
La 38e campagne d’hiver des Restos du cœur a débuté, ce mardi 22 novembre 2022, dans un contexte économie anxiogène. À Vannes (Morbihan), les bénévoles font face, même s’ils s’attendent à accueillir plus de bénéficiaires.
« Sale, mal habillé… C’est ainsi que des enfants qui étaient passés au centre décrivaient leur vision des bénéficiaires. Quand j’ai évoqué la perte d’un emploi qui pourrait toucher leurs parents et la descente rapide qui peut conduire aux Restos du cœur, leur regard a changé. » Cette anecdote de Philippe Lorho, responsable du centre de distribution des Restos du cœur à Vannes (Morbihan), tord le cou aux idées reçues. Un accident de la vie, une perte d’emploi, une maladie… peuvent vite faire basculer la vie de tout un chacun.
« Sans les Restos, on aurait du mal à manger tous les jours »
Ainsi, ce mardi 22 novembre 2022, premier jour de lancement de la 38e campagne hivernale des Restos du cœur, Jamila, maman de deux enfants de 6 et 8 ans, ne dit pas autre chose. Pour elle, ce sont des problèmes de santé qui font de sa famille une bénéficiaire des Restos du cœur. « Je ne peux pas travailler beaucoup et mon conjoint est dans le même cas. Sans les Restos, on aurait du mal à manger tous les jours. » Elle pointe du doigt le coût de la vie. « L’augmentation des prix, c’est trop. Avant, avec 70-80 € par semaine, on pouvait manger, mais désormais, avec 140 €, on n’en a pas assez pour faire la semaine », se lamente la mère de famille.
Ce mardi au centre de distribution, rue du Général-Giraud, la cinquantaine de bénévoles sur les 150 qui se relaient du mardi au vendredi, de 9 h à 13 h, ne chôme pas. Ici, à la distribution de denrées alimentaires, là pour le vestiaire ou encore au tri des denrées issues de la ramasse.
« Heureusement les Restos sont là »
Le chef d’orchestre, Philippe Lorho, est à la baguette. Longue barbe, chapeau en cuir, le responsable du centre vannetais répond toujours avec la même bienveillance aux sollicitations. Cet Arradonnais s’est engagé aux Restos en 2008. « Coluche me plaisait. Et puis, c’est un peu moi… », lâche le bonhomme. Qui s’attend à recevoir davantage de bénéficiaires cette année, compte tenu de la prise en compte de nouveau barème qui intègre le coût de l’énergie. « Cet été, nous avons accueilli 1 500 familles environ, contre 1 200 habituellement. Ce mardi, pour le premier jour de la campagne d’hiver, nous sommes à 600 familles inscrites, mais ça va venir crescendo. »
Parfois aussi, parmi les bénévoles, il y a des bénéficiaires. Comme Jean-Pierre, 64 ans, à la retraite aujourd’hui. « J’ai été en invalidité, je n’ai qu’une très petite retraite. Je viens ici pour rendre aux autres ce que je reçois. » Cet ancien routier, monteur-soudeur, aime l’ambiance dans l’équipe. « Le contact est bon aussi avec les bénéficiaires. Mais je note qu’il y a de l’inquiétude chez certaines personnes pour l’avenir… »
Ce que confirme Charline. À 32 ans, cette maman de deux enfants fait appel aux Restos du cœur depuis quatre ans. « Tout a augmenté. J’ai deux enfants de 3 et 4 ans. Le lait, les couches… ça coûte cher. » Elle ne se plaint pas. Reste digne : « On peut toujours bien manger même à moindre coût. Heureusement quand même que les Restos existent encore, face à cette vie chère. On est tous inquiets pour l’avenir avec ces hausses. »
Sa condition sociale, elle s’en excuse presque. « Je fais partie de la misère sociale. C’est temporaire. Je n’ai pas toujours été comme cela… Oh, je pourrais aller à la Banque alimentaire pour un peu plus, mais je n’y vais pas. » Alors, les Restos du cœur, elle leur rend hommage. « Ici, c’est accueillant. C’est bien de trouver des gens qui se donnent pour les autres. » Jean Giono, n’a-t-il pas dit : « La richesse de l’homme est dans son cœur. » Au moins, aux Restos, elle ruisselle.
Patrick CROGUENNEC