«Les Républicains» face au dilemme budgétaire (LH.fr-1/09/22)

Démocratie– Si, de coutume, les oppositions ne votent jamais la loi de finances du gouvernement, le parti de droite pourrait en décider autrement afin de peser sur le texte. Au risque de se compromettre.

Jusqu’ici, tout allait bien. « Les Républi­cains » (LR), moribonds au printemps, sont sortis des législatives avec un groupe amputé d’un tiers de ses membres mais une influence bien plus importante, du fait de la majorité seulement relative de la Macronie. Le parti de droite a ainsi pu faire passer une dizaine d’amendements aux textes sur le pouvoir d’achat, en juillet, dont des exonérations fiscales pour les entreprises ou encore la monétisation des RTT.

Mais le budget 2023, pour lequel l’exécutif doit entamer ses négociations avec les oppositions ce jeudi 1er septembre, change la donne et met LR dans une position délicate. Ce qu’explique la députée de l’Orne, Véronique Louwagie : « Notre groupe n’est pas dans une opposition systématique, mais nous restons dans l’opposition. Nous ne faisons pas partie d’un accord de gouvernement et nous ne sommes pas les supplétifs de la majorité présidentielle. Or, par définition, un groupe d’opposition ne vote pas le budget. »

« Les Républicains » se retrouve donc dans l’embarras et deux lignes commencent à s’affronter en interne. D’un côté, ceux qui refusent catégoriquement d’envisager de voter ce budget, quel que soit son contenu, par crainte de se compromettre, au moins symboliquement, avec la Macronie. De l’autre, ceux qui estiment qu’il faut au minimum ouvrir la porte, pour peser sur le contenu du texte.

« Nous revendiquons être un parti de gouvernement, avec un esprit de responsabilité, mais nous sommes un groupe d’opposition, donc il va falloir définir une position commune, ce sera certainement au cœur de nos journées parlementaires des 15 et 16 septembre », résume Véronique Louwagie. « C’est trop tôt pour trancher », embraye Philippe Juvin, qui était favorable, dès le lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron, à un contrat de gouvernement avec la majorité présidentielle. « Puisqu’il n’y a pas de coalition, notre position est de discuter texte par texte, et sur tous les textes. Donc éventuellement sur le budget, même si j’entends que symboliquement cela peut poser problème. »

La première ministre n’exclut pas de recourir à l’article 49-3

Un cadre du parti pense même que LR sortira perdant de cet examen, quoi qu’il arrive : « C’est un piège sans issue. Soit on négocie bien et on vote le budget, mais on n’a plus vraiment d’espace politique. Soit il y a blocage, donc risque de dissolution, et ce ne serait pas forcément un bon calcul pour nous. » Pour l’insoumis Antoine Léaument, ce projet de loi de finances sera donc déterminant pour la suite du mandat : « Nous verrons jusqu’à quel point LR et Macron sont liés ou, à l’inverse, si le président est esseulé et obligé de légiférer par 49-3, voire de dissoudre. »

La première ministre, Élisabeth Borne, n’a d’ailleurs pas exclu de recourir à cet article 49-3, sous prétexte que « les Français ne (nous) ont pas demandé l’immobilisme ». Du côté des « Républicains », on s’attend à cette conclusion : « Si les textes ne prévoient pas de limite à l’utilisation du 49-3 sur les textes financiers, c’est bien parce qu’ils prennent en compte ce cas de figure d’une majorité relative sur le budget, ce ne serait donc pas illégitime », estime Véronique Louwagie. Le parti de droite accepterait donc cette situation, mais pas à n’importe quelle condition : « Si le gouvernement utilise le 49-3 comme prétexte pour se dispenser d’un vrai débat, n’écoute pas les oppositions, alors nous ne l’accepterons pas. » Avec le risque que les oppositions ne votent, dans un second temps, une motion de censure contre cet exécutif. D’autant qu’à ce stade, les annonces du ministre des Comptes publics sont « loin d’être satisfaisantes » pour le mouvement de droite. Gabriel Attal a en effet annoncé en août de futures augmentations des plafonds de dépenses publiques. Avec des hausses de crédits conséquentes pour les ministères de l’Éducation (+ 3,6 milliards), du Travail et des Solidarités (+ 6,7 milliards).

« La dépense publique est un point crucial pour nous, une ligne rouge »

Inacceptable pour les députés LR : « La dépense publique est un point crucial pour nous, une ligne rouge. Il faut au contraire la baisser drastiquement, notamment pour pouvoir baisser les taxes sur les revenus du travail et, à terme, retrouver un équilibre budgétaire », défend la députée Anne-Laure Blin. « Si nous obtenons un réel changement de doctrine sur les dépenses publiques, en travaillant aussi sur la suppression des doublons dans la fonction publique, des réformes économiques structurelles, il nous sera difficile de dire ensuite “on ne vote pas” », reconnaît Philippe Juvin. Le mal de crâne des députés LR est loin de s’évaporer.

Florent LE DU

source: https://www.humanite.fr/politique/budget/lr-face-au-dilemme-budgetaire-762077

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