Immobilier en Finistère : pourquoi les biens en danger de submersion sont encore achetés si cher ?(OF.fr-26/01/23)

Bénodet vu du ciel.

Selon les Notaires du Finistère, les dix communes où les maisons étaient les plus chères, en 2022, sont en bord de mer. Ce sont aussi des communes qui seront soumises au risque de submersion, au XXIIe siècle. Pourquoi ces maisons qui seront en danger sont encore achetées au prix fort ? Entretien.

Bénodet, Locquirec, l’Île-Tudy ou Carantec font partie des communes du Finistère où le prix de vente médian des maisons (hors maison neuve) est le plus élevé, en 2022, selon les Notaires du Finistère. Elles sont toutes en bord de mer. Sans surprise.

Pourtant, le risque de recul du trait de côte à cause du dérèglement climatique est de plus en plus connu. Pourquoi ces maisons qui seront soumises au risque de submersion se vendent toujours au prix fort ? Explications avec Eugénie Cazaux, chercheuse à Brest et autrice d’une thèse sur la prise en compte des risques côtiers par les marchés fonciers et immobiliers du littoral français.

Eugénie Cazaux est chercheuse à Brest, autrice d’une thèse sur la prise en compte des risques côtiers par les marchés fonciers et immobiliers du littoral français.

Pourquoi les maisons de bord de mer continuent à se vendre cher, alors que la côte va reculer ?

Tout simplement parce que les gens ont un fort désir de rivage. Selon les professionnels de l’immobilier, c’est aussi lié à un très fort déséquilibre entre l’offre et la demande. Même si certains acquéreurs sont conscients du risque, il y en aura toujours un ou deux prêts à acheter.

Ont-ils conscience que l’eau va monter ?

Les gens en ont globalement conscience, mais ils font une mise à distance temporelle et spatiale : ils se disent que c’est pire ailleurs ou que ça arrivera dans longtemps, après leur mort. Ils croient que ça ne les concerne pas.

Peut-être s’attendent-ils aussi à être indemnisés, quand ça arrivera ?

Et ils ont plutôt raison. À Soulac-sur-Mer, en Gironde, les tempêtes de l’hiver 2013-2014 ont fait reculer la côte de 30 m. Un immeuble a dû être évacué. L’État a d’abord refusé d’indemniser les 78 copropriétaires expropriés, puis leur a finalement versé 7 millions d’euros. Depuis, la loi Climat et résilience encadre le prix auquel les collectivités ou l’État rachètent ces biens en danger.

Cela protège donc plutôt les collectivités ?

Avant, il n’y avait pas de cadre juridique. Je trouve que c’est plutôt favorable pour les propriétaires qu’ils puissent vendre leur bien en danger, même si c’est en deçà du marché, plutôt que de ne rien avoir.

Y a-t-il un moment où la menace se rapproche et les prix baissent ?

Pendant mes recherches, j’ai été très surprise : il y a toujours des gens prêts à acheter, même quand le bien est menacé à dix ans. Ce sont notamment des investisseurs qui comptent rentabiliser l’achat en louant quelques années ; des gens qui veulent profiter de leur retraite et ne sont pas dans une logique de transmission ; et des personnes vraiment très aisées qui fonctionnent au coup de cœur.

Est-ce qu’il y a des endroits dans le monde où la maison en bord de mer attire moins ?

À Miami (États-Unis), il me semble que les propriétaires commencent à se tourner vers les hauteurs. On n’est pas dans le même contexte de confiance vis-à-vis des assurances et des indemnités de l’État.

Y a-t-il des personnes que ce risque rebute ?

Ceux qui ont un métier, ou qui ont fait des études, liés à l’environnement ou au climat. Et ceux qui ont déjà été confrontés à des risques naturels.

Julie DURAND

source: https://www.ouest-france.fr/economie/immobilier/immobilier-en-finistere-pourquoi-les-biens-en-danger-de-submersion-sont-encore-achetes-si-cher-b85b95f6-9c97-11ed-92eb-e890e5f5f960

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