Le travail tue : un apprenti de 15 ans meurt sur un chantier (CA.net-9/05/25)

Et les néolibéraux veulent envoyer la jeunesse des classes populaires toujours plus tôt au travail

Il s’appelait Lorenzo Menardi, il n’avait que 15 ans, et sa vie a été fauchée beaucoup trop tôt. L’adolescent était apprenti maçon, il est décédé le 30 avril sur un chantier de Saint-Martin-du-Var, dans les Alpes-Maritimes, «percuté par un engin de chantier de type pelleteuse». Il étudiait dans un CFA de maçonnerie à Antibes et venait d’intégrer un apprentissage dans une entreprise de travaux publics.

Le nombre d’apprentis mineurs augmente ces dernières années, et le rapport 2024 de l’inspection du travail en Pays de la Loire a montré la situation préoccupante de ces jeunes travailleurs. Selon ce document, plus d’un tiers des entreprises présentaient des irrégularités sur la durée du travail – horaires incomplets, absence de pauses, heures supplémentaires non payées – 43% ne respectaient pas les règles d’hygiène et de sécurité, et près d’un tiers des situations faisaient état d’un suivi médical défaillant, voire inexistant dans 15% des cas. Exploités de plus en plus jeunes, et mal protégés.

Le 8 avril, la Ministre de l’Éducation Élisabeth Borne estimait sur le plateau de la chaîne LCP : «Il faut se préparer très jeune, dès le départ, presque depuis la maternelle, à réfléchir de la façon dont on se projette dans un métier». En ligne de mire, une énième réforme destructrice de l’Éducation Nationale pour «orienter» toujours plus tôt certains jeunes vers le «marché du travail».

Avec sa déclaration, Borne résumait toute la philosophie des néolibéraux : mettre les enfants des classes populaires au travail dès le plus jeune âge, sans pouvoir faire d’études. Dès 2009, les gouvernement successifs ont organisé la professionnalisation des mineurs, avec la signature de contrat pour les jeunes de 16 ans, afin de les orienter vers les métiers «en tension» comme le bâtiment, le nettoyage, les métiers de l’accompagnement, la restauration… Bref, des métiers difficiles et mal payés. Autant les envoyer le plus tôt possible, avant qu’ils n’aient eu le temps de se former, d’accéder à des connaissances et acquérir de l’esprit critique. Il faut des jeunes corvéables, de la chair à patron.

Le 16 juin 2022 dans le Vignoble nantais, un jeune homme de 14 ans était en «stage en entreprise» juste avant les vacances scolaires : un stage d’une semaine en vue d’un apprentissage. Il participait au chantier de démolition du garage d’une maison quand un mur s’est effondré sur lui. Il n’a pas pu être sauvé. Le jeune garçon n’a jamais pu fêter son 15ème anniversaire, qui devait avoir lieu peu après.

Pendant que les enfants de riches peuvent faire des stages dans des boites de graphisme ou dans les bureaux des grandes entreprises, les enfants de pauvres sont orientés dès le collège vers des boulots éreintants et dangereux. Le 31 mars 2022, lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron expliquait à un restaurateur face à la presse que «tous les enfants découvriront, de la 5ème à la 3ème, plusieurs métiers, dont les métiers techniques et manuels». Les néolibéraux généralisent peu à peu les contrats précaires et dérogatoires au code du travail pour les jeunes, et les stages sous-payés. Macron évoque désormais l’envoi en formation en alternance de jeunes de 12 ou 13 ans. Une école taillée pour l’entreprise, où les plus en difficulté sont éliminés toujours plus tôt du circuit, et où l’université n’est qu’un objectif lointain et inaccessible.

Mineurs ou majeurs, le travail tue. En 2023, l’Assurance maladie a recensé plus de 700.000 accidents de travail en France, dont 30.000 ont provoqué des blessures sérieuses. Ces accidents ont provoqué la mort de 759 personnes, auxquels il faut ajouter les accidents de trajet – 332 décès – et les morts liées à des maladies professionnelles – 196. Plus de 1.000 personnes meurent du travail chaque année en France, une hécatombe dont on n’entend jamais parler dans les médias.

Avec un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100.000 salariés, notre pays est en tête du nombre de morts au travail, bien au-delà de la moyenne de l’Union Européenne qui s’élève à 1,7 pour 100.000. Ces décès et accidents sont essentiellement concentrés parmi les métiers les plus pénibles : ouvriers du bâtiment ou de l’industrie, éboueurs, pêcheurs ou agriculteurs, loin devant la police par exemple. En moyenne, il y a deux morts au travail par jour travaillés, dont un dans le BTP. Par ailleurs, une étude montre que le chômage cause la mort de 14.000 personnes par an en France. Dans une société basée sur l’exploitation, la privation d’emploi tue aussi.

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Source: https://contre-attaque.net/2025/05/09/le-travail-tue-un-apprenti-de-15-ans-meurt-sur-un-chantier/

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