Logement : comment Rennes a été dépassée par « la spéculation débridée ». (LT.fr – 25/08/23)

À Rennes, le « choc de l’offre », imaginé au début des années 2000 pour stimuler la construction de logements neufs, a eu son lot d’effets pervers.
À Rennes, le « choc de l’offre », imaginé au début des années 2000 pour stimuler la construction de logements neufs, a eu son lot d’effets pervers. (Vincent Michel/Le Mensuel)

Par Romain Roux

Dans son futur Plan local de l’habitat, dont le Télégramme s’est procuré en exclusivité une version provisoire, Rennes métropole ausculte les causes de sa crise du logement et livre même un (petit) mea culpa.

C’est une fierté locale. Non, il ne s’agit pas ici de la galette saucisse mais bien de la politique de l’habitat de la capitale bretonne. Les élus s’en félicitent volontiers : Rennes est réputée pour être l’une des grandes villes de France les plus ambitieuses en matière de logement. Au point que la cité bretillienne fait parfois figure de précurseur, source d’inspiration pour d’autres communes.

Si la volonté est là, les résultats sont plus discutables. Rennes n’échappe pas aux fortes tensions que connaissent bon nombre de ses homologues. L’explosion des prix de l’immobilier des dernières années a, de fait, exclu de plus en plus de ménages, forcés à l’exil en dehors de la ville, voire de l’agglomération, pour accéder à leur rêve de propriété. Une étude de l’Insee a récemment tiré la sonnette d’alarme : la part des classes moyennes dans la population rennaise subit une lente mais sûre érosion depuis 2008.

Des objectifs de production largement dépassés à Rennes

Comment en est-on arrivé là ? La Métropole fait son propre diagnostic dans son projet de Plan local de l’habitat (PLH). Le document, que le Télégramme s’est procuré dans une version provisoire, doit être signé à la fin de l’année. Véritable feuille de route, elle fixera l’ensemble des mesures en faveur du logement jusqu’en 2027, pour les 43 communes de Rennes métropole. L’ambition ? Rien de moins que la reprise en main d’un marché de l’immobilier qui lui a largement échappé ces dernières années.

Le bilan dressé dans le diagnostic n’est pas totalement sombre. Au contraire. Entre 2015 et 2022, 4 400 logements neufs ont été livrés en moyenne chaque année. Les objectifs ont même été dépassés – le précédent PLH tablait sur 4 000 livraisons par an. Mais ces bons résultats cachent un gros déséquilibre. En réalité, la plupart des communes de l’agglomération n’ont pas atteint les volumes attendus. L’inverse de la ville de Rennes, qui elle, les a littéralement explosés, en remplissant ses objectifs à… 136 % !

Le « choc de l’offre »

Pour comprendre pourquoi, il faut remonter au début des années 2000. Déjà, le marché de l’immobilier rennais ne permettait pas de faire face à la demande. La solution trouvée à l’époque : le « choc de l’offre ». Pour stimuler la production de logements neufs, la Ville a ouvert des « droits à construire » dans des secteurs ciblés. Les promoteurs ont ainsi été autorisés à ériger des immeubles en lieu et place de petites maisons, notamment le long des grands boulevards. Prêtant, au passage, le flanc aux critiques contre une densification « hors de contrôle ».

Combiné au contexte national et à la forte attractivité de la ville, réputée pour sa qualité de vie, le cocktail est devenu explosif. En cause : la faiblesse historique des taux d’intérêt, qui a permis à de nombreux ménages d’emprunter à bon marché. Les investisseurs ont, en plus, été incités à placer dans l’immobilier rennais par des dispositifs nationaux de défiscalisation. Investisseurs et aspirants propriétaires se sont rués vers les nombreux programmes immobiliers en construction.

Au vu des chiffres records de livraisons de logements neufs à Rennes entre 2017 et 2019, ce choc de l’offre a porté ses fruits. Mais au prix d’une « spéculation débridée », à l’origine de « toute une série d’effets pervers » difficiles à anticiper, plaide la Métropole pour sa défense. Le résultat est connu : une envolée des prix sur le marché du neuf. Incapables de suivre, d’autres se sont reportés sur l’ancien, entraîné dans la spirale.

« Mesures de régulation »

Pour ne rien arranger, les coûts de construction ont explosé au sortir du covid, alimentant encore la hausse des prix. Dans ce contexte inflationniste, bâtir des logements sociaux s’est avéré encore plus difficile, d’autant qu’une réforme nationale a amputé la trésorerie des organismes HLM. De quoi contrecarrer les ambitions de la Métropole de produire des logements pour tous.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 100 logements neufs construits ces sept dernières années, seuls 37 étaient des HLM ou destinés à l’accession à la propriété sous condition de ressources. L’objectif était de 60. Si la construction a tourné à plein régime ces dernières années à Rennes, c’est donc avant tout pour alimenter le marché libre, accessible seulement aux plus gros portefeuilles.

Le futur PLH veut donc renverser la vapeur. « Nous prévoyons pas mal de mesures de régulation », expliquait au Télégramme, Honoré Puil, vice-président métropolitain à l’habitat. Là encore, le contexte national devrait peser lourd. Mais l’effet risque d’être inverse : la remontée récente des taux d’intérêt et la fin de certaines incitations fiscales décidées par le gouvernement pourraient, cette fois, ralentir la construction. Renvoyant les élus au point de départ : comment résoudre la pénurie de logements sur le territoire rennais ?

Source : Logement : comment Rennes a été dépassée par « la spéculation débridée » | Le Télégramme (letelegramme.fr)

URL de cet article : Logement : comment Rennes a été dépassée par « la spéculation débridée ». (LT.fr – 25/08/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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