Le profil du suspect de la tentative d’incendie de la mosquée de Morlaix (29), le 13 janvier dernier, interroge. Sans l’appel d’un mystérieux informateur, ce Finistérien âgé de 30 ans serait passé sous les radars des enquêteurs.
Par Hervé Chambonnière, avec la rédaction locale du Télégramme de Morlaix
La scène dure 22 secondes. Sur les images de vidéosurveillance dévoilées par Le Télégramme, on voit un homme d’allure athlétique, encapuchonné, asperger l’entrée de la mosquée de Morlaix avec un liquide, qu’il embrase. À l’intérieur, une ou deux personnes préparent la prière qui doit débuter. Il est 7 h 30, ce samedi 13 janvier 2024. Les flammes se sont éteintes d’elles-mêmes. Des fidèles arrivent et, dans la pénombre, se rendent compte que l’entrée est noircie. L’alerte sera donnée quelques instants plus tard. Les dégâts sont matériels. Mais l’intention de frapper à l’heure de la prière est flagrante.
Un appel téléphonique
La police judiciaire n’est pas saisie. L’enquête reste dans les mains des policiers locaux. Qui ne disposent d’aucune piste, d’aucun indice. Rien. Si ce n’est que le suspect est très probablement du coin. Et qui connaissait, avant cet acte, la mosquée de Morlaix ? Sinon, pourquoi cibler celle-ci, alors que d’autres dans le département se sont retrouvées, dans le passé, sous les feux de l’actualité ?
C’est un appel téléphonique qui va déclencher l’interpellation d’un suspect, cinq jours après les faits. Les éléments fournis par cet informateur conduisent les policiers à 38 km de Morlaix, à Landerneau (29). Le suspect a 30 ans. Il est né à Morlaix, vit à Quimper, mais il se trouve chez sa concubine, rencontrée récemment et qui semble tout ignorer. Au moment de son interpellation, le jeune homme ne pose aucune question. Une sorte d’aveu ? Il n’en livre aucun en garde à vue. Il ne répond à aucune question sur les faits.
À lire sur le sujet« La gravité de l’acte me touche » : les fidèles de la mosquée de Morlaix témoignent après la tentative d’incendie
Aucun lien connu avec l’ultradroite
Qui est ce suspect mutique ? Un militant d’ultradroite ? Les premiers éléments recueillis par les enquêteurs, selon nos informations, ne conduisent à aucun groupuscule, ni même à aucun parti d’extrême droite. Il n’est pas connu comme militant. Il ne serait, par ailleurs, jamais apparu dans les radars des services de renseignement. Aucun acte de violence en lien avec cette mouvance, aucune manifestation ou rassemblement. Seuls quelques éléments laissent supposer des sympathies nationalistes. Côté judiciaire, le parquet de Brest a évoqué « des antécédents », sans préciser lesquels. Selon nos informations, ceux-ci seraient mineurs (un usage de stupéfiants, notamment), et sans lien avec la nature des faits reprochés.
Un très bref passage par la Légion étrangère
Jusqu’à présent, le profil du suspect ne livre que peu d’informations. Aîné d’une fratrie de trois, il a grandi dans le pays de Morlaix, où il a conservé de solides attaches. Il y était d’ailleurs de retour, avec un CDD de pépiniériste décroché dans une commune de l’agglomération. Une partie de sa famille y réside toujours. Il avait été aperçu ces derniers temps, notamment lors de la Fête de la musique ou d’un tournoi sportif. Mais il semble avoir peu marqué les esprits, comme dans le club de foot dans lequel il a joué plusieurs années.
Le trentenaire est aussi passé par la Légion étrangère. Sur sa page Facebook, le jeune homme apparaît cheveux ras, yeux bleus et barbe de trois jours, avec la flamme de la Légion tatouée sur le cou. En mai et juin 2021, il s’affiche en tenue militaire, le célèbre képi blanc sur la tête. Mais, selon nos informations, son séjour aura été… très bref. Pour une raison indéterminée à ce jour, il n’aurait même pas terminé sa période de formation initiale de quatre mois.
Des repérages effectués
Sur la possible implication du suspect dans la tentative d’incendie criminel, plusieurs éléments ont été établis. Un repérage préalable des lieux, la veille et l’avant-veille des faits. Et un dernier passage, quinze minutes avant de passer à l’acte. Pour l’heure, aucun éventuel complice ne semble avoir été identifié.
Le suspect savait-il que, contrairement à la prière du vendredi, celle du samedi ne bénéficiait pas d’un dispositif de sécurité ? « Il a choisi l’heure précise de la prière du matin quand il y a du monde présent. Elle change tous les jours (…) Vouloir détruire une mosquée par le feu, afin de piéger les fidèles qui s’y trouvent au moment de la prière, ça s’appelle un attentat. C’est un acte terroriste », assénait dans nos colonnes Méryème Postic, présidente de l’association Ti Salam, qui gère la mosquée. Depuis, l’association a demandé « une requalification de l’enquête pénale » et que le parquet antiterroriste soit saisi. « La qualification terroriste n’a pas été retenue dans le cadre du réquisitoire introductif, rappelle le procureur de Brest. Mais les parties civiles ont effectivement toujours la possibilité de la solliciter. »
Placé à l’isolement
Une juge d’instruction de Brest a mis le Morlaisien en examen pour « dégradation volontaire du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes », avec la « circonstance aggravante que les faits ont été commis en raison d’une prétendue race, d’une ethnie, d’une nation ou d’une religion ». Placé en détention provisoire, il encourt jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et 150 000 € d’amende. Selon nos informations, en raison des faits qui lui sont reprochés, il a été placé à l’isolement à la maison d’arrêt de Brest.
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/legionnaire-pepinieriste-ce-que-lon-sait-du-suspect-de-lincendie-de-la-mosquee-a-morlaix-lt-fr-5-02-24/