« Leurs chiffres sont faux ! » : la CGT Total réagit aux mensonges de la direction de l’entreprise. ( Révolution Permanente – 10/10/22 )

Crédits photo : Reuters

Ce matin, BFM TV recevait le directeur raffinage Europe de Total sur la grève en cours. L’occasion pour lui de s’en prendre aux grévistes et de répandre des fake news. Benjamin Tange, délégué syndical central CGT Total lui a répondu sur Révolution Permanente.

Suite à l’intervention d’un haut responsable de Total sur BFM TV ce matin, nous avons interviewé Benjamin Tange, délégué syndical central CGT, pour avoir ses impressions sur la séquence.

Révolution Permanente : premièrement, dans la présentation du sujet, BFM TV met l’accent sur les automobilistes tout en invitant un membre de la direction de Total. Qu’est-ce que tu penses du traitement médiatique réservé à la mobilisation ?

Benjamin Tange, CGT Total : On voit clairement que BFM cherche à retourner l’opinion publique contre les grévistes. Ils ne font qu’interroger des automobilistes, dont on comprend l’agacement et dont on partage les difficultés qui nous touchent aussi ainsi que nos proches, sans parler de nos revendications. Nous ne sommes ni sourds ni aveugles face aux difficultés que beaucoup de français rencontrent. Mais, aujourd’hui, la seule responsabilité des pénuries revient à la direction de TotalÉnergies.

De fait, Jean-Marc Durand est le directeur du raffinage Europe en pétrochimie chez TotalEnergies et c’est un dirigeant qu’on a l’habitude d’avoir autour de la table des négociations, avec ses provocations et sa rigidité face aux demandes des salariés. Il a également dirigé la raffinerie de Grandpuits et a œuvré à la casse industrielle du site.

Révolution Permanente : Dans l’interview, il revient sur le fait que la direction voudrait négocier pour arrêter « ce qui empoisonne la vie des Français », évoquant ainsi les grèves. Qu’en est-il de l’état des négociations et de la volonté de négocier pour la direction de Total ?

Benjamin Tange : Sur le contenu de son intervention, on a l’habitude des promesses non tenues et les salariés grévistes n’ont plus confiance en elles non plus. En plus de cela, depuis le mois de juin, l’ensemble des organisations syndicales ont interpellées, à plusieurs reprises et sous différentes formes, la direction pour rouvrir les négociations par rapport à l’inflation. Il y a déjà eu des journées de mobilisation où la direction aurait très bien pu commencer à négocier. Mais son obstination a engendré cette situation.

Maintenant, elle tente de renvoyer la responsabilité sur les grévistes et la CGT alors que son comportement a été irresponsable. La direction doit immédiatement ouvrir des négociations sans faire de chantage sur la levée de la grève, surtout qu’elle a les moyens de répondre aux revendications.

Pendant des mois, Total s’est gavé sur le dos des Français grâce à des prix à la pompe très haut ce qui leur a permis d’augmenter la pompe à dividendes en versant 2,6 milliards supplémentaires aux actionnaires. Mais ils ne seraient pas capables de répondre aux revendications des grévistes ?

Révolution Permanente : Pour revenir sur les revendications et la question des salaires, Jean-Marc Durand a affirmé que le salaire moyen pour un opérateur était de 5000€. Peux-tu préciser ce qui en est réellement question aujourd’hui ?

BT : Sur les revendications, les grévistes posent la question des revalorisations salariales pour répondre à l’inflation mais aussi en lien avec les résultats de la compagnie. Le problème dans ce groupe, c’est le manque de répartition de la richesse créée par les salariés.

Quant aux chiffres sur les salaires, ils sont faux ! C’est la provocation ultime qui augmente encore la détermination des grévistes et rajoute de l’huile sur le feu. Dans la pétrochimie, on a des métiers à très haute valeur ajoutée, avec des conditions de travail difficiles et une exposition prolongée à des produits chimiques dangereux. On a par ailleurs des rémunérations qui sont le fruit de nombreuses luttes. Il faut prendre en compte l’intégralité de ces dimensions.

Mais de là à dire qu’un opérateur touche 5000 € en moyenne c’est totalement erroné. Pour donner un exemple, un opérateur entre 15 et 20 ans d’ancienneté peut toucher 3000€. On est très loin de ce qu’il annonce. La question des rémunérations est un argument avancé par la direction de Total pour mettre une cible sur les grévistes pour la population.

Révolution Permanente : Dans l’extrait, on a aussi l’impression que la direction de Total ne s’étend pas trop sur la question de l’ampleur de la mobilisation. Peux-tu nous dresser un état actuel des mobilisations sur les différents sites ?

BT : Jean-Marc Durand tente de minimiser la mobilisation : il oublie de souligner la grève aux dépôts de Flandres, à l’agro-raffinerie à la Mède, dans l’usine d’Oudalle, des actions de blocage sur Grandpuits. De plus, il y a aussi des discussions à Donges pour rejoindre le mouvement. Le constat c’est que le mouvement n’est pas prêt de s’éteindre, il gagne en rapport de force et il y a de moins en moins de ravitaillement dans les stations-services.

Ils doivent arrêter leur cinéma, nous convoquer urgemment aux négociations et sortir les premiers chiffres que les grévistes étudieront. De plus, les deux autres revendications ne sont pas oubliées non plus, il y a des problèmes de maintenance à régler. Total ne sait plus où planquer les milliards, il faut absolument que l’argent soit mieux dépensé et mieux réparti.

Révolution Permanente : Pour finir, Jean-Marc Durand semble être confiant sur le réapprovisionnement logistique des stations. On a aussi entendu des élus LR parler de réquisitions des travailleurs par la répression. Comment vois-tu la suite de la mobilisation en termes de perspectives ?

BT : Premièrement, la situation est loin d’être sous contrôle comme l’annonce Total ou le gouvernement. La direction ne fait pas tout ce qu’elle peut pour arrêter les grèves : elle doit revenir au bon sens et nous convoquer immédiatement sans l’exigence d’arrêter les blocages. Sur la réquisition par l’armée ou la police, ce sont des tentatives d’intimidation qui ont déjà été jugées illégales par l’OIT à Grandpuits en 2010, qui ne calmeront pas la situation mais risquent de l’envenimer.

J’aimerais aussi m’adresser à la population tout entière. On est parfaitement conscient de la situation que vivent des millions de Français. Moi, j’appelle toutes celles et ceux qui sont en colère contre leurs conditions de travail et de salaire à rejoindre le mouvement pour revendiquer des salaires qui couvrent a minima l’inflation et pourquoi pas l’indexation des salaires sur l’inflation comme cela a été réalisé en Belgique. Le gouvernement est responsable de la situation : si on avait les salaires indexés à l’inflation cela réglerait en grande partie les problématiques

En général, ce mouvement n’a pas pour objectif d’embêter les Français, c’est la conséquence d’un mouvement de grève que Total peut rapidement délier. Les fins de mois sont difficiles pour l’ensemble des travailleurs, il y a une nécessité absolue de participer pour augmenter les salaires de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses.

Propos recueillis par Paul Morao

Source : « Leurs chiffres sont faux ! » : la CGT Total réagit aux mensonges de la direction de l’entreprise (revolutionpermanente.fr)

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