
« Nous expliquer aujourd’hui qu’il va falloir réduire les dépenses sociales pour augmenter les dépenses militaires, c’est inacceptable.» La parole à Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, syndicaliste.
Propos recueillis par la rédaction d’IO
Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, vient de déclarer à la télévision, ce 1er juillet, en pleine canicule, que « les hôpitaux sont prêts ». Est-ce exact ?
Christophe Prudhomme : Non, c’est un mensonge, puisque les hôpitaux sont en tension tout au long de l’année. Or, toute augmentation, même modérée de l’activité, fait craquer le système. Des « plans blancs » ont été déclenchés dans de très nombreux hôpitaux tout au long de l’année, par manque de personnel, par manque de lits.
Là, on n’a pas encore une augmentation très importante de l’activité, de l’ordre de 5 à 10 %. Des gens souffrant de maladies chroniques vont moins bien et ont besoin d’être hospitalisés. Mais 5 à 10 % d’augmentation d’activité dans des services qui sont déjà à la limite de la rupture, ça peut faire exploser tout le système.
Le ministre peut dire que ça va bien, mais quand tu as des chefs de service comme une cheffe de service de l’hôpital de Carpentras qui jette l’éponge, c’est significatif. Régulièrement, des chefs de service d’urgence démissionnent parce qu’ils considèrent qu’ils n’ont plus les moyens de travailler correctement et que la mise en danger des patients pour eux est insupportable.
Donc, non, l’hôpital aujourd’hui n’est plus en capacité d’accepter la moindre augmentation d’activité, que ce soit lors d’une banale épidémie de grippe en hiver ou d’une période de forte chaleur comme on en a régulièrement maintenant chaque été.
Dans cette situation, il y a, par exemple, une mobilisation massive des hospitaliers et de la population à Laval contre les suppressions de postes. Qu’en dis-tu ?
C’est ce qu’il faut qu’on généralise, c’est-à-dire qu’il faut rendre publiques nos actions.
La seule grève à l’hôpital, aujourd’hui, ce n’est pas un bon moyen d’action parce qu’on est assigné et on continue à travailler.
Ce qu’il faut, c’est qu’on affiche effectivement qu’il y a un mouvement social, mais il faut que ça se traduise par des initiatives en dehors de l’hôpital, devant l’hôpital, sur les marchés, en ville, pour informer la population et la mobiliser. Et mettre les élus sous pression qui, aujourd’hui, ne jouent pas leur rôle, en particulier les élus locaux quand ils président les conseils de surveillance des hôpitaux et qu’ils ne tapent pas du poing sur la table comme il le faudrait.
La semaine dernière, un sommet de l’Otan a décidé d’une augmentation très importante des dépenses militaires qui se traduirait, pour la France, par une augmentation de 100 milliards d’euros des dépenses militaires annuelles. Tu es signataire d’un appel européen contre la guerre. Quelle est ta réaction ?
Le problème n’est pas de dire qu’on va pouvoir se passer des armées. Mais nous expliquer aujourd’hui qu’il va falloir réduire les dépenses sociales pour augmenter les dépenses militaires, c’est inacceptable.
On est sous pression aujourd’hui avec une demande du gouvernement de 20 milliards d’économies immédiates sur les dépenses de l’Assurance maladie.
Mais ce qu’il faut mettre en avant aujourd’hui, ce n’est pas qu’on dépense trop pour la Sécu, mais c’est qu’on n’a pas assez de recettes. C’est-à-dire qu’on a bloqué le niveau des dépenses qui sont destinées à la santé depuis 20 ans, alors que les besoins ont augmenté, parce qu’il y a un vieillissement de la population, parce qu’on a fait des progrès médicaux qui sont très positifs.
Si on ne met pas les moyens pour pouvoir prendre en compte cette réalité, ça s’appelle un abandon de la population, une surmortalité par défaut de moyens, parce que le choix, ce sont les dépenses militaires au détriment des dépenses sociales.
Les dépenses sociales aujourd’hui, elles ont une légitimité à augmenter. Et on a de l’argent pour ça parce qu’il y a des gains de productivité. Mais ils sont accaparés par les capitalistes qui ont augmenté de manière honteuse leur richesse.
Les 20 milliards qui manquent pour l’Assurance maladie, il faut les prendre sur la production de richesses qui va au mauvais endroit, c’est-à-dire dans les mains des actionnaires.
Non, on n’a pas trop de prélèvements sociaux en France. On a aujourd’hui en France un volume de dépenses pour la santé qui est équivalent à celui de tous les pays développés. La seule différence que l’on a, c’est que nous, pour l’instant, c’est socialisé, majoritairement dans le cadre de la Sécurité sociale. Dans les pays anglo-saxons, c’est le même niveau de dépense, mais avec une « efficience » – puisque c’est le terme à la mode –, qui est moindre, puisque c’est géré en grande partie par le secteur privé lucratif qui doit rémunérer les actionnaires qui investissent dans ce secteur…
Propos recueillis le 1er juillet
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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/07/04/les-hopitaux-sont-prets-non-cest-un-mensonge/
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