Guerre 39-45 : la reddition de la poche de Lorient, il y a 80 ans, c’était dans son champ ! (OF.fr-10/05/25)

Jean Bouric avait 8 ans, le 10 mai 1945, lors de la reddition des troupes allemandes qui tenaient la poche de Lorient (Morbihan). Reddition organisée dans un champ appartenant à son père, et à laquelle il a assisté de loin, tenu à l’écart part une clôture de fil de fer barbelé. Une stèle en marque aujourd’hui l’emplacement, à quelques dizaines de mètres près. | THIERRY CREUX / OUEST-FRANCE

Jean Bouric n’avait que 8 ans, lors de la libération de cette poche de résistance allemande, dans le Morbihan. La reddition des troupes nazies qui tenaient la poche de Lorient a été actée le 10 mai 1945, dans le champ de son père, agriculteur à Caudan. Rare témoin de cette scène historique de la fin de la Seconde Guerre mondiale, il raconte.

Par Pierre WADOUX.

En 1944, alors que l’occupant recule partout sur le territoire, à Lorient (Morbihan), les forces allemandes font de la résistance. Quelque 26 000 hommes sont farouchement retranchés dans cette poche de Lorient (de la Laïta à la ria d’Étel), enfermés pour un bon nombre d’entre eux dans la base de sous-marins de Keroman, forteresse de béton armé inexpugnable.

Les bombardements massifs des Alliés ont, dès 1943, détruit la ville à 80 %. Mais pas cette base ni ses différents remparts de fortifications, équipés de quelque 500 pièces d’artillerie lourde. Le général Wilhem Fahrmbacher, commandant la base, a reçu l’ordre d’Adolf Hitler de tenir huit semaines. Il tiendra huit mois.

Voir aussi : EN IMAGES. Le 10 mai 1945, la Poche de Lorient libérée après 277 jours de combats

En janvier 1945, 6 000 soldats américains ont rejoint le front de Lorient. Côté français, plus de 20 000 hommes (FFI, FFO, régiments de dragons…) encerclent les Allemands, contribuant à affaiblir encore et encore l’occupant. Jusqu’à cette libération orchestrée officiellement dans une prairie de Caudan près de Lorient, le 10 mai. Quelque 24 000 hommes sont faits prisonniers.

Lire aussi : REPORTAGE. À Étel, ils reconstituent la reddition de la Poche de Lorient

Jean Bouric avait 8 ans, le 10 mai 1945, lors de la reddition des troupes allemandes qui tenaient la poche de Lorient (Morbihan). Une stèle commémorative marque aujourd’hui le lieu de la reddition, organisée dans le champ de son père, à Caudan, et à laquelle il a assisté, derrière des barbelés. | THIERRY CREUX / OUEST-FRANCE

Des banderoles dans les pommiers…

Dès le mardi 8 mai, à 8 h, un groupe d’officiers allemands et français avait été remarqué sur la place du bourg de Caudan. Discutant à l’emplacement du monument aux morts. Les Allemands voulaient se rendre mais ne voulaient d’aucune manifestation publique. Vers 14 h, trois obus venant de Lorient s’abattent à proximité de chars américains camouflés sous les châtaigniers.

Le 10 mai 1945 était un jeudi de l’Ascension. Jean Bouric, 88 ans aujourd’hui, s’en souvient comme si c’était hier. Ou avant-hier. Ce jour-là, c’est presque par hasard qu’il assiste à la reddition des forces allemandes et à la fameuse cérémonie du pré de Caudan. Instant historique, où le général Wilhelm Fahrmbacher remet son arme au général américain Herman Frederick Kramer.

« Ce matin-là, raconte Jean Bouric, nous étions allés en famille à la messe à la chapelle de Trescouët. On ne pouvait plus aller à l’église du bourg, elle avait été dynamitée. Au retour de la messe, vers midi, nous avons aperçu des banderoles tricolores dans les pommiers d’un de nos champs. On l’appelait Park-Gwen à l’époque (aujourd’hui Le Poteau rouge), ça nous a intrigués… On sentait qu’il allait se passer quelque chose. Mais quoi ? »

Lire aussi : Les trois sœurs se souviennent : « Pendant la poche de Lorient, il n’y avait plus rien à manger »

L’heure de la reddition a sonné pour l’occupant allemand dans ce pré de Park-Gwen (aujourd’hui Poteau rouge). Le général Fahrmbacher remet son arme au général américain Kramer, commandant la 66e division d’infanterie US, en présence des représentants des forces françaises. | ARCHIVES US ARMY

« On a suivi la troupe… »

Dans l’après-midi, la cohorte de chars américains et autres véhicules qui passe, comme à la parade, devant la ferme familiale, puis descend vers le champ, répond à la question. « On a suivi la troupe, sourit Jean. Arrivés en bas, on ne nous a pas laissés pénétrer dans notre propre prairie. » Quatre chars américains y sont soigneusement alignés.

Ni une ni deux, Jean et son père François, 36 ans, le petit frère de 2 ans dans les bras, se hissent sur le talus attenant.Avec eux, quelques rares habitants du bourg. « Nous avons assisté à la scène, nous avons tout vu. Les troupes américaines et françaises étaient bien en place. À 16 h, le général allemand est arrivé dans une voiture militaire (une BMW décapotable) conduite par son chauffeur. Il a été emmené devant les troupes et a remis son arme. Puis il a été fait prisonnier. Sa voiture est restée là durant plusieurs jours, abandonnée sur le bas-côté. »

Lire aussi : « Je tapais dans les bottes des Allemands » : elle se souvient de la Libération de la poche de Lorient

Le plan de positionnement de la cérémonie de reddition, établi par les Américains. | ARCHIVES AMÉRICAINES / ERIC RONDEL

En 1944, alors que l’occupant recule partout sur le territoire, à Lorient (Morbihan), les forces allemandes font de la résistance. Quelque 26 000 hommes sont farouchement retranchés dans cette poche de Lorient (de la Laïta à la ria d’Étel), enfermés pour un bon nombre d’entre eux dans la base de sous-marins de Keroman, forteresse de béton armé inexpugnable.

Les bombardements massifs des Alliés ont, dès 1943, détruit la ville à 80 %. Mais pas cette base ni ses différents remparts de fortifications, équipés de quelque 500 pièces d’artillerie lourde. Le général Wilhem Fahrmbacher, commandant la base, a reçu l’ordre d’Adolf Hitler de tenir huit semaines. Il tiendra huit mois.

Voir aussi : EN IMAGES. Le 10 mai 1945, la Poche de Lorient libérée après 277 jours de combats

En janvier 1945, 6 000 soldats américains ont rejoint le front de Lorient. Côté français, plus de 20 000 hommes (FFI, FFO, régiments de dragons…) encerclent les Allemands, contribuant à affaiblir encore et encore l’occupant. Jusqu’à cette libération orchestrée officiellement dans une prairie de Caudan près de Lorient, le 10 mai. Quelque 24 000 hommes sont faits prisonniers.

Lire aussi : REPORTAGE. À Étel, ils reconstituent la reddition de la Poche de Lorient

Jean Bouric avait 8 ans, le 10 mai 1945, lors de la reddition des troupes allemandes qui tenaient la poche de Lorient (Morbihan). Une stèle commémorative marque aujourd’hui le lieu de la reddition, organisée dans le champ de son père, à Caudan, et à laquelle il a assisté, derrière des barbelés. | THIERRY CREUX / OUEST-FRANCE

Des banderoles dans les pommiers…

Dès le mardi 8 mai, à 8 h, un groupe d’officiers allemands et français avait été remarqué sur la place du bourg de Caudan. Discutant à l’emplacement du monument aux morts. Les Allemands voulaient se rendre mais ne voulaient d’aucune manifestation publique. Vers 14 h, trois obus venant de Lorient s’abattent à proximité de chars américains camouflés sous les châtaigniers.

Le 10 mai 1945 était un jeudi de l’Ascension. Jean Bouric, 88 ans aujourd’hui, s’en souvient comme si c’était hier. Ou avant-hier. Ce jour-là, c’est presque par hasard qu’il assiste à la reddition des forces allemandes et à la fameuse cérémonie du pré de Caudan. Instant historique, où le général Wilhelm Fahrmbacher remet son arme au général américain Herman Frederick Kramer.

« Ce matin-là, raconte Jean Bouric, nous étions allés en famille à la messe à la chapelle de Trescouët. On ne pouvait plus aller à l’église du bourg, elle avait été dynamitée. Au retour de la messe, vers midi, nous avons aperçu des banderoles tricolores dans les pommiers d’un de nos champs. On l’appelait Park-Gwen à l’époque (aujourd’hui Le Poteau rouge), ça nous a intrigués… On sentait qu’il allait se passer quelque chose. Mais quoi ? »

Lire aussi : Les trois sœurs se souviennent : « Pendant la poche de Lorient, il n’y avait plus rien à manger »

L’heure de la reddition a sonné pour l’occupant allemand dans ce pré de Park-Gwen (aujourd’hui Poteau rouge). Le général Fahrmbacher remet son arme au général américain Kramer, commandant la 66e division d’infanterie US, en présence des représentants des forces françaises. | ARCHIVES US ARMY

« On a suivi la troupe… »

Dans l’après-midi, la cohorte de chars américains et autres véhicules qui passe, comme à la parade, devant la ferme familiale, puis descend vers le champ, répond à la question. « On a suivi la troupe, sourit Jean. Arrivés en bas, on ne nous a pas laissés pénétrer dans notre propre prairie. » Quatre chars américains y sont soigneusement alignés.

Ni une ni deux, Jean et son père François, 36 ans, le petit frère de 2 ans dans les bras, se hissent sur le talus attenant.Avec eux, quelques rares habitants du bourg. « Nous avons assisté à la scène, nous avons tout vu. Les troupes américaines et françaises étaient bien en place. À 16 h, le général allemand est arrivé dans une voiture militaire (une BMW décapotable) conduite par son chauffeur. Il a été emmené devant les troupes et a remis son arme. Puis il a été fait prisonnier. Sa voiture est restée là durant plusieurs jours, abandonnée sur le bas-côté. »

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Le plan de positionnement de la cérémonie de reddition, établi par les Américains. | ARCHIVES AMÉRICAINES / ERIC RONDEL

« Un costaud au regard mauvais »

Le général Fahrmbacher ? « Un grand et costaud personnage à la figure toute rouge et au mauvais regard envers la petite trentaine de civils qui attendaient sur la route », témoignera le père de Jean, au lendemain de la guerre.

À l’emplacement exact de la reddition de la poche de Lorient, un bassin de décantation a été aménagé. La stèle commémorative vient d’être rapprochée au plus près de l’endroit historique. | OUEST-FRANCE

Jean Bouric reste marqué par cette séquence historique qui n’aura duré que peu de minutes. « Ça ne s’oublie pas… » Il n’a pas non plus oublié cette occupation qui a vu la population du petit bourg de Caudan augmenter au fil de l’arrivée des réfugiés lorientais. « Lors des alertes, on se réfugiait dans un tunnel creusé par les Allemands sous l’école Saint-Joseph. » Jean se rappelle aussi fort bien l’entrée des Américains dans Caudan. « Ce jour-là, deux soldats allemands sont venus à la ferme et nous ont demandé une bouteille d’eau et des verres. Ils ont juste eu le temps de nous les rendre avant de prendre la fuite. Il y a eu des combats sur la route et plusieurs morts. »

Mais pourquoi ce champ ?

Mais revenons un instant au champ de la reddition. Pourquoi a-t-il été choisi ? « Je ne sais pas trop, glisse Jean. Mais j’ai mon idée : c’était une grande prairie de pâturage (1,5 ha), un peu à l’écart, facile à sécuriser et que les Américains ont entourée de barbelés. » L’endroit était aussi ancré sur un axe routier stratégique. « Une zone maîtrisée par les Américains, estime René Estienne, ancien conservateur général du patrimoine à Lorient. Cette cérémonie interdite au public, mais largement photographiée et filmée, avait aussi valeur de propagande d’un côté comme de l’autre. Tout a été soigneusement mis en scène pour marquer les esprits. » Le général Wilhelm Fahrmbacher, qui a appliqué jusqu’aux derniers instants les consignes d’Adolf Hitler et de son successeur l’amiral Karl Dönitz, dira, droit dans ses bottes : « Je capitule à la tête de mes troupes, disponibles et invaincues. Nous pensons aux épreuves de la Patrie. Vive l’Allemagne ! »

La fanfare américaine, dans le pré de la reddition des forces allemandes, à Caudan (Morbihan). | US TROOPS

Une stèle commémorative marque, depuis octobre 1947, l’emplacement de cette reddition. « La stèle n’est pas à l’endroit exact de l’événement, précise Jean Bouric. Ce serait impossible aujourd’hui, puisqu’on y a aménagé une mare de décantation. Mais elle a été rapprochée au maximum, à une trentaine de mètres. »

L’octogénaire, ancien agriculteur, sans doute dernier témoin de ces instants d’histoire, habite toujours dans cette maison qui l’a vu naître il y a 88 ans. « Avant-guerre, c’était simplement la route de Plouay. Après-guerre, elle a été rebaptisée rue de la Libération. » Une appellation qui lui va droit à l’âme.

Voir aussi : VIDÉO. Marcel Raoult a été le premier à entrer dans Lorient libéré

Repères

Juin 1940. Les Allemands occupent Lorient. L’amiral Karl Dönitz (commandant des sous-marins allemands jusqu’en 1942 puis de la Kriegsmarine de 1943 à 1945) choisit la rade de Lorient pour y positionner son quartier général. La situation géographique de la ville, la présence de l’arsenal de la Marine sont stratégiques pour y propulser les U-Boote en Atlantique. L’organisation Todt (groupe de génie civil et militaire du IIIe Reich) décide d’y bâtir la base de sous-marins sur la presqu’île de Keroman. À l’épicentre du mur de l’Atlantique, elle est le plus grand édifice militaire construit par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

Juin 1944. Après le débarquement allié en Normandie le 6 juin 1944, la Bretagne est libérée en août. Mais pas Lorient. Dans la poche de défense (Festung) bâtie autour de Lorient, les Allemands, retranchés dans la base de Keroman, résistent farouchement sous le commandement du général Wilhelm Fahrmbacher. Il obéit à Hitler qui ordonne de tenir la Festung durant cinquante-six jours : il résistera 277 jours… Donnant du fil à retordre aux forces américaines et aux FFI du Morbihan. Quelque 26 000 hommes sont enfermés dans la poche : 8 250 militaires de la Wehrmacht, 13 200 de la Kriegsmarine, 1 200 de l’armée de l’air. 1 200 sont stationnés à Quiberon et dans les îles.

Dans la prairie de Caudan, le général américain Kramer, commandant la 66e division d’infanterie Black Panthers, accompagné du général français Borgnis-Desbordes et de deux officiers américains, s’entretient avec un conducteur de char, le jour de la cérémonie de reddition de la poche de Lorient. | US ARMY

Mai 1945. Le 7 mai, un message radio émis depuis l’Allemagne invite les places fortes à s’incliner. La capitulation sans condition est signée au Café breton à Étel, le 7 mai à 20 h, le cessez-le-feu étant prévu pour le 8 mai à 00 h 01. Entre le 8 et le 10 mai, les troupes d’occupation appliquent les exigences des Alliés et en profitent pour faire disparaître toute trace d’archives. La cérémonie de reddi­tion a lieu le 10 mai à 16 h à Caudan. Le général allemand Fahrmbacher remet symboliquement son arme au général américain Kramer. Le géné­ral Borgnis-Desbordes (photo ci-dessus) et le colonel Morice représentent les Forces françaises de l’Intérieur.

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Source: https://www.ouest-france.fr/culture/histoire/guerre-39-45/guerre-39-45-la-reddition-de-la-poche-de-lorient-il-y-a-80-ans-cetait-dans-son-champ-af79f376-1df8-11f0-acea-8da06560feaa

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/guerre-39-45-la-reddition-de-la-poche-de-lorient-il-y-a-80-ans-cetait-dans-son-champ-of-fr-10-05-25/

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