Jeunes et mal payés, leurs premiers pas dans le travail à Nantes (OF.fr-13/06/23)

Fabien Laidin, défenseur syndical CGT, a accompagné plusieurs ex-salariés de Pita Pit à Nantes, dont Cléo Poeydomenge et Axelle Reimund

Par Marylise COURAUD.

Ils ont bossé quelques mois dans un fast-food à Nantes, vendu des milliers de pitas, mais ont dû se battre pour être payés. Une découverte du monde du travail qui laisse un goût amer.

Quand Cléo Poeydomenge a senti les ennuis poindre dans son job d’été, elle a appelé son grand-père, « un communiste à la CGT ». L’étudiante de 21 ans aux Beaux-Arts à Nantes, aujourd’hui fraîchement diplômée, avait la ferme intention de réclamer son dû. Jeune et décidée à faire respecter ses droits. « Mais on n’apprend pas ça à l’école », pointe la jeune femme.

Comme d’autres salariés de Pita Pit, elle a bataillé jusqu’aux prud’hommes de Nantes pour récupérer les 400 € que lui devait son employeur au bout d’un mois, sans compter des heures supplémentaires qu’elle dit ne pas avoir comptées. « Le patron ne me prenait pas au sérieux, se remémore-t-elle. J’ai commencé en juillet 2022. Ma paye n’est arrivée que mi-août, j’ai vu que je n’avais que la moitié. Une semaine après, je suis partie. »

« Je me suis fait avoir »

Ce jour-là on croise aussi dans un bureau de la CGT, Axelle Reimund, 23 ans, un CAP et un bac pro commerce en poche, qui avait décroché un poste d’employée polyvalente chez Pita Pit, via le site Indeed, en janvier 2022. Un contrat de 35 heures et des fins de journée qui flirtent avec les 22 h 30. Au bout d’un mois et demi, la jeune femme monte en grade, devient assistante manager pour 1 400 € net. Mais les retards de salaire se multiplient, la pointeuse ne semble pas fonctionner correctement, les heures supplémentaires n’apparaissent pas sur les bulletins.

« Je faisais remonter les problèmes de tout le monde, raconte Axelle Reimund. Mais rien ne bougeait. Le patron nous promettait des primes pour motiver l’équipe, qu’on ne voyait pas arriver. » Après un premier arrêt de travail, elle a envoyé sa démission. « Je me suis fait avoir, ça m’a dégoûtée », exprime celle qui demande aujourd’hui 525 €.

Il y a aussi Miguel Norambuena, un jeune chilien, parti en novembre 2022, sans son dernier salaire, ni le solde de ses congés payés, ni bulletins, ni document de fin de contrat. Les prud’hommes ont fini par condamner récemment Pita Pit à lui verser plus de 2 000 €.

« Un monde de brutes »

Ils sont au moins quatre jeunes sur une équipe d’une dizaine à faire appel à la justice pour faire respecter leurs droits. « Et ce n’est pas une mince affaire à cet âge, quand on a peu de sous », insiste Fabien Laidin, défenseur syndical à la CGT, qui les a accompagnés. « Ça laisse aussi des traces à un âge où on découvre le milieu du travail. »

En l’occurrence, celui de la restauration où les employeurs peinent tant à recruter… « C’est déjà un boulot fatigant, dur, avec les horaires où je commençais à 5 h. Pourquoi rester si on n’est pas payé ?, souffle Cléo Poeydomenge, qui, dès 16 ans, a travaillé l’été dans le ménage industriel, avec des horaires de nuit. Mais c’était une très bonne boîte. »

Axelle Reimund est désenchantée : « J’avais envie d’évoluer, j’étais très motivée. Mais j’ai découvert un monde du travail qui peut être un monde de brutes. » Elle a quitté la restauration, rêve de créer son propre emploi à l’autre bout du monde.

Et le patron dans tout ça ? Loïck Le Brun, un homme qui a importé du Canada ce concept de fast-food avec la pita, le pain libanais, en France, préfère mettre en avant ses difficultés et énumère pêle-mêle : « Les Gilets jaunes, la guerre en Ukraine, les travaux dans le centre-ville ».

« Oui c’est compliqué », se défend le dirigeant qui a revendu deux restos, un à Nantes et l’autre à Rennes. Il promet de rembourser le moindre centime à ses anciens salariés, mais ne peut s’empêcher de blâmer une génération qui, selon lui, n’aime pas venir bosser le lundi matin. Il faut dire que quand on n’est pas payé…

Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/jeunes-et-mal-payes-leurs-premiers-pas-dans-le-travail-a-nantes-d88fb0b4-06e6-11ee-8841-e89b1d29ab23

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/jeunes-et-mal-payes-leurs-premiers-pas-dans-le-travail-a-nantes-of-fr-13-06-23/

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