Hélène Rossignol réédite son ouvrage consacré aux femmes de Douarnenez (Finistère), avec le texte intégral de la militante communiste Lucie Colliard, « Une belle grève de femmes », paru en 1925. Ce document rare restitue la parole des ouvrières d’usines douarnenistes lors de la grande grève de 1924. Des témoignages directs éclairants sur les coulisses du mouvement et sur l’époque.
Par Sounkoura-Jeanne DEMBÉLÉ.
C’est un document rare que l’anthropologue Hélène Rossignol publie dans la quatrième réédition de son ouvrage Pour une identité douarneniste, Les femmes dans la société de marins-pêcheurs de Douarnenez . Une belle grève de femmes, texte de la militante et syndicaliste Lucie Colliard, restitue la parole des sardinières douarnenistes lors de la grande grève de novembre 1924 à janvier 1925. Des témoignages directs éclairants sur les coulisses de ce mouvement majeur dans l’histoire des luttes sociales.
Qui était Lucie Colliard (1877-1961), autrice du texte Une belle grève de femmes que vous publiez en intégralité dans la quatrième réédition de votre livre ?
C’était une pionnière du féminisme, aux origines savoyardes. Issue d’un milieu modeste, elle a fait des études et devint une excellente institutrice. Mais ses prises de position pacifistes après la Première Guerre mondiale lui ont valu d’être révoquée par le ministère de l’Éducation en 1918, avant d’être finalement réintégrée en 1925. Entre-temps, elle est devenue militante au jeune Parti communiste français (PCF) et membre de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU).
Quel rôle a-t-elle joué dans la grande grève des sardinières de 1924 ?
Avec une dizaine d’autres syndicalistes de différents coins de la France, Lucie Colliard est venue de Paris apporter son aide aux ouvrières pour structurer le mouvement. Elle a, par exemple, crée le comité de grève, organisé les manifestations journalières et soupes populaires… Elle parlait aux femmes de contrôle des naissances, les encourageait à se syndiquer, créant le syndicat de l’industrie, de l’alimentation et de la conserve. Elle leur proposait d’aller plus loin dans leurs revendications (1). De demander, par exemple, un salaire égal à celui des hommes, de mettre en place des crèches sur le lieu de travail.
Lucie Colliard avait, en outre, la volonté de faire évoluer les mentalités des femmes. Un discours qui ne trouvait pas vraiment de l’écho auprès des ouvrières d’usines. Car n’oublions pas qu’à l’époque, elles étaient très pratiquantes et restaient fidèles à leur religion. Malgré ces divergences, Lucie Colliard a su fédérer. En véritable militante, elle était capable d’entendre la parole des autres et de tracer des pistes pour d’autres combats. Elle a donné aux grévistes l’énergie et la détermination à aller jusqu’au bout.
Pourquoi publier ce texte dans votre ouvrage ?
Une belle grève de femmes est un compte rendu de la grève, publié aux éditions de L’Humanité [organe de presse du PCF à l’époque] en 1925. Lucie Colliard a enquêté, restitué la parole des ouvrières. Ce sont des témoignages directs de l’époque. L’intérêt premier de la publication est donc d’avoir accès à cette « parole vive » assez rare finalement.
Par ailleurs, dans mon livre Pour une identité douarneniste, Les femmes dans la société de marins-pêcheurs de Douarnenez , j’étudie justement la puissance verbale des femmes de Douarnenez. Une parole à la fois politique, syndicale et sociale.
En intégrant le texte complet de Lucie Colliard, je souhaitais caractériser au mieux le discours d’une militante communiste et féministe, face à celui des grévistes déterminées, avides de progrès social et de dignité, sans vouloir pour autant changer leur statut de femme dans la société.
Comment vous êtes-vous procurée ce document ?
Une belle grève de femmes est un petit ouvrage difficile à trouver. Depuis sa publication en 1925, il n’a pas été réédité. En tout cas, pas à ma connaissance. Je l’ai eu par l’intermédiaire d’un ami bibliophile, qui a réussi à mettre la main dessus. J’ai demandé l’autorisation à L’Humanité pour reproduire le texte dans son intégralité.
Pour une identité douarneniste, Les femmes dans la société de marins-pêcheurs de Douarnenez, aux éditions des Traboules. Préface de Jean-Michel Le Boulanger. Disponible dans les librairies de Douarnenez.
(1) Les grévistes réclamaient une augmentation salariale de cinq réaux. La grève a duré 46 jours consécutifs.
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