Hôpital de Thionville: aux urgences, des soignants à bout (H.fr-3/01/23)

Le syndicat Samu-Urgences de France a recensé 30 « morts inattendues » de personnes en attente de prise en charge hospitalière depuis le 1er décembre en France.

Alors que les soignants des urgences de Thionville, service dirigé par François Braun jusqu’à sa nomination en juillet comme ministre de la Santé, sont presque tous en arrêt maladie pour burn-out, les professionnels du pays exigent des solutions rapides contre l’effondrement du système de santé.

La nouvelle année démarre aussi mal que la précédente a terminé. Durant les vacances de Noël, les services d’urgences, les cabinets médicaux et les permanences de SOS médecins ont été débordées par l’afflux de patients. Prises entre les feux de l’épidémie de bronchiolite, de Covid et l’explosion des cas de grippe, les blouses blanches craquent.

«Plus de 90 heures» sur un brancard

A l’hôpital de Thionville (Moselle), les urgences fonctionnent au ralenti jusqu’au 6 janvier : 55 infirmiers et aides-soignants sur 59 ont été placés en arrêt maladie, souvent sur décision des médecins des urgences eux-mêmes, soit la quasi-totalité du personnel. «Ça fait six mois que je viens travailler la boule au ventre, six mois que j’ai peur d’ouvrir une porte et de trouver derrière un mort sur un brancard», a confié à l’AFP une jeune infirmière, arrêtée pour burn-out. Le service enregistre 100 passages par jour, mais faute de personnel et de lits disponibles, le centre hospitalier régional peine à trouver de la place pour accueillir ceux qui en ont besoin.

«Ces derniers jours, les patients étaient sur des brancards dans le couloir, quand on a la chance d’avoir des brancards. Une nuit, on n’en avait plus, une dame s’est allongée par terre», témoigne une aide-soignante. Plusieurs soignants font aussi état d’un patient de 90 ans resté «plus de 90 heures» sur un brancard, et qui n’a «été changé qu’une seule fois» au cours de cette période.

Les jeunes recrues ne restent pas

Comme le déplore Clarisse Mattel, infirmière et secrétaire générale du syndicat MICT-CGT,  «on en arrive là parce que malgré leur engagement, les équipes sont à bout, épuisées, et incapables d’assurer une prise en charge de qualité, ce qui est insupportable pour eux. C’est tout l’hôpital public qui est en crise. On ne peut plus prendre correctement en charge les patients.»

Petit détail : ce service était dirigé par François Braun jusqu’à sa nomination en juillet comme ministre de la Santé. «Les problématiques, il les connaît depuis longtemps», souligne une infirmière.

Le cas de Thionville est loin d’être isolé. Les milliards d’euros du Ségur de la santé injectés depuis 2020 n’ont pas suffit à baisser la tension et à renforcer l’attractivité du secteur. Aux urgences du CHU de Strasbourg (Bas-Rhin), les jeunes recrues ne restent pas. Le turn-over est énorme. «On fait parfois des prises de sang dans les couloirs, des examens entre les paravents… On aimerait faire mieux que ça, mais on n’a que deux bras, deux jambes, on fait le maximum avec nos moyens» , souligne un infirmier.

Des conséquences funestes

«On est arrivé à 220 passages par jour environ sur nos deux sites d’accueil des urgences. C’est un chiffre en augmentation de 6% par rapport à 2021» , déjà une année record, appuie le professeur Pascal Bilbaut, chef des urgences auprès de l’AFP. Un peu partout en France, les «défaillances» du système ont des conséquences funestes. Le syndicat Samu-Urgences de France a recensé 30 « morts inattendues » de personnes en attente de prise en charge hospitalière depuis le 1er décembre en France.

Un peu partout, les mobilisations se multiplient. Entre Noël et le jour de l’An, les généralistes ont fait grève pour exiger une revalorisation de la consultation à 50 euros. Plus de 50% des cabinets sont fermés, affirme le collectif Médecins pour demain. A l’hôpital de Sarreguemines (Moselle), un mouvement touche le service des urgences depuis le 23 décembre et devrait se durcir dans les prochains jours.

Six mois après l’arrivée de François Braun au ministère, la situation n’a jamais été aussi dégradée. Malgré l’urgence, c’est seulement en janvier qu’il devrait annoncer les grands axes de restructuration de l’offre de soins, à l’hôpital comme en ville, sur la base des travaux du Conseil national de la refondation, très décrié par les syndicats.

Cécile ROUSSEAU

source: https://www.humanite.fr/social-eco/sante/hopital-public-aux-urgences-des-soignants-bout-776612

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