Les troubles en Iran donnent lieu à une explosion de fausses nouvelles. ( Investig’Action – 27/02/23 )

La vérité devrait se suffire à elle-même. Pourtant, de nombreux médias, influenceurs, vedettes et même responsables occidentaux ont colporté des accusations aussi incendiaires que mensongères sur les manifestations en Iran, comme le démontrent Setareh Sadeqi et Christophe Weaver. Si l’Iran fait l’objet d’une telle campagne de propagande, c’est parce que les puissances occidentales aspirent à instrumentaliser les mouvements de protestation pour obtenir un changement de régime favorable à leurs intérêts. En Occident, c’est à leurs propres dirigeants que les citoyens doivent demander des comptes et la solidarité avec le peuple iranien doit se manifester dans la lutte contre l’impérialisme occidental. Car nulle part où cet impérialisme a prétendu défendre la démocratie, les peuples y ont trouvé leur compte : Chili, Congo, Somalie, Haïti, Afghanistan, Libye… La liste est longue. Le résultat, cauchemardesque, est toujours le même. (IGA)


Il est de notoriété publique que les manifestations en Iran en réaction à la mort d’une femme en garde à vue en septembre 2022 ont suscité une levée de boucliers internationale sans précédent contre le gouvernement iranien, non seulement de la part des pourfendeurs occidentaux habituels, et notamment les Israéliens et les Saoudiens, mais aussi de la part d’influenceurs vedettes des réseaux sociaux non connus jusque-là pour s’exprimer sur les affaires iraniennes.

L’Iran est désormais la cible d’une guerre de l’information soigneusement coordonnée, dont l’objectif unique est de susciter un soutien international en faveur d’un changement de régime par tous les moyens – que ce soit par des sanctions, une insurrection armée, une intervention militaire ou une combinaison des trois.

Devant un public largement dépourvu d’esprit critique, composé de milliards de followers Instagram admiratifs qui ne parlent pas le farsi et n’ont que peu ou pas de compréhension de la politique ou de la culture iranienne, une collection d’acteurs hollywoodiens, de rockeurs sur le retour et de top-modèles ont inondé la toile d’interventions devenues virales décrivant des abus épouvantables infligés à des manifestants par les forces de sécurité iraniennes, y compris des démolitions de maisons en représailles, et des massacres purs et simples.

Alors que les médias occidentaux, de la BBC au New York Post, ont diffusé une série de reportages accusant l’Iran d’avoir assassiné plus de manifestants qu’il n’y a eu de civils tués par la Russie en Ukraine, les experts des think-tanks et les dirigeants des gouvernements de l’OTAN ont affirmé que Téhéran avait condamné à mort 15000 personnes seulement accusées d’avoir participé à des manifestations anti-gouvernement.

Ces histoires horrifiantes semblent certainement légitimer les appels au changement de régime, mais il y a un problème : ce ne sont que des histoires.

En effet, certaines des accusations les plus incendiaires lancées contre le gouvernement iranien par des médias traditionnels, des célébrités et des dirigeants occidentaux au cours des derniers mois sont de pures inventions, tandis que d’autres manquent de recul critique, d’où une moindre force de frappe. Or, comme nous allons le voir, peu de ces faux reportages et de ces messages trompeurs sur les réseaux sociaux ont été corrigés par des vérificateurs officiels des faits et rares, voire inexistants, sont ceux qui ont fait l’objet d’une rétractation.

Les exemples de désinformation visant un changement de régime passés en revue ci-dessous ne représentent qu’un simple instantané de la guerre de propagande lancée contre l’Iran depuis que des manifestations et de violentes émeutes anti-gouvernement ont éclaté en septembre 2022. Pris dans leur ensemble, ces éléments sont toutefois représentatifs du refus quasi-total des sociétés médiatiques et des vérificateurs de faits sur les médias sociaux d’appliquer les normes d’intégrité les plus élémentaires lorsqu’il est question du gouvernement iranien.

BBC Persian accuse l’Iran d’avoir fait plus de morts que la Russie en Ukraine

BBC Persian titre : « La répression en Iran a fait autant de morts que la guerre en Ukraine ».

Le 18 novembre, BBC Persian a publié une image sur Instagram et Facebook montrant une foule d’Iraniens en train d’applaudir alors qu’un véhicule était incendié. « La répression sanglante contre les manifestations a fait autant de morts que la guerre en Ukraine », a titré BBC Persian.

Il s’agissait, au mieux, d’une faute professionnelle du point de vue journalistique, puisque le titre hyperbolique en question n’était expliqué que dans le troisième paragraphe de l’article de la BBC, par un renvoi à deux plages de dates complètement distinctes et choisies arbitrairement, pour l’Iran comme pour l’Ukraine. La BBC précise en effet plus loin : « Comme le rapportent des organisations de défense des droits de l’homme, entre le 22 septembre et le 17 octobre, 224 manifestants sont morts en Iran et entre le 1er septembre et le 25 septembre, 216 citoyens ukrainiens sont morts en Ukraine. » Les « organisations de défense des droits de l’homme » qui ont fourni ces statistiques fumeuses n’étaient pas identifiées, mais il est clair que les plages de dates n’ont pas été choisies au hasard.

Selon cette même logique tortueuse, la BBC aurait pu affirmer que « plus de manifestants ont été tués aujourd’hui en Iran qu’au cours de la Première Guerre mondiale », en ajoutant plus loin une discrète clarification consistant en un obscur renvoi par astérisque à une note de bas de page visant à expliquer que le seul jour pris en compte est celui de la trêve de Noël 1914.

L’Iran, un pionnier de la technologie du voyage dans le temps

CNN a annoncé à tort que la maison familiale d’une grimpeuse iranienne, Elnaz Rekabi, avait été démolie en guise de punition pour avoir participé sans hijab à une compétition en Corée du Sud le 15 octobre 2022.

Elnaz Rekabi, membre de l’équipe nationale iranienne, a pris la parole après la compétition sud-coréenne. Elle a expliqué que le fait de ne pas avoir porté le foulard était involontaire – imputable à une compétition précipitée – et ne constituait pas un signe de revendication politique. Des sites Internet anglophones ont commencé à publier des articles dans lesquels on prétendait qu’elle avait été enlevée et que la maison de sa famille avait été détruite par le « régime », en représailles. La BBC, The GuardianLe Monde et d’autres médias ont affirmé qu’elle avait disparu, tout en s’inquiétant de l’endroit où elle se trouvait. Cette vague de désinformation a incité l’ambassade d’Iran à intervenir sur Twitter pour rétablir les faits. Elnaz Rekabi a ensuite annoncé sur Instagram qu’elle allait tout à fait bien et qu’elle était sur le chemin du retour.

Le New York Post a publié ce qui pourrait être la plus embarrassante des fausses nouvelles sur la disparition supposée d’Elnaz Rekabi. Le tabloïd appartenant à Murdoch s’est fondé sur les tweets de la journaliste Rana Rahimpour, de BBC Persian, censée être bien renseignée, pour produire son article, désormais discrédité. Et il semble que le New York Post n’ait pas remarqué que Rana Rahimpour a supprimé tous les tweets relayés dans cet article. Alors que Rana Rahimpour prétendait que des « représentants officiels de l’État iranien » avaient poussé Elnaz Rekabi à fuir incognito, en réalité cette dernière avait volontairement embarqué sur un vol avec des entraîneurs de son équipe nationale pour rentrer chez elle.

Quant à la destruction de la maison familiale tant chérie par elle, les médias locaux iraniens ont affirmé que le bâtiment de 30 mètres carrés faisait partie d’une structure de 120 mètres carrés construite illégalement sur un terrain destiné à d’autres usages et appartenant au frère d’Elnaz Rekabi, et qu’il ne s’agissait donc pas d’une maison familiale.

Exactement un an avant la compétition, le 18 octobre 2021, celui-ci a commencé à recevoir des avis de violation de zonage de la part du groupe de travail agricole de la province de Zanjan. Le 25 mai, le chef de la justice de la province de Zanjan a annoncé que le défendeur « avait fait abstraction de 90 mètres carrés visés par un « changement de destination » de l’immeuble » sans autorisation et que 30 mètres carrés restaient non autorisés. « Le problème de non-conformité n’ayant pas été réglé, le bâtiment a été démoli le 11 juin – soit quatre mois avant l’incident du voile.

Les images de la démolition montrent de l’herbe verte et un feuillage éclatant sur les arbres autour de la maison, ce qui indique que le tout s’est déroulé en juin, et non en novembre alors que les températures sont souvent sous zéro et que les feuilles sont tombées. Il est évident que le frère d’Elnaz Rekabi en a été traumatisé, mais c’était sans rapport avec l’absence du hijab de sa sœur pendant la compétition, ni avec quelque autre événement ultérieur.

Si la version des faits présentée par CNN avait une once de vérité, on ne voit pas pourquoi cette chaîne n’a pas parlé de la faculté du gouvernement iranien de voyager dans le temps.

15 000 manifestants condamnés à mort? Trudeau et des célébrités hollywoodiennes dénoncent l’Iran sur la base d’une histoire bidon

Aux côtés de Viola Davis, d’Elijah Wood et de Sophie Turner, spécialistes de l’Iran par excellence, ainsi que de Peter Frampton, pionnier de la « talk-box », le Premier ministre canadien et représentant du Forum économique mondial à Ottawa, Justin Trudeau, a publié un billet sur les médias sociaux selon lequel l’Iran « condamne à mort 15000 manifestants pour donner une dure leçon à tous les rebelles ».

Un article de Newsweek où l’on prétendait que l’Iran avait condamné à mort 15000 personnes pour avoir participé à des manifestations a immédiatement fait le tour des médias sociaux. Pourtant, cette affirmation a été démentie, même par des « vérificateurs de faits » officiels normalement hostiles au gouvernement iranien. Il s’agit notamment de la BBC, du Guardian et du Time. Alors que d’autres célébrités ont supprimé leurs messages impromptus sur les affaires iraniennes, le tweet d’Elijah Wood exprimant son horreur face au chiffre illusoire de 15000 manifestants est encore là, approuvé par plus de 6000 utilisateurs.

L’origine de cette accumulation de désinformation était une demande officielle du parlement iranien appelant à des mesures plus sévères, contre les émeutiers violents exclusivement. Elle se lit comme suit : « 227 [sur 290] députés ont demandé au pouvoir judiciaire de répondre fermement aux provocateurs des récentes émeutes… Nous, les représentants de cette nation, demandons à tous les responsables du pays, y compris à la branche judiciaire, de s’occuper dès que possible des « muharibs » qui, à l’instar de l’État islamique, ont utilisé toutes sortes d’armes pour attaquer les gens et s’en prendre à leurs biens, ce qui donnerait en même temps une leçon au reste de la population conformément à la loi [….], pour montrer à tous que les élus de notre pays ne transigent pas sur les principes et sont intraitables lorsqu’il s’agit de la vie, des biens, de la sécurité et de l’honneur de notre cher peuple »

Muharib, un terme spécifiquement utilisé pour définir une infraction pénale, que l’on peut approximativement traduire par « violence armée », ne vise pas les manifestants; il désigne, pour être précis, les personnes portant des armes et se livrant à une activité violente. Selon les dispositions légales, les muharibs doivent être exécutés ou expulsés.

La demande, essentiellement symbolique, adressée par le Parlement iranien au pouvoir judiciaire ne visait pas les manifestants, pas plus que la loi en vigueur visant à sanctionner la « violence armée » ne prévoyait d’exécution. En réponse à cette demande, un membre du pouvoir judiciaire iranien a réagi avec irritation en déclarant : « Vous devriez me demander d’appliquer la loi, et non me dicter les nuances de ce qu’il faut faire ou ne pas faire ».

D’où vient donc l’affirmation complètement farfelue selon laquelle 15000 Iraniens auraient été condamnés à mort du seul fait d’avoir protesté contre leur gouvernement?

Omid Memarian, un émigré iranien employé par l’organisation Dawn MENA fondée au nom de feu Jamal Khashoggi (qui était lié à la CIA), a été le premier à tweeter au sujet des 15000  victimes inexistantes.

Son tweet a été rapidement suivi d’un autre de Karim Sadjadpour, qui a affirmé sans la moindre preuve que l’Iran avait emprisonné 15000 manifestants. Karim Sadjadpour est un activiste anti-gouvernement iranien basé à Beltway et employé par la fondation Carnegie, financée par les États membres de l’OTAN.

Malgré le fait qu’Omid Memarian et Karim Sadjadpour résident bien loin de l’Iran et dépendent entièrement d’institutions impériales américaines d’élite pour leur subsistance, Reader Supported News a prétendu qu’ils étaient « des personnalités éminentes en Iran, appelant les gouvernements étrangers à réagir. »

La petite fille qui est morte trois fois

Le 28 septembre, l’auteur pour enfants milliardaire faisant dans la fantasy J.K. Rowling a retweeté un message qui avait la teneur suivante : « Déchirant… Un père iranien qui avait promis de vivre assez longtemps pour danser au mariage de sa fille finit par danser à ses funérailles, celle-ci ayant été tuée par la police des mœurs iranienne pour ne pas avoir couvert ses cheveux. « Le tweet, qui est devenu viral, était accompagné d’un clip vidéo de la série dramatique azerbaïdjanaise Ata Ocagi (foyer du père) de 2018.

Cette même scène a été utilisée pour jouer sur les cordes sensibles par des argumentaires visant à faire accepter les restrictions dues au Covid et à instiguer un changement de régime en Syrie.

Imaginez être tué par le « régime » syrien, puis succomber au Covid avant d’être cruellement abattu par les services de sécurité de l’Ayatollah. Il est arrivé à peu de gens, ou disons personne, de mourir dans des conditions aussi horribles et multiples aux mains d’autant d’ennemis officiels et dans un monde viral aussi menaçant. Ce record de réincarnations ne pourrait être battu autrement que si la fausse morte ressuscite pour juste être éliminée une quatrième fois dans une opération de l’OTAN dirigée par Voldemort.

« La fille du père qui lui avait promis qu’il danserait à son mariage est morte de Covid-19; il a donc dansé à ses funérailles… une scène si tragique que même les pierres et les arbres ont pleuré. »

L’interdiction des noms kurdes selon les élucubrations d’un expert de l’ONU en Iran

Lors d’une conférence de presse tenue en novembre 2022 aux Nations unies, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, Javaid Rehman, a affirmé à tort que l’Iran interdit l’enregistrement des noms kurdes.

En réalité, le registre officiel des noms en ligne du gouvernement iranien montre qu’au moins 5686 personnes ont enregistré leur enfant sous le nom de Zhina, soit le nom kurde de Mahsa Amini. Javaid Rehman a déclaré :

« Au sujet du Kurdistan et du débat autour du Kurdistan, comme vous le savez, le peuple kurde – c’est un fait historique de même qu’une réalité d’aujourd’hui – a été privé de ses droits humains fondamentaux. Je ne vous donnerai qu’un exemple : Zhina est un nom kurde, mais il n’a pas été permis d’inscrire ce nom dans le registre national parce que l’État ne reconnaît pas l’identité kurde ni n’accepte l’expression kurde sous quelque forme que ce soit. »

Ci-dessous, une capture d’écran du répertoire du bureau d’enregistrement officiel des noms en Iran montrant qu’au moins 5686 personnes ont été appelées Zhina, et que c’est toujours un nom valide.

La raison pour laquelle les Nations unies considèrent toujours qu’un nom comme Javaid Rehman est synonyme d’expertise en ce qui concerne les affaires intérieures de l’Iran reste un mystère.

L’ancien footballeur Ali Karimi inscrit un triplé de mensonges éhontés

Une ancienne star du football iranien comptant 14,4 millions d’abonnés à son compte Instagram nommé Ali Karimi a eu une influence particulière dans le contexte des troubles actuels dans son pays natal. Il a également contribué à trois mensonges largement répercutés. Malgré son manque de crédibilité, ce monsieur, qui a des airs de Scrooge, a été chaleureusement reçu par le président allemand cette semaine, un geste visant à renforcer le soutien à l’insurrection.

Ali Karimi a affirmé que la photo ci-dessous montre un manifestant iranien abattu par une mitrailleuse lourde DShK. La Dushka, ou DShK 1938, tire des balles de 12,7 × 108 millimètres (soit près de dix pour cent de plus que les balles de calibre .50). Elles sont si dévastatrices que leur onde de choc peut causer des atteintes neurologiques mortelles.

À gauche : la photo réelle d’un homme blessé dans un accident de moto; à droite : le message d’Ali Karimi où il prétend que l’homme a été touché par une mitrailleuse DshK maniée par les services de sécurité iraniens.

Le détournement de cette image par Ali Karimi a été immédiatement dénoncé par l’un de ses propres fans (voir le texte ci-dessus entouré en rouge). « J’aimais et j’aime toujours Ali Karimi, a déclaré ce fan, mais pour être honnête, c’est une photo de mon ami d’un village proche du mien après qu’il a eu un accident de moto il y a quelques mois ». Le fan a ensuite affiché la photo reproduite ci-dessus à droite avec le commentaire : « Voici la photo complète venant de mon propre téléphone ».

L’homme sur la photo s’avère être Ali Hamidvand, un habitant du village de Varineh, dans la province de Hamedan. Sa jambe a été amputée après un accident de moto qui remonte au 13 juillet 2022. Dans une interview de décembre 2022, un Hamidvand indigné a demandé au pouvoir judiciaire de prendre des mesures contre Ali Karimi, l’accusant d’avoir exploité cette photo pour alimenter sa campagne cynique en faveur d’un changement de régime. Ali Hamidvand a déclaré qu’Ali Karimi l’avait déshonoré, lui et sa famille, en leur faisant vivre un calvaire traumatisant.

Autre falsification, Ali Karimi a pris des photos d’un bombardement à Kaboul, en Afghanistan, en 2016 et a cherché à faire croire qu’il s’agissait d’un massacre commandité par l’État iranien dans la ville kurde de Javanrood, en Iran.

Autre cas de tromperie flagrante, Ali Karimi a récupéré une photo de la collecte de fonds pour les fêtes de fin d’année 2012 d’une organisation caritative pakistanaise montrant une jeune fille désemparée berçant son petit frère sur ses genoux au milieu d’une vague de chaleur torride afin de s’en servir pour faire passer les protagonistes pour des enfants baloutches maltraités par les forces de sécurité iraniennes. Il a écrit : « Les droits de ces personnes ont toujours été violés tout au long de leur vie. Ils ne méritaient pas de recevoir des balles. #MyIran #Sistan_Baluchestan ».

Une personne morte inexistante s’avère être une rappeuse iranienne vivante

Une personne nommée Nadia Arefani a été présentée comme une victime de la violence meurtrière des forces de sécurité iraniennes. Cependant, les images d’Arefani qui circulent sur les médias sociaux sont celles d’une rappeuse iranienne pas très célèbre, mais toujours bien vivante, connue sous le nom de Niloufar. Et Arefani elle-même n’existe peut-être même pas du tout.

La photo de Niloufar a d’abord été partagée par un utilisateur de Twitter qui encourageait les Iraniens à prendre les armes contre leur gouvernement, présentant l’insurrection violente comme la voie vers la liberté et l’indépendance. Affirmant que c’était le portrait d’une personne nommée Nadia Arefani, l’utilisateur de Twitter a déclaré que celle-ci avait été tuée par la police iranienne. Cette affirmation a ensuite été reprise sur le compte Twitter du Comité des femmes du CNRI, affiliée à la secte MEK soutenue par les Saoudiens et les Israéliens, qui se consacre ouvertement à fomenter un changement de régime en Iran. De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont rapidement signalé que la personne faisant l’objet du message était une musicienne de rap iranienne du nom de Niloufar.

Bryan Adams ment sur l’arrestation d’un chanteur iranien

Bryan Adams, l’artiste pop-rock actif surtout dans les années 1980 et qui a connu des jours meilleurs, a affirmé que son prétendu ami, le chanteur iranien Sirvan Khosravi, « avait été arrêté en Iran pour avoir soutenu le mouvement des droits des femmes en dénonçant le meurtre de Mahsa Amini et pour s’être insurgé contre la règle selon laquelle les femmes ne sont pas libres de porter le hijab comme elles le veulent. »

Le tweet de Bryan Adams a généré près de 9000 mentions J’aime, même si l’artiste avait tagué le mauvais compte, celui d’un quidam fort de 31 abonnés, ce qui suggère qu’il ne connaissait pas aussi bien Sirvan Khosravi que ce qu’il avait laissé entendre.

Le tweet de Bryan Adams a incité Sirvan Khosravi à mettre les pendules à l’heure sur son compte Instagram. Il a fait savoir que lui et son frère Zaniar n’avaient jamais été détenus par les services de sécurité iraniens, ni emprisonnés : « Zaniar et moi ne sommes pas détenus, ne vous inquiétez pas. Notre plus grande richesse est votre soutien et votre amour. Soyez assurés que nous resterons à vos côtés, quelles que soient les circonstances. »

Des rassemblements arrangés dénoncés par une conseillère de l’OTAN

Barbara Slavin, ancienne directrice de l’« Initiative pour l’avenir de l’Iran » auprès de l’OTAN et du Conseil atlantique soutenu par l’Arabie saoudite, a déclaré que les rassemblements de masse pro-gouvernement organisés d’un bout à l’autre de l’Iran n’étaient en fait que des « foules à louer » composées de personnes désespérées « à qui l’on promettait un repas gratuit pour scander des slogans éculés ».

L’idée que les chiffres relatifs aux rassemblements pro-gouvernement sont gonflés par la distribution de boissons ou d’en-cas gratuits distribués par le gouvernement est un trope répété à satiété dans les médias traditionnels depuis la révolution iranienne de 1979. Ce qui n’est jamais mentionné, cependant, c’est que lors de grands rassemblements publics, il est courant que des individus offrent des boissons et de la nourriture pour faire preuve d’hospitalité et de piété religieuse. De plus, dans un système théocratique comme celui de l’Iran, le gouvernement représente une institution religieuse, ce qui n’est pas si différent d’une église offrant gratuitement café et beignets. Est-ce que des millions d’Américains vont à l’église chaque semaine juste pour les rafraîchissements gratuits?

Un événement qui pourrait être le moins médiatisé au monde est celui du pèlerinage d’Arbaeen au cours duquel plus de 25 millions de personnes marchent pendant plusieurs jours, sur plus de 80  kilomètres, de Nadjaf à Karbala. Tout au long du parcours, ils se font offrir de la nourriture, des boissons et des logements gratuits, fournis « à l’envi » par des citoyens iraniens principalement. Tout cela se déroule dans le contexte de la même tradition culturelle que les médias occidentaux interprètent à tort comme des manifestations de masse visant à délégitimer le gouvernement iranien.

En revanche, il n’existe aucune preuve photographique de la distribution de nourriture lors de récents rassemblements de masse pro-gouvernement en Iran – pas un camion de nourriture en vue. Un rassemblement de 100000 personnes nécessiterait environ 11 tonnes de nourriture (à raison de 100 grammes par portion), ce qui fait que des images de telles distributions de nourriture ne pourraient pas passer inaperçues. Pourtant, l’accusation gratuite de Barbara Slavin n’était appuyée par aucune preuve visuelle et elle n’a pas non plus expliqué comment la nourriture gratuite aurait suffi à motiver les Iraniens à descendre dans la rue pour leur gouvernement au milieu de tempêtes de neige glaçantes.

Euronews fait état de tirs sur des manifestants aux quatre coins de l’Iran, mais ne fournit aucune preuve

Le site d’Euronews Persian a publié une série de photos hétéroclites censées montrer que les forces de sécurité iraniennes avaient ouvert le feu sur des manifestants dans tout le pays.

Selon Euronews, « des nouvelles qui circulent sur les médias sociaux » indiquent que des manifestations ont eu lieu à Téhéran et dans d’autres villes, notamment Ispahan, Arak et Sanandaj. La station affirme plus loin sur son site que « d’autres utilisateurs ont également fait état de fusillades autour de la place Azadi, ainsi qu’à Ispahan et dans des villes de l’ouest du pays. »

Comme on le voit ci-dessous, le reportage d’Euronews contenait des mises en garde révélatrices signalant que « le contenu reposait sur des informations publiées sur les réseaux sociaux », qu’« Euronews ne peut vérifier l’authenticité de ces informations » et qu’« on avançait » que des affrontements avaient eu lieu.

Bien qu’Euronews ne dispose d’aucune preuve pour étayer ses affirmations incendiaires, la rédaction a décidé de diffuser ces ouï-dire, sans plus de scrupules. Car dans une culture médiatique occidentale obsessionnellement focalisée sur un changement de régime, les informations importent moins que le narratif.

Source originale: The Grayzone

Traduit de l’anglais par J. Wallengren pour Investig’Action

Auteur : SETAREH SADEQI / CHRISTOPHER WEAVER

Source : Les troubles en Iran donnent lieu à une explosion de fausses nouvelles | Investig’Action (investigaction.net)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *