« J’ai eu si peur » : choqués, ces Bretons présents à Sainte-Soline témoignent. ( OF.fr – 30/03/23 )

Une manifestation interdite contre les bassines a donné lieu à de violents affrontements samedi 25 mars, à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres.

Une manifestation interdite contre les bassines a donné lieu à de violents affrontements samedi 25 mars, à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. | AFP

Les Rennais Laura, 32 ans, et Erwan, 46 ans, étaient présents, avec des amis, à la mobilisation interdite du samedi 25 mars 2023, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), contre les « méga bassines », qui a rassemblé 30 000 personnes. Ils pointent du doigt le niveau de violence des forces de l’ordre et soulèvent de nombreuses interrogations.

Quand le président Emmanuel Macron affirme que des « milliers de gens » ayant manifesté à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le week-end du 25 mars, étaient « simplement venus pour faire la guerre », eux répondent : « Nous étions venus pour un rassemblement populaire et festif. »

Et parce qu’ils s’inquiètent, sur la question de l’usage de l’eau. « La cause nous paraissait juste : l’idée est de défendre un système agricole vertueux et de s’opposer à la privation des ressources », énoncent Laura, 32 ans, et Erwan, 46 ans, deux Rennais partis avec d’autres copains, dès le vendredi 24 mars.

Ni l’un ni l’autre ne se définit comme militant écologiste. « Je suis écologiste mais je ne revendique pas cette étiquette de militant, affine Erwan. Par contre, après ce que j’ai vu et vécu ce week-end, je m’interroge. Ça a marqué un tournant, mais je ne sais pas encore quelle forme ça va prendre », formule-t-il.

« Un mur de terre gigantesque »

Le musicien reste profondément marqué par les violences venant des forces de l’ordre, selon lui. « Nous avons marché pendant deux heures, jusqu’à cette bassine qui est en réalité un mur de terre gigantesque, rien de plus aujourd’hui. En avançant, nous avons commencé à voir tout un dispositif de forces de l’ordre. On savait qu’il y en aurait un, mais à ce point-là… », souffle-t-il.

Laura est, elle aussi, impressionnée par les moyens déployés : « Nous arrivons dans un champ immense avec, au bout, cette bassine. Il y a une première clôture en métal de deux mètres de haut, puis une seconde, en bois. Des forces de l’ordre sur la méga bassine. Et devant, des cordons de forces de l’ordre, des camions, des blindés… » Erwan raconte : « Après quelques mortiers d’artifice tirés depuis la foule de manifestants, les gendarmes et CRS ont répondu par du gaz lacrymogène et des tirs, depuis leurs quads, les grenades de désencerclement tombaient. Ça pleuvait… »

Un dispositif extrêmement important a été déployé : 3 200 policiers et gendarmes, des engins blindés, de nombreux hélicoptères. | (PHOTO BY YOHAN BONNET / AFP)

« J’ai eu si peur pour les copains »

Le groupe d’amis voit de premiers blessés, à terre. « Ça a duré pendant deux heures environ. Des camions étaient incendiés, pour pouvoir passer, avance Laura, qui travaille dans l’aménagement du territoire. Et puis il y a eu une pause. » Erwan poursuit : « On a entendu : « Il faut aller jusqu’au bout et l’avancée a repris. » On avait entendu déjà : « Ils ont réussi à percer ». Ça voulait dire sans doute que des personnes étaient arrivées jusqu’à la bassine. »

Il y aura alors comme « un bombardement de guerre », exprime le quadra. Les amis se tiennent par la main pour rester ensemble, parmi les 30 000 personnes rassemblées. Debout, à plusieurs mètres de la « méga bassine », une future réserve d’eau géante, les deux Rennais ne peuvent expliquer exactement ce qu’il s’est passé. Mais la panique a envahi Erwan : « Quelqu’un s’est effondré à côté de moi. Ça explosait. Ça faisait un tel bruit. J’ai eu si peur pour les copains. Je me disais que ça allait nous tomber dessus… » Au total, 4 000 grenades de désencerclement et bombes lacrymogènes auraient été jetées par les gendarmes.

« Nous nous sommes sentis si vulnérables »

Rapidement, les street medics, soignants de rue qui fournissent les premiers secours dans un contexte de manifestation, ne s’avèrent pas assez nombreux pour répondre au nombre de blessés. « C’est ce qu’on a entendu, de la part des organisateurs. Au mégaphone, ils nous ont dit de rentrer au campement » où beaucoup ont déjà dormi la nuit précédente.

« Au-delà de toutes ces violences, nous sommes choqués. Nous nous sommes sentis si vulnérables. Pourquoi avoir déployé un tel dispositif ? Pour défendre l’intérêt de qui ? Quels ordres avaient été donnés ? »

Après les blessures graves de deux manifestants, qui étaient toujours dans le coma à l’heure où nous écrivions ces lignes, une enquête judiciaire et deux enquêtes internes doivent faire la lumière sur les conditions d’intervention des secours à Sainte-Soline. Le parquet de Rennes est saisi. Ni Erwan ni Laura ne connaissent les deux hommes gravement touchés.

Le parquet de Rennes est saisi. Contacté, Philippe Astruc, le procureur de Rennes précise que les deux enquêtes internes n’ont pas été jointes, à ce stade. Les conclusions de l’enquête confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) devraient être rendues d’ici « plusieurs semaines ». S’agissant des actes de procédure devant permettre d’établir la matérialité des faits, de « nombreuses auditions des acteurs et témoins », ainsi que « la collecte de l’ensemble des données (communications, vidéos…) » sont en cours, indique le parquet.

Auteur : Angélique CLÉRET.

Source : « J’ai eu si peur » : choqués, ces Bretons présents à Sainte-Soline témoignent (ouest-france.fr)

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