Gustavo Petro, premier président progressiste de l’histoire de la Colombie. ( instituthommetotal.fr – 07/07/22 )

Le président de la Colombie Gustavo Petro (Coronades03 / Wikipedia)

Le 19 juin dernier, Gustavo Petro a été élu président de la Colombie, promettant la mise en place d’un programme politique progressiste – une première dans l’histoire de ce pays. Cependant, son projet présente des faiblesses sur de nombreux sujets.

« Nous nous engageons à un changement véritable, à un changement réel. »

Telle est la promesse de Gustavo Petro, président élu en Colombie le 19 juin 2022. Il est à l’origine du Pacto Histórico, regroupement de plusieurs partis colombiens de centre-gauche, de gauche ainsi que du parti communiste. Il succède à Ivan Duque élu en 2018. Gustavo Petro est le premier président progressiste de l’histoire de la Colombie et suscite de ce fait de nombreuses attentes de la part du peuple colombien.

Après avoir renoncé à la lutte armée avec le désarmement des guérillas à la fin des années 1990, il a fondé plusieurs partis, puis est élu maire de Bogota en 2011. En 2013, il est destitué de sa fonction de maire par le procureur Alejandro Ordonez, proche du pouvoir en place – ce dernier étant déjà responsable de la destitution de 800 maires, mais le Tribunal supérieur de Bogota annule cette destitution.

Avec cette élection de M. Petro s’est manifesté le souhait de la population de rompre avec la misère et la violence endémiques en Colombie, ainsi qu’avec le clientélisme des deux partis hégémoniques historiquement (le libéral et le conservateur).

Depuis 2019 le pays a connu de nombreuses manifestations anti-gouvernementales suscitées par la crise économique : le chômage s’élève à 17% et 45% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ces manifestations, interrompues par l’épidémie de Covid-19, ont repris en avril 2021 et ont été réprimées dans le sang. On y a dénombré une soixantaine de morts et près de mille blessés. Gustavo Petro devra donc faire avec une police et une armée qui lui sont défavorables.

Cette situation pourrait entraîner la bourgeoisie du pays à soutenir un putsch de l’armée pour satisfaire ses intérêts, comme ce fut le cas en 2019 en Bolivie avec la tentative de putsch contre le président Evo Morales (tentative inefficace, car dès 2020 le mouvement politique d’Evo Morales remporte les élections générales).

Le bourgeoisie colombienne peut en effet craindre la redistribution des terres voulue par le Pacte Historique. Selon un rapport d’OXFAM datant de 2014, 14% des propriétaires détiennent 80% des terres agricoles : après l’expropriation de petits paysans de leurs terres dans les années 1960, des grands propriétaires s’y installent. Situation non acceptée par les paysans, qui pour certains choisissent de s’armer pour aller reprendre ces terres. Ils s’organisent alors en guérillas, dont les FARC font notamment partie. Pour garder la mainmise sur leurs terres, les grands propriétaires engagent des milices paramilitaires fascistes. Celles-ci sont responsables en 60 ans de l’assassinat de quelques 95 000 civils, guérilleros et militaires gouvernementaux. De plus, ces milices financent le narcotrafic, qui nécessite des terres cultivables pour la culture de la coca et donc l’expropriation des paysans, ou bien leur conversion à cette culture dans des plantations illégales.

Cela fait de nombreuses décennies que la Colombie se comporte en fidèle chien de garde des États-Unis, et voir ce pays transformer son économie pourrait susciter de la crainte de la part du pouvoir états-unien et modifier des relations jusqu’ici parfaites avec la Colombie. Leurs intérêts coïncident avec leur volonté d’isoler encore plus le Vénézuela, voisin de la Colombie, afin d’y « rétablir la démocratie », dixit Ivan Duque, le chef de l’État colombien en fin d’exercice. Le même Ivan Duque qui maintient, avant l’investiture officielle de Gustavo Petro, un système politique autoritaire ayant conduit aux morts de 2021, et qui a liquidé les accords de paix avec les FARC et les milices paramilitaires négociés en 2016…

Gustavo Petro dit qu’il souhaite rompre avec cette politique autoritaire, ainsi qu’avec la crise économique et la mainmise étrangère sur son pays. Il a été élu sur un programme de « justice sociale » et de « justice environnementale » pour réaliser la transition de l’économie vers les énergies renouvelables, pour la défense des LGBT, pour promouvoir dans la société le rôle des femmes, pour l’écologie, pour la paix, etc… sans pour autant envisager l’abandon du capitalisme au profit d’un autre modèle de société. On pourrait dire qu’il est pour un « capitalisme inclusif et national ».

Ce programme témoigne de fragilités, ne serait-ce que sur son aspect environnemental, avec l’abandon prévu du pétrole. Ce pétrole est une manne financière pour le pays et il est peu probable que ce dernier puisse s’en passer du jour au lendemain sans la mise en place d’un nouveau système économique solide. La mise en place d’un système économique reposant entièrement sur les énergies renouvelables prendra des années pour être viable.

Les États-Unis sont le principal client des exportations colombiennes. Les parts du charbon et du pétrole dans ces exportations, en cumulé, représentent environ 35%. Sachant cela, et étant donné le contexte de crise économique consécutive à la pandémie de Covid-19, il est peu probable que la Colombie se passe de cette source de revenus. Il est plus vraisemblable qu’elle suive la volonté américaine d’augmenter ses exportations d’énergies, notamment dans le cadre des sanctions contre la Russie, qui font flamber les prix – d’autant plus que le prix du baril est assuré stable, grâce à l’Organisation des Pays Producteurs de Pétrole (OPEP).

En ce qui concerne les énergies renouvelables, en revanche, des prix bas ne sont pas du tout assurés ; à la fois à court terme – car il faut mettre en place de nouvelles infrastructures – et à long terme, car ces énergies sont intermittentes. Il faut donc importer de l’énergie à des pays voisins afin d’assurer à la population une distribution ininterrompue. Cela coûte beaucoup d’argent pour les entreprises ou l’État qui met en place ces réformes. Si l’État veut tout de même assurer un prix relativement bas, il se voit dans l’obligation mettre en place des sources d’appoint – souvent très polluantes, telles que le charbon.

Une transition totale vers des énergies non polluantes à un prix correct pour la population n’est pour l’instant pas envisageable. D’autant plus que pendant le laps de temps où cette transition sera mise en place, M. Petro ne procédera à aucune redistribution de la rente pétrolière colombienne, qui est possédée par des entreprises nationales mais aussi étrangères, notamment américaines. Pour ces entreprises étrangères, cela sera un moyen de faire pression sur la Colombie de M. Petro.

Joe Biden, quant à lui, « se réjouit de travailler avec le président élu pour continuer à renforcer la coopération bilatérale » entre les deux pays. La couleur est annoncée.

Source : Gustavo Petro, premier président progressiste de l’histoire de la Colombie – l’Affranchi (instituthommetotal.fr)

Auteur : Louis G.

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