
Par Pierre WADOUX
Sur la piste des Lorientais de l’Histoire. Ingénieur, directeur des constructions à l’arsenal, il fut un informateur très discret, prompt à dévoiler aux Alliés les mouvements des U-Boote de la base de Keroman.
Sa maison lorientaise est toujours là, dans l’impasse, près de la chapelle Saint-Christophe. Et, sur le fronton du bloc K1 de la base de sous-marins, une plaque commémorative donne aujourd’hui son nom à la forteresse, érigée par les forces d’occupation allemandes, dès 1940.
En 1939, Jacques Stosskopf, est directeur des constructions neuves avant de devenir sous-directeur de l’arsenal. Il est l’un des rares cadres qui se distinguent dès 1940 par son acharnement à sauvegarder l’outil de travail et la cohésion des personnels. « Un homme de qualité, au tempérament fort et rigoureux qui n’a pas supporté le sabordage de la flotte française, décrit l’historien René Estienne. À Lorient (Morbihan), il était spécialiste de la construction de torpilleurs et contre-torpilleurs. D’origine alsacienne, il maîtrise la langue allemande et s’affiche comme interlocuteur avec l’occupant. Dans une cité, vidée de ses habitants. Plus qu’une ville de garnison, Lorient est véritablement allemande et la base de sous-marins est son épicentre ».

Les Allemands n’y voient que du feu…
L’amiral Dönitz, chef des sous-mariniers allemands, y a transféré son poste de commandement et s’installe à Kernével, du 11 novembre 1940 au 29 mars 1942. L’arsenal sert au ravitaillement et à la réparation directe ou indirecte de U Boote. Le port de pêche et le port de commerce servent à l’entretien des forces d’escorte et de déminage, Dans ce contexte, l’ingénieur Stosskopf avance ses pions, évolue discrètement au contact des Allemands, qui n’y voient que du feu.
« Il se renseigne, dessine des plans, note les mouvements de sous-marins, décrit et dessine des avancées technologiques, qu’il transmet aux Américains. Dans le même temps, on lui confie la responsabilité du transfert de dizaines d’ouvriers de l’arsenal vers l’Allemagne, en octobre 1942 ». Un sale boulot, qui lui vaut l’incompréhension et la colère des ouvriers.

Dans la résistance à corps perdu
À partir de 1943, Jacques Stosskopf poursuit sa mission secrète et transmet désormais aux Anglais, via le réseau Alliance, ses précieuses informations. Mais le réseau est dans le viseur des Allemands. « Jacques Stosskopf, nommé par Vichy directeur de l’arsenal de Toulon, une sorte d’exfiltration, n’a malheureusement pas eu le temps de rejoindre ce poste ». Considéré comme un ennemi mortel du troisième Reich, il est arrêté le 21 février 1944. Il fait partie des 107 membres du réseau Alliance, exécutés au camp du Struthof, dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944.

« Jacques Stosskopf est désormais considéré, à juste titre, comme un héros lorientais de cette résistance à l’occupation. Choqué par la débâcle française et le sabordage à Toulon de la flotte qu’il avait mis toute son énergie à construire, il s’est lancé à corps perdu dans la résistance. Jusqu’au sacrifice de sa propre vie. On ne l’a réellement compris qu’après guerre ».
Le 6 juillet 1946, son nom est donné à la base de sous-marins de Keroman. Celle-ci devient un atout majeur pour la reconstruction de Lorient et pour l’indépendance nationale française pendant la Guerre froide.
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