Les Robins des Bois de l’énergie : gaz gratuit pour quartier populaire, hôpital et petit commerce, pour un monde de biens communs, L’insoumission (22/03/23)

À Marseille, Lille, Paris ou Nice, les Robins des Bois de l’énergie, agents électriciens et gaziers, militants de la CGT Mines Energie, mènent des actions de résistance face aux puissantes entreprises du secteur.

De nuit, cagoulés, ces héros des temps modernes modifient les compteurs de gaz d’immeubles de quartiers populaires, d’hôpitaux ou de petits commerces. Ils bloquent les compteurs Linky (électricité) pour faire bénéficier les occupants de la gratuité ou de tarifs réduits. Et ils rétablissent l’électricité et le gaz des plus démunis dont le contrat a été suspendu.

La mise en concurrence des fournisseurs d’énergie, après la transposition dans la loi française des directives Européennes de 1996 et 199, a mis fin au monopole EDF-GDF et à ses tarifs stables. Avec les facteurs d’augmentation actuels : la guerre en Ukraine, les difficultés de fonctionnement des centrales nucléaires françaises, les coûts divers de production, les factures d’électricité et de gaz s’envolent. Les nouveaux prix de la prestation énergétique privent d’énergie les plus modestes dans l’impossibilité de payer, endettent et poussent à la faillite les petits commerces.

Face à une paupérisation énergétique due au capitalisme sauvage, l’action des Robins des Bois démontre que les travailleurs sont les réels détenteurs du pouvoir lorsqu’ils décident de prendre leur vie en main. Elle montre le chemin d’un monde nouveau, dans lequel les biens communs seraient en libre accès. Notre article.

Les Robins des Bois de l’énergie : tarifs réduits ou gratuits pour les quartiers populaires, les hôpitaux et petits commerces

Depuis Janvier 2023, les quotidiens relatent les actions des Robins des Bois de l’énergie, agents électriciens et gaziers, militants de la CGT Mines Energie. Dans de grandes métropoles, Paris, Marseille, Nice ou Lille, mais également dans la Vienne, les Robins des Bois de l’énergie modifient les tarifs de gaz en manipulant les compteurs placés dans les immeubles. Armés de leur clé à pipe, ils changent les boitiers enregistrant la consommation de gaz dans les quartiers populaires, les immeubles modestes, hôpitaux, crèches et services publics, mais aussi au bénéfice de petits commerces. Ils rétablissent le gaz et l’électricité chez les personnes dont le contrat a été suspendu pour non-paiement.

Ils bloquent également les compteurs Linky de façon à ce que la consommation d’électricité ne parvienne pas à ENEDIS, de sorte que celle –ci ne s’apercevra pas du subterfuge avant plusieurs mois. ENEDIS ne pourra pas suspendre les contrats pour impayés.

A Marseille, Médiapart suit l’action de deux Robins des bois. Résultat de l’opération en une opération: 3 quartiers populaires ont été placés à 50% du tarif ou en gratuité ; plusieurs petits commerces dont un boulanger, en bénéficient ainsi que 30 bâtiments de santé. A Marseille, depuis le début de la campagne d’actions, 100 000 habitants ont eu leur boitier Linky ôtés, 500 foyers se sont vus rétablir le gaz.

Les raisons de la colère

Ces travailleurs qui agissent en toute illégalité courent le risque d’un renvoi de leur poste ou d’un procès. Mais ce danger ne les empêche pas d’opérer car ils sont en colère, une colère légitime.

La situation est grave : l’inflation s’accroît sur les produits de première nécessité, les tarifs de l’énergie s’envolent alors qu’ ENGIE a engrangé 3 ,7 milliards de bénéfices supplémentaires.

Le régime spécial de retraites des travailleurs de l’énergie a été supprimé avec le vote de l’article 1 du projet de loi par l’assemblée nationale sur la fin des régimes spéciaux : si la loi est effectivement votée, ce régime protecteur disparaîtra.

EDF-GDF a par ailleurs une politique d’embauche d’intérimaires qui ne cotisent pas au régime spécial de l’énergie ce qui, à terme, entraînera un déficit justifiant sa disparition.

La destruction du service public

Le Ministre communiste Marcel Paul avait créé le service public de l’énergie en 1946, et jusqu’en 1999, EDF et GDF ont joui d’un monopole d’état rendant les tarifs appliqués plus adaptés à tous les citoyens. Sous l‘injonction de la Commission Européenne, et des deux Directives du premier « Paquet Energie » en 1996 et 1998, les entreprises publiques de l’énergie ont dû s’ouvrir aux capitaux privés, ce qui a entraîné un passage à la concurrence et soumis les tarifs à la loi du marché.

Le passage aux tarifs libres s’est fait en trois étapes : grandes entreprises en 2000, petits commerces et collectivités territoriales en 2004 (loi du 1er juillet 2004), particuliers en 2007 (loi du 1er juillet 2007). La France n’a pas fait, à l’époque, preuve d’une grande résistance face la Commission européenne, alors intermédiaire des intérêts du capital.

L’envolée actuelle des prix de l’énergie qui préjudicie aux particuliers et aux petites entreprises prend sa source dans cette décision européenne et française d’ouvrir l’énergie au marché privé. Elle s’explique particulièrement aujourd’hui par des facteurs propres au fonctionnement néolibéral :

  • forte demande des entreprises après la reprise d’activité économique post- Covid ;
  • guerre en Ukraine : les fournisseurs anticipent la restriction de livraison du gaz Russe ;
  • coûts de production de CO2, car l’électricité provient souvent des centrales de gaz assujetties à cette taxe.

Les causes ci-dessus énumérées sont typiquement reliées à la loi de l’offre et de la demande : virtualité du prix, répercussion des coûts sur les tarifs imposés aux plus pauvres, concept économique opposé à l’intérêt général ; déficit de fonctionnement des centrales nucléaires entraînant une baisse de production, alors que le pouvoir veut créer de nouveaux EPR, il échoue à remettre en état les centrales nucléaires existantes. La carence d’investissements dans les installations publiques signe également un comportement néolibéral.

Le gouvernement en place fait confiance à la main invisible du marché. Au lieu de faire ruisseler l’abondance, celle-ci appauvrit les plus pauvres, enrichit les plus riches et fait courir un danger mortel à l’humain et au vivant.

Le sens de l’action des Robins des Bois

L’action des Robins des Bois date de l’ouverture d’EDF- GDF au marché en 2004. La CGT cherchait alors à gagner le soutien de la population en vue d’obtenir une opposition commune à la disparition du service public. Les blocages des transports par coupures d’électricité étaient impopulaires et décriés par les médias. En partenariat avec les associations de chômeurs de l’époque, les Robins des Bois avaient évolué vers la solidarité aux usagers et procédé à la réduction ou à la mise en gratuité des tarifs. Cette action devenue une tradition est reprise aujourd’hui !

Le pouvoir des producteurs

L’intervention directe des agents électriciens et gaziers sur leur outil de travail démontre que les producteurs ont tout pouvoir sur l’économie. Le possesseur de capitaux est impuissant devant la volonté des travailleurs d’arrêter le travail ou de le transformer. La transformation radicale de la société est entre leurs mains. La multiplication de ce type d’actions de même que la grève générale permettront d’y parvenir tôt ou tard.

L’énergie bien commun

Les usagers se trouvent dans une situation de précarité énergétique sans précédent (4,3 millions de foyers étaient en précarité énergétique en 2021 selon l’ INSEE-6).Accorder la gratuité des tarifs signifie que l’énergie est un bien commun auquel chacun a droit sans conditions de ressources.

Cela favorise l’émergence dans la conscience des travailleurs et usagers d’une philosophie de solidarité et de partage des ressources non monétisé. Si l’énergie est un bien commun, sa circulation doit alors être garantie par la République.

La désignation de l’énergie comme bien commun fait l’objet d’un consensus général même si ce terme n’est pas clairement exprimé dans le monde politique. Une mandature aussi gauchiste que celle de François Hollande n’a-t-elle pas reconnu le droit à l’énergie, pour les plus modestes dans une loi du 17 Août 2015, devenu l’article 100-1 Code de l’Energie ? (7) Le texte de cette loi a des accents d’Avenir en Commun même s’il est faiblement appliqué !

Par exemple : « La politique énergétique…2°… réduit la dépendance aux importations …4° Préserve la santé humaine et l’environnement…en garantissant la sûreté nucléaire..5° Garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès à tous les ménages à l’énergie sans coût excessif…6°Luttte contre la précarité énergétique… »

L’Avenir en Commun, ce programme qui prépare l’avènement d’une société fraternelle entre les humains et le Vivant, propose la création d’un grand Pôle public de l’Energie au service de tous. Il prévoit la gratuité des premiers kilowattheures d’électricité et mètres cubes de gaz et d’eau pour les particuliers et des tarifs progressifs bénéficiant aux petites entreprises.

Il s’agit de remettre l’énergie entre les mains d’un Etat souverain, démocratique et indépendant des fluctuations du marché mondial. L’action des Robins des Bois va dans ce sens. L’idée d’une appropriation de l’Energie par le peuple fait son chemin.

La lutte contre la réforme inique des retraites permet de mettre à jour non seulement la brutalité du néolibéralisme mais également la force de l’unité. Il souligne la nécessité d’un pouvoir partagé entre tous les citoyens en vue de l’avènement d’un bien- être commun ce que nous appelons la VIe République.

Source: https://linsoumission.fr/2023/03/22/robins-des-bois-energie-autre-monde/?fbclid=IwAR2kWWF0fbRgQTxvuWymjg59LKfCYAcPVje60K5E9adtKZPYfDTKyJkz164

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