Le chantage économique de Yara : soit on vous tue, soit on ferme (CA.net-10/11/23)

Capitalisme prédateur : le fabricant d’engrais Yara a annoncé préférer fermer son usine plutôt que la mettre aux normes

Autour de Montoir-de-Bretagne, sur l’estuaire de la Loire, on peut trouver l’un des pires sites industriels de France. Entre la raffinerie Total et la centrale à gaz d’Engie se situe une usine d’engrais, Yara. Cela fait des années que l’entreprise, dont l’usine est classée SEVESO seuil haut, met en danger les ouvriers, les habitant-es, et plus globalement tout le territoire. Elle est classée comme l’un des 13 pires sites industriels de France, qui «font encore l’objet d’incidents ou de non-conformités récurrentes» selon l’État.

La multinationale norvégienne Yara fabrique le fameux Nitrate d’Ammonium, un produit servant d’engrais, indispensable à l’agriculture industrielle. Cette matière est hautement explosive. C’est un stock de Nitrate d’Ammonium qui a dévasté la ville de Beyrouth en 2020. À l’époque, autour de 2000 tonnes d’engrais azoté «seulement» avaient rasé une partie de la capitale du Liban. Près de Saint-Nazaire, Yara fabrique 600.000 tonnes d’engrais chaque année.

En plus d’être dangereuse, l’usine est toxique. Le 28 juillet dernier, Yara laissait échapper 13 tonnes d’acide sulfurique dans la nature, en bords de Loire, le 28 juillet 2023. Jeudi 8 septembre 2022 déjà, une sirène avait retenti dans l’usine chimique Yara. Et déjà, une fuite d’acide sulfurique avait déclenché un «plan d’opération interne». À l’époque, la préfecture affirmait qu’il s’agissait d’une fuite «de faible ampleur». Elle a aussi été épinglée à de nombreuses reprises pour ses rejets de polluants dangereux très au dessus des normes autorisées.

Malgré son mépris notoire pour les normes de sécurité et environnementales, Yara est rarement sanctionnée, à peine une tape sur les doigts de temps à autre. En juin dernier une amende de 500.000 euros lui a été infligée, une goutte d’eau par rapport aux profits de l’entreprise, et surtout un moindre mal face aux coûts de mise aux normes de l’usine. L’entreprise a donc poursuivi son fonctionnement mortifère, au mépris des êtres vivants et de l’environnement.

Ces derniers mois pourtant, la pression s’est intensifiée avec des mobilisations contre Yara à Saint-Nazaire de la part des collectifs écologistes locaux et d’élu-es critiquant de plus en plus ouvertement l’entreprise.

Le 24 octobre, un ouvrier intérimaire est décédé chez Yara. La victime travaillait sur un échafaudage et avait fait un malaise quelques heures plus tôt avec des vomissements, alors qu’il était à proximité d’une «sphère d’ammoniac». Un décès passé quasiment inaperçu. Le décès d’un individu précaire, ça n’est pas si rare en France, qui se classe championne d’Europe des morts au travail. Une enquête a été ouverte et le site a été mis en arrêt technique.

Cette mort a poussé l’entreprise à réagir. Et la réaction est à la hauteur de l’immondice du capitalisme : au lieu de se mettre aux normes pour préserver la sécurité des employés et des riverains, Yara a préféré annoncer la fermeture de son usine ! 139 emplois sacrifiés sur l’autel du profit.

Une usine d’engrais polluante qui ferme, ça pourrait sonner comme une bonne nouvelle. En réalité, c’est plutôt le signe d’une impunité, d’une forme de chantage : si nous ne pouvons pas polluer ici ni sacrifier nos ouvriers, nous irons polluer ailleurs. Le message est clair : nous vous tuerons avec nos poisons, ou nous vous tuerons en vous privant d’emploi. Yara se fait ainsi porte-parole de toutes ces entreprises néfastes, qui pourront utiliser cette fermeture comme exemple lors de leurs prochains chantages.

Le pire, c’est que la situation aurait pu être évitée si les pouvoirs publics avaient, dès le début, fait respecter les normes de sécurité de base. Avec un investissement régulier les profits générés par l’usine auraient été un peu plus faibles, mais un intérimaire n’aurait peut-être pas perdu la vie, et l’air serait sûrement un peu plus respirable à Montoir-de-Bretagne.

Source: https://contre-attaque.net/2023/11/10/le-chantage-economique-de-yara-soit-on-vous-tue-soit-on-ferme/

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