Guatemala : victoire de la gauche. (Afrique Asie – 28/08/23)

La victoire « surprise » de Bernardo Arévalo, 69 ans, au second tour des élections présidentielles guatémaltèques et de sa formation de gauche, le Mouvement Semilla, le 20 août, avec 60,90 % des voix est un véritable exploit.

Par Christine Abdelkrim-Delanne

La droite avait pourtant tout fait pour faire échouer le candidat social-démocrate, avant le scrutin. Le 12 juillet, sur avis du parquet, un juge avait ordonné la suspension de Semilla, prétextant des irrégularités lors de sa création en 2017. Le procureur Rafael Curruchiche avait annoncé de possibles arrestations de ses dirigeants. La Cour constitutionnelle a, cependant, suspendu la décision du procureur, annulée ensuite par la Cour suprême.

Bernardo Arévalo, fils du premier président élu démocratiquement au Guatemala en 1945, sociologue et ancien diplomate, a fait l’objet, avant le scrutin, de plusieurs complots reconnus par la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH), visant à assassiner le candidat. L’un des complots, le « Plan Colosio », du nom du candidat du PRI à l’élection présidentielle mexicaine assassiné en 1994 (Parti de la révolution mexicaine, originellement de gauche passé au centre droit dans les années 1980), visait directement Bernardo Arévalo. Le second, visait, également, sa vice-présidente élue Karin Herrera. Les assassinats devaient être exécutés par un gang local. Le 24 août, la CIDH ordonnait au gouvernement d’assurer la protection des deux candidats élus qui ne sont, d’ailleurs, pas apparus publiquement pour fêter leur victoire.

Le scrutin qui a affiché « un pourcentage historique de participation » et « sans incident notoire », selon le Tribunal suprême électoral (TSE), opposait Bernardo Arévalo à Sandra Torres, 67 ans, Première dame de 2008 à 2022, issue, elle aussi, du centre gauche. Cependant, Sandra Torres, dirigeante du parti de l’Unité nationale de l’espoir (UNE), voulant se démarquer de son rival socio-démocrate, s’est rapprochée de la droite conservatrice et des Évangélistes, apparaissant comme   représentante de l’« establishment », malgré ses promesses démagogiques de programmes sociaux et d’aides aux  plus démunis. Elle bénéficiait, également, du soutien du président sortant de droite, Alejandro Giammattei, dont le mandat est synonyme pour le peuple guatémaltèque de corruption, de pauvreté et de violence. Si Sandra Torres a émis des doutes sur la bonne tenue du scrutin, le président a immédiatement félicité le vainqueur en l’invitant à « entamer une transition ordonnée dès le lendemain de l’officialisation des résultats ». Cependant, dans les jours qui ont suivi les résultats du scrutin, suite à une demande d’amparo – un mécanisme juridique qui permet aux particuliers d’exercer une requête directe en contrôle de constitutionnalité – émise par neuf candidats de droite perdants, la Cour constitutionnelle ordonnait au Tribunal suprême électoral de suspendre l’officialisation des résultats jusqu’à leur vérification. Une décision dénoncée par la Mission d’observation électorale au Guatemala, par les États-Unis, l’Union européenne, l’ONU et l’Organisation des États américains. Après deux semaines d’attente, la Cour suprême de justice a, finalement, rejeté le recours.

Dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, également, le Parquet spécial contre l’impunité annonce une affaire de corruption dénommée Corruption Semilla, dans le cadre de laquelle le juge Fredy Orellana a ordonné la suspension du parti politique Semilla de Bernardo Arévalo. Si cette annonce était rendue effective, la candidature de Bernardo Arévalo au deuxième tour serait rejetée. Cependant, la loi électorale prévoit qu’un parti politique ne peut être suspendu en cours d’élection, la Cour constitutionnelle doit suspendre l’ordonnance. À l’annonce de l’ordonnance, les réactions indignées ont été immédiates, tant de la part de l’Église catholique que des universités, des communautés autochtones et des organisations de défense des droits humains qui ont demandé le respect du processus électoral.

Bernardo Arévalo a fait de la lutte contre la corruption et pour la démocratie son cheval de bataille électoral. « Le peuple a parlé haut et fort », a déclaré Bernardo Arévalo, à l’annonce de sa victoire, s’exprimant sans détour contre la corruption et immédiatement félicité par ses homologues le mexicain, Andrès Manuel Lopez Obrador,  et et le salvadorien, Nayib Bukele,  qui ont émis l’idée d’un « programme commun ». « Nous avons été les victimes, les proies, de politiciens corrompus pendant des années, a déclaré celui qui prendra ses fonctions présidentielles le 24 janvier prochain. Voter, c’est dire clairement que c’est le peuple guatémaltèque qui dirige ce pays, et non les corrompus ».

La victoire de Semilla à la présidentielle que personne n’attendait et qui inquiète fortement les milieux d’affaires et autres réactionnaires, a, également, fait du parti de Bernardo Arévalo, la troisième force au Congrès (parlement guatémaltèque), au Parlement centraméricain, forum régional pour l’intégration des pays d’Amérique centrale dont le siège est à Guatemala, la capitale, où il prend, également, la troisième place.

CAD

Source : Guatemala : victoire de la gauche ⋆ Afrique Asie (afrique-asie.fr)

URL de cet article : Guatemala : victoire de la gauche. (Afrique Asie – 28/08/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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