La campagne en faveur du dépistage du cancer du col de l’utérus en Belgique se garde bien d’utiliser le terme « femme ». Marianne (24/04/23)

La campagne en faveur du dépistage du cancer du col de l’utérus en Belgique se garde bien d’utiliser le terme « femme ». Une tendance qui agace sérieusement notre chroniqueuse bruxelloise, Nadia Geerts.

« Vous avez entre 25 et 64 ans et vous avez un utérus ? » C’est par ces mots que s’ouvre la campagne en faveur du dépistage du cancer du col de l’utérus, qui passe fréquemment sur les ondes de notre radio publique francophone, la RTBF. Et chaque fois, je bondis. Car cette campagne est une nouvelle illustration emblématique de la tendance actuelle à éviter les mots qui fâchent ou excluent. Et que, scoop, le mot « femme » fait désormais partie de ces mots tabous. C’est dingue, mais c’est comme ça. C’est aussi logique qu’un beau syllogisme aristotélicien :

Puisque certains ont un utérus, mais ne se considèrent pas pour autant comme des femmes, et puisque le ressenti doit nécessairement primer, alors, tout progressiste digne de ce nom évitera de désigner des individus par une réalité biologique à laquelle ils ne s’identifient pas. Exit donc le mot « femme », terriblement excluant, sauf bien sûr pour ceux qui se sentent femmes, même s’ils ont un pénis : ceux-là, il serait transphobe de continuer à les traiter comme des « personnes à pénis », ou pire, comme des hommes.

Du mal à suivre

J’essaie de suivre, mais j’ai parfois du mal : si je comprends bien, le groupe des « personnes à utérus » doit reconnaître sans broncher comme étant pleinement « femmes » des individus qui, bien que nantis d’un pénis, se sentent femmes. Mais il faut en revanche absolument éviter de qualifier de « femmes » lesdites « personnes à utérus », car ce serait excluant pour les femmes à pénis. Et tant pis si le slogan de cette campagne repose sur une approximation scientifique, dès lors qu’on peut ne plus avoir d’utérus, mais avoir encore un col de l’utérus, et être donc potentiellement concernée par le cancer dudit col. Utiliser le terme « femme » dans une campagne de prévention du col de l’utérus, ce serait terriblement excluant, n’est-ce pas ?

Pendant ce temps, la cour d’appel de Bruxelles a condamné en mars dernier l’Hôpital des enfants reine Fabiola (HUDERF) pour avoir réalisé une vaginoplastie sur Coralie, une mineure intersexuée de 16 ans, née sans vagin ni utérus, sans avoir attiré son attention sur la lourdeur de l’opération et sur les risques qu’elle comportait. Or, la jeune fille a non seulement subi d’atroces souffrances qu’elle qualifie de mutilations et d’actes de torture, mais y a perdu l’usage de ses deux jambes. Si les deux affaires semblent très différentes, elles ont cependant en commun de questionner en profondeur ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les « questions de genre » – même si on l’occurrence, il est en réalité question de sexe, dès lors que l’on parle bien d’anatomie, d’appareils génitaux, et non de manières de se sentir ou d’apparaître aux yeux du monde.

Modifier les corps ou l’apparence ?

Ce que nous apprend le drame de Coralie, c’est évidemment qu’il est absurde de vouloir à toute force modifier un corps intersexué pour le rendre conforme à la norme, si aucune raison médicale impérieuse ne l’exige. Mais c’est aussi que ces interventions que l’on appelle « affirmatives du genre », sont loin d’être ni bénignes, ni dénuées de risques : selon une étude californienne mentionnée dans la récente enquête de Reuters, « un quart des 869 patientes ayant subi une vaginoplastie, âgées en moyenne de 39 ans, avaient une complication chirurgicale si grave qu’elles ont dû être hospitalisées à nouveau. Parmi ces patients, 44 % ont eu besoin d’une intervention chirurgicale supplémentaire pour traiter la complication, qui comprenait des saignements et des lésions intestinales ».

Alors que par ailleurs, les témoignages de détransitionneurs se multiplient, mettant l’accent sur la précipitation avec laquelle le corps médical s’est empressé de répondre à une demande sans réellement la questionner, est-il vraiment raisonnable de présenter le sexe comme une donnée que l’on peut faire varier en fonction de son seul ressenti ? Libre à chacun de préférer adopter une apparence traditionnellement associée au féminin ou au masculin, mais prenons garde à ne pas purement et simplement balancer la biologie par-dessus les haies sous prétexte d’inclusion, et surtout, interdisons-nous de jouer aux apprentis sorciers avec des enfants et des adolescents pour en faire autre chose que ce qu’ils sont, de par leur naissance. Même, et c’est sans doute le plus difficile, s’ils le demandent avec insistance.

Source: https://www.marianne.net/agora/humeurs/vous-avez-entre-25-et-64-ans-et-vous-avez-un-uterus-lart-deviter-le-mot-femme

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