Les États-Unis reprennent leurs vols de drones sur fond de manifestations de masse au Niger (AfriqueAsie-22/09/23)

Un drone américain

Moins de deux mois après avoir pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État qui a renversé un président soutenu par la France, la junte militaire du Niger a autorisé les troupes américaines stationnées dans le pays à reprendre les patrouilles par drones et chasseurs-bombardiers. Dans le même temps, Washington, qui dispose au Niger de 1.100 sur 6.500 soldats qu’il stationne en Afrique, déplace des troupes à 920 kilomètres au nord de la capitale, Niamey, vers Agadez.

Par Athiyan SILVA

Le Pentagone a déclaré la semaine dernière que les forces américaines avaient quitté la base aérienne 101 près de Niamey pour la base aérienne 201 à Agadez, alors que des manifestations de masse se déroulaient à Niamey pour exiger que les forces françaises quittent le pays. Mais aujourd’hui, Washington est parvenu à «un accord avec les chefs militaires du Niger pour relancer les missions de drones et d’avions avec équipage sur deux bases aériennes», a rapporté Al Jazeera.

Le général James Hecker, commandant en chef de l’armée de l’air pour l’Europe et l’Afrique, s’est vanté de ce que les missions de renseignement et de surveillance américaines avaient pu reprendre grâce aux négociations menées par les États-Unis avec la junte nigérienne.

«Pendant un certain temps, nous n’avons effectué aucune mission sur les bases. Grâce au processus diplomatique, nous effectuons maintenant – je ne dirais pas 100 pour cent des missions que nous faisions auparavant – mais nous effectuons un grand nombre de missions que nous faisions auparavant», a-t-il déclaré.

Début 2013, les forces américaines ont été massivement déployées au Niger sous prétexte de soutenir l’intervention militaire française au Mali. Plus tard, elles ont construit une base aérienne militaire avec une piste de 6.800 pieds [2 km] à Agadez, dans le nord du Niger.

La construction du site a débuté en 2016 pour un coût de 250 millions de dollars. Actuellement, la base est le principal centre d’observation américain en Afrique de l’Ouest, avec un budget annuel de 20 à 30 millions de dollars pour son entretien.

«Le commandement opère également à partir de 12 autres sites en Afrique», a déclaré le chef de l’AFRICOM, le général Michael Langley. Celui-ci a également affirmé que «ces sites ont une présence américaine permanente minimale et disposent d’installations peu coûteuses et de fournitures limitées pour permettre à ces Américains dévoués d’accomplir des missions critiques et de répondre rapidement aux crises».

L’impérialisme américain utilise à partir de cette base des drones, des avions de chasse et des avions de transport militaires géants comme le C-17 Globemaster. Washington déclare maintenant avoir repris depuis cette base les frappes de drones contre le groupe Boko Haram, affilié à Al-Qaïda et à ISIS, et contre d’autres «groupes islamistes» que les puissances de l’OTAN ont initialement utilisés comme forces supplétives dans une guerre qui a dévasté la Libye en 2011.

En plaçant ces forces à Agadez, Washington vise à maintenir le contrôle sur une région cruciale et riche en ressources, alors même qu’à Niamey des manifestations de masse exigent le départ des troupes des pays impérialistes de l’OTAN. Le nord du Niger contient un certain nombre de mines d’uranium et d’or qui jouent un rôle essentiel dans l’économie de la région et dans le commerce mondial de l’énergie.

Agadez abrite également un grand camp de réfugiés de l’ONU que les puissances de l’OTAN utilisent pour détenir les réfugiés africains cherchant à fuir vers l’Europe en passant par le Sahara, l’Afrique du Nord et la Méditerranée. La présence militaire américaine et française dans la région contribue à bloquer la fuite des réfugiés vers le nord et à ancrer un réseau de camps de détention de l’OTAN qui s’étend sur toute l’Afrique et empêche les réfugiés d’arriver en Europe.

Jusqu’à présent, la junte nigérienne a réagi aux manifestations de masse contre la présence des troupes françaises et de l’OTAN en faisant des ouvertures diplomatiques limitées à Moscou. Dans le contexte de la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, les travailleurs et les jeunes africains s’opposent largement aux puissances impérialistes de l’OTAN. Sur cette base, la junte du Niger et les régimes similaires du Mali et du Burkina Faso ont tenté de se poser en anti-impérialistes en critiquant la France et en développant des liens militaires limités avec Moscou.

Les manœuvres en coulisses de la junte nigérienne avec Washington montrent que cette posture est une fraude cynique. Tout en développant des liens avec le régime capitaliste post-soviétique de Moscou créé par la dissolution stalinienne de l’Union soviétique, la junte cherche en fait à maintenir et à développer ses liens avec l’impérialisme. Elle dissimule toutefois son orientation vers l’OTAN et les marchés financiers mondiaux derrière des critiques limitées à l’égard de la France et de fausses expressions de sympathie à l’égard de la Russie.

Elle cherche à maximiser les avantages politiques que les cercles dirigeants du Niger et les hauts gradés militaires nigériens peuvent obtenir en jouant les grandes puissances les unes contre les autres. Les relations entre la France et les États-Unis se sont indubitablement tendues du fait du coup d’État au Niger.

Base américaine de drones à Agadez

Samedi dernier, un porte-parole militaire nigérien a publié une déclaration condamnant le gouvernement d’Emmanuel Macron. La déclaration note que la France prépare les pays de la CÉDÉAO à une guerre contre le Niger, afin de chasser du pouvoir les dirigeants militaires de Niamey. Macron a répondu en insistant pour dire que Paris ne reconnaîtrait en aucun cas le régime nigérien. «Nous ne reconnaissons aucune légitimité aux déclarations de la junte nigérienne», a déclaré Macron lors d’une conférence de presse.

Vendredi, Emmanuel Macron a de nouveau déclaré aux journalistes que l’ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté, dont la junte a exigé le départ, avait été pris en otage. Itté est désormais retranché dans l’ambassade de France, et refuse de partir. Mais Macron a soutenu Itté et l’ancien président nigérien déchu soutenu par la France, Mohamed Bazoum, en tant qu’autorités légitimes du Niger.

Les forces militaires nigériennes, a déclaré Macron, «empêchent la livraison de nourriture [à M. Bazoum]. Il mange des rations militaires (…) Je ferai ce dont nous sommes convenus avec le président Bazoum, parce qu’il est l’autorité légitime et que je lui parle tous les jours».

Washington a toutefois adopté une position différente à l’égard de la junte de Niamey.

La vice-secrétaire d’État américaine par intérim Victoria Nuland, qui a joué un rôle essentiel dans l’organisation du coup d’État soutenu par les États-Unis en Ukraine en 2014, s’est rendue en visite officielle à Niamey le 7 août pour s’entretenir avec les dirigeants du coup d’État. À l’issue de ces entretiens, Nuland a déclaré: «J’espère qu’ils garderont la porte ouverte à la diplomatie. Nous avons fait cette proposition. Nous verrons bien. Mais nous leur avons donné un certain nombre d’options pour continuer à parler et nous espérons qu’ils nous suivront dans cette voie».

Il semble que les espoirs et les attentes de Nuland se soient concrétisés lors des entretiens que les responsables américains ont eus avec la junte à Niamey, qui maintient les forces américaines dans un endroit clé pour contrôler les ressources naturelles essentielles du Niger.

Les tensions augmentent donc non seulement entre la Russie et les puissances de l’OTAN en Afrique, mais aussi entre les puissances impérialistes de l’OTAN, car les forces à Paris craignent que Washington ne fasse ses gains aux dépens de l’impérialisme français au Niger.

«La France craint de se faire dépasser par son allié américain après le coup d’État au Niger», écrit le quotidien français de droite Le Figaro dans un article récent. Il cite un fonctionnaire du ministère français des Affaires étrangères qui a déclaré à propos des États-Unis: «Tant que nous avons de tels alliés, nous n’avons pas besoin d’ennemis».

L’escalade de la guerre entre puissances de l’OTAN et Russie en Europe, ainsi que les rivalités qui lui sont étroitement liées entre grandes puissances en Afrique, représentent d’énormes dangers pour la classe ouvrière. Le danger est réel d’une escalade militaire plus large dans une grande partie de l’Europe et de l’Afrique, qui signifiera des combats directs entre principales puissances nucléaires.

La mobilisation croissante des travailleurs et des jeunes africains contre l’impérialisme de la France et de l’OTAN indique la voie à suivre. Une guerre plus large ne peut être stoppée que si les travailleurs et les jeunes du Niger, du Sahel et du monde construisent un mouvement anti-guerre et anti-impérialiste international et uni, basé sur une perspective socialiste et internationaliste.

Athiyan SILVA

Source: https://www.afrique-asie.fr/les-etats-unis-reprennent-leurs-vols-de-drones-sur-fond-de-manifestations-de-masse-au-niger/

Source originale: https://www.wsws.org/fr/articles/2023/09/18/eeyd-s18.html

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/les-etats-unis-reprennent-leurs-vols-de-drones-sur-fond-de-manifestations-de-masse-au-niger-afriqueasie-22-09-23/

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