appliquer tout de suite et de manière efficace les décisions de l’ONU concernant la création de deux états. La question qu’il pose est de savoir si oui ou non un protagoniste a le droit d’éradiquer par le génocide les adversaires qu’il rencontre ! Si le plus fort peut se référer au précédent de Gaza pour faire subir le même sort aux peuples ou aux ethnies qui le dérange dans ses frontières ou aux alentours. S’il peut s’y référer pour entrer chez le voisin pour y faire autant d’Oradour sur Glane et de Gaza qu’il lui parait possible.
Pour l’instant devant les crimes impunis de Netanyahu et des suprématistes racistes qui composent son gouvernement. Il est prouvé que chacun peut faire comme il l’entend si cela convient aux Etats-Unis. Plus que jamais « la communauté internationale » toujours évoquée plutôt que sa forme réelle et organisée par l’ONU c’est celle qui obéit aux maîtres de l’OTAN, les États-Unis d’Amérique. La « communauté internationale » c’est la communauté des acheteurs de F35 dont les différentes composantes sont autant de bras, plus ou moins armés, de marionnettes politiques plus ou moins efficaces.
Le gouvernement de M Netanyahu, le génocide, rien de tout cela ne serait possible si les États-Unis d’Amérique ne l’avaient pas prévu et organisé dans le plan du « nouveau moyen-Orient » dont le gouvernement d’Israël est désigné pour être l’agent actif rémunéré.
Il y avait bien sûr une alternative. C’est celle qu’annonçait vouloir être l’Union Européenne. Mais le traité de Lisbonne de 2007 après le rejet de la constitution de 2005, il est devenu clair que ce projet politique avait un contenu politique, exclusif, l’imposition du néolibéralisme à tout le monde dans et hors de ses frontières continentales. Mais ce système fonctionne en pyramide de puissance. Le capitalisme de notre époque n’est pas un ordre auto régulé. Il nécessite une structure de pouvoir politique qui le garantisse. À présent, avec la soumission de toute l’Union européenne au tribut militaire de 5% de sa richesse produite, l’ordre de l’empire est reconstitué. Tout a été remis de nouveau dans la main des États-Unis, d’Amérique, comme cela fut le cas la première fois, lorsqu’après la guerre et les accords de Bretton Woods, il a été accepté le 15 août 1971, que les États-Unis d’Amérique puissent battre monnaie sans jamais avoir à se justifier de sa valeur réelle ou de son rapport avec les productions et les performances de l’économie des USA. Ce privilège de vivre à crédit sur le reste du monde a fondé l’Empire nord-américain contemporain sur les bases politiques qui sont les siennes aujourd’hui. Il ne répond de rien devant personne puisqu’il peut tout s’offrir sans contrôle, c’est-à-dire la terre entière. Jusqu’au moment où le mot stop prendra un sens concret. Le trouble dans l’Histoire introduit par Trump, Netanyahu, Smotrich et Ben Gvir ouvre une brèche par où un nouvel ordre international peut passer.
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Source: https://melenchon.fr/2025/07/25/gaza-decider-a-moitie-cest-creuser-un-tombeau/
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