Les tensions militaires et politiques s’intensifient au sujet de la visite prévue de Pelosi à Taïwan. ( WSWS – 02/08/22 )

La présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi (au centre), pose avec des pilotes de l’US Air Force sur la base aérienne d’Al Udeid, au Qatar, le 21  octobre 2019.

La menace provocatrice et persistante d’une visite, à bord d’un avion militaire, de la présidente de la Chambre Nancy Pelosi à Taïwan, que la Chine considère comme faisant partie de son territoire, ont attisé des tensions internationales déjà aiguës et suscité une crise politique et militaire à Washington.

Pelosi, qui s’est déjà lancée dans sa mission en Asie orientale avec une délégation de six personnes composée de dirigeants démocrates du Congrès, a délibérément refusé d’exclure d’atterrir à Taïwan, malgré les avertissements de Pékin que tout voyage de ce type provoquerait une résistance.

Que la visite de Pelosi ait lieu ou non, elle a déjà servi à rapprocher la confrontation des États-Unis avec la Chine, que Washington a désignée comme une menace pour son hégémonie en Asie-Pacifique et dans le monde, d’une guerre nucléaire potentiellement désastreuse.

Une déclaration officielle de Pelosi, faite dimanche après une escale à Hawaï, indique des discussions au sommet avec les chefs militaires du Commandement américain de la région indo-pacifique au sujet d’un vol vers Taïwan accompagné d’avions de chasse américains.

Pelosi a déclaré que sa mission serait axée sur «la sécurité mutuelle, le partenariat économique et la gouvernance démocratique» et qu’elle se rendrait à Singapour, en Malaisie, en Corée du Sud et au Japon. Aucune mention de Taïwan n’a été faite, conformément au secret qui entoure le voyage.

«Après une escale de ravitaillement à Hawaï, nous avons eu l’honneur d’assister à un briefing du leadership de l’USINDOPACOM, et d’une visite au mémorial de Pearl Harbor», poursuit-elle. Le Commandement indo-pacifique serait directement impliqué dans toute opération d’escorte de la délégation de Pelosi vers et depuis Taïwan.

Pelosi a refusé toute information publique sur le calendrier de son itinéraire, affirmant que cela constituerait une menace pour sa sécurité – insinuant que la Chine la mettrait en danger. Aujourd’hui, elle se trouve à Singapour où elle est arrivée hier, selon les médias locaux.

Le Wall Street Journal, qui fait pression pour que ce voyage ait lieu, a écrit durant le week-end: «Des préparatifs logistiques étaient en cours pour une escale à Taïwan au cas où la décision de s’y rendre serait finalisée, ont déclaré des personnes au fait de la question».

Pour provoquer encore plus la Chine, le porte-avions américain à propulsion et armes nucléaires, l’USS Ronald Reagan et son groupe d’attaque, dont un destroyer et un croiseur à missiles guidés, se trouvent actuellement en mer de Chine méridionale, à distance de frappe de Taïwan.

En raison du danger évident d’un affrontement militaire, aux conséquences inconnues, des divisions ont manifestement éclaté au sein du gouvernement Biden et du Pentagone au sujet de l’envoi de Pelosi à Taïwan.

Cette crise est probablement exacerbée par le fait que le président américain Joe Biden, âgé de 79  ans, a été victime d’une deuxième infection au COVID en l’espace de quelques jours, après avoir tenté de faire passer la première maladie pour bénigne.

Mercredi dernier, Biden a déclaré aux journalistes qu’il pensait que l’armée américaine estimait qu’une visite de Pelosi à Taïwan n’était «pas une bonne idée pour le moment». En même temps, la Maison-Blanche a insisté pour dire qu’elle n’avait aucune compétence sur la décision de Pelosi de se rendre à Taïwan, même dans un avion militaire.

Le Pentagone a fait des préparatifs pour que ce vol ait lieu. Le chef d’état-major des armées, le général Mark Milley, a déclaré la semaine dernière que l’armée américaine étaient prête à «faire ce qui est nécessaire pour assurer le bon déroulement de sa visite en toute sécurité».

Les dangers d’un affrontement militaire ont été mis en évidence lorsque le gouvernement chinois a annoncé jeudi dernier sur les médias d’État qu’il organisait des exercices militaires à balles réelles dans le détroit de Taïwan, à environ 120  kilomètres de la côte taïwanaise. Des images vidéo de ces exercices ont ensuite été diffusées sur le principal réseau de télévision chinois, CCTV. Dans sa partie la plus étroite, le détroit de Taiwan ne fait que 130  kilomètres de large.

L’annonce des manœuvres précise qu’elles se dérouleront sur une période de 13  heures dimanche, heure locale, auront une portée limitée et auront lieu au large de l’île de Pingtan, dans la province du Fujian. Elle dit encore que toute pénétration dans les eaux du détroit de Taiwan, entre Taiwan et le continent, serait interdite.

La Sécurité maritime chinoise a déclaré que ses garde-côtes organiseraient également un exercice en mer de Chine méridionale, au large de la province de Guangzhou, lundi. Les médias d’État ont en outre diffusé les images d’un destroyer chinois faisant feu en mer de Chine méridionale, où naviguerait aussi le groupe de porte-avions de l’USS Ronald Reagan.

Pour aggraver les tensions, le gouvernement taïwanais a procédé à des exercices de défense à grande échelle, notamment des exercices de raid aérien dans les grandes villes qui ont contraint des millions d’habitants à s’abriter au son des sirènes.

L’armée de l’île a simulé une attaque contre la base navale de Su’ao, un important port militaire situé dans le nord-est de Taïwan. Des jets Mirage  2000 et F-16 ont décollé pour intercepter des avions de guerre venant de l’est, des hélicoptères ont défié des sous-marins, et des destroyers à missiles guidés ont tiré au canon, lancé des missiles et des torpilles.

Mardi dernier, la présidente de Taiwan, Tsai Ing-wen, a personnellement inspecté les exercices militaires à balles réelles. Ceux-ci avaient démontré «la capacité et la détermination de nos militaires à défendre notre pays», a déclaré Tsai aux troupes ensuite. Le gouvernement de la ville de Taipei a déclaré que l’objectif des exercices de raid aérien était d’apprendre au public l’emplacement des abris anti-bombes «en cas de guerre».

Malgré les dangers évidents, y compris pour Pelosi elle-même, âgée de 82  ans, des dirigeants du Congrès et de l’appareil de sécurité l’ont exhortée à se rendre sur place, déclarant qu’on ne pouvait pas permettre à Pékin de «dicter» les termes de l’engagement des États-Unis envers Taïwan.

Le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a déclaré mardi, «si elle ne part pas maintenant, elle offre à la Chine une sorte de victoire». Le chef de la minorité de la Chambre des députés, Kevin McCarthy, a ajouté qu’il souhaitait diriger une délégation du Congrès sur place s’il était élu président de la Chambre.

On bat le tambour de la guerre dans les deux partis. Le président démocrate de la Commission des services armés de la Chambre, Adam Smith, a déclaré: «Je ne pense pas que nous devrions laisser la Chine nous dicter une telle chose».

Dans le New York Times, les spécialistes de la sécurité Bonnie Glaser et Zack Cooper jette un peu de lumière sur la crise qui secoue la Maison-Blanche. Ils mettent en garde contre le déclenchement d’une guerre potentielle. «Une seule étincelle pourrait transformer cette situation explosive en une crise qui dégénérerait en conflit militaire. La visite de Nancy Pelosi à Taiwan pourrait la fournir», ont-ils déclaré.

Lors d’un appel téléphonique avec Biden la semaine dernière, le président chinois Xi Jinping s’est catégoriquement opposé à une visite de Pelosi, deuxième dans l’ordre de succession à la présidence américaine, sur l’île. Cette visite constituerait une violation manifeste de la politique d’une seule Chine, en vertu de laquelle depuis 1979 les États-Unis ne reconnaissent pas Taïwan comme pays.

L’éditorial dimanche du China Daily, publication officielle du gouvernement, lance lui aussi un avertissement: «La visite proposée par la présidente de la Chambre Nancy Pelosi sur l’île, si elle se concrétise, constituera une grave violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Chine et ébranlera sérieusement les fondements politiques des relations sino-américaines».

Mais l’affaire Pelosi n’est pas un développement isolé. Les administrations américaines successives, d’Obama à Biden en passant par Trump, ont de plus en plus éviscéré la politique d’une seule Chine, en envoyant notamment des troupes, une aide militaire et des délégations à Taïwan.

Le groupe d’attaque Ronald Reagan se dirige actuellement vers la mer de Chine méridionale, tout en effectuant, selon le commandant Hayley Sims, officier des affaires publiques de la 7e  flotte américaine basée au Japon, des «exercices de frappe maritime», soi-disant dans le cadre d’une «patrouille de routine».

Ceci est loin d’être de la routine. Le secrétaire d’État à la marine Carlos Del Toro était à bord du porte-avions, d’où il a diffusé une déclaration accusant des pays non nommés de «dénaturer» les opérations maritimes américaines, dans le but de «revendiquer les ressources des autres».

La réalité c’est que Washington est l’agresseur, et qu’il poursuit depuis trois décennies des guerres sans fin pour affirmer sa domination mondiale. Tout comme ils ont poussé la Russie à une invasion catastrophique de l’Ukraine en élargissant l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie et en renforçant l’armée ukrainienne, les États-Unis transforment à présent Taïwan en rampe de lancement pour une guerre avec la Chine.

En plus de viser la Chine, considéré comme la principale menace pour la puissance américaine, le gouvernement Biden répond à une crise sociale, économique et politique qui s’aggrave à l’intérieur. Il utilise la guerre comme moyen de détourner les luttes croissantes de la classe ouvrière, en ciblant un prétendu ennemi étranger.

(Article paru d’abord en anglais le 1er août 2022)

Auteur : Mike Head

Source : Les tensions militaires et politiques s’intensifient au sujet de la visite prévue de Pelosi à Taïwan – World Socialist Web Site (wsws.org)

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