Loi Darmanin, crise politique : revue de presse (IO.fr-22/12/23)

Manifestation le 21 décembre, à Toulouse, contre la loi immigration passée trois jours plus tôt au Parlement (photo Patrick Batard / Hans Lucas via AFP)

 Emmanuel Macron, qui connaissait la contestation dans la rue, se voit bousculé dans son propre camp. C’est un tournant », constate, parmi bien d’autres, l’éditorialiste du journal “Le Monde”.

Par Pierre VALDEMIENNE

Editorial du Figaro, 21 décembre : « Le roi est nu »

« Marine Le Pen et sa troupe savourent leur « victoire idéologique ». (…) C’est (…) moins cette petite loi que celui qui en est à l’initiative qui doit retenir l’attention. La crise politique qui éclate aujourd’hui lui est imputable du début à la fin. Et il était un peu tard, hier soir, pour tenter de recoller les morceaux dans une interminable émission de télévision. La vaisselle est cassée, même si le chef de l’État n’en assume pas la responsabilité, allant jusqu’à renvoyer au Conseil constitutionnel la charge d’écarter les dispositions qui le chiffonnent ! (…) À présent, le roi est nu. Lâché par une partie de ses troupes, pourra-t-il échapper à une cohabitation d’ici à la fin de son mandat ? Une vraie cohabitation, cette fois ? Mais avec qui ? »

L’Opinion, 21 décembre : « Emmanuel Macron sous-estime le rejet de sa personne »

« Le 11 décembre, le Président se heurte au mur du réel : une motion de rejet frappe le projet de loi sur l’immigration, contrariant la tactique mise en place, faute de majorité absolue au Parlement. Depuis juin 2022, il contourne cet obstacle avec des accords texte par texte, prenant des chemins de traverse pour se mettre au cœur des débats (Conseil national de la refondation, Rencontres de Saint-Denis, promesse d’un rendez-vous avec la Nation en janvier).

« Voilà un an et demi qu’il ne trouve pas la clef, il y a une exaspération générale face à une situation bloquée, les ministres s’agitent dans leur couloir, lui est à la recherche de la solution miracle et enrage de ne pas la trouver », soupire un ancien conseiller. Emmanuel Macron croit toujours qu’existe une clef magique.

Il se voit en ostéopathe pour dénouer les blocages ; il parle souvent d’ « acupuncture » pour faire circuler les énergies aux bons endroits.

Il sous-estime le rejet de sa personne, parce que lui-même est rationnel.

Comment imaginer que LR et RN s’associent à une motion de rejet proposée par… les écologistes ? Que la gauche vote avec le Rassemblement national ?

Il ne mesure pas qu’il s’agit d’un vote ad hominem. C’est la nouveauté de la situation : il n’y avait pas de majorité absolue pour agir ensemble, il s’en est trouvé une pour l’empêcher de faire. (…)

De plus en plus, l’intérieur de la macronie est persuadé que le pouvoir repose sur la psychologie d’un homme au creux de la vague. Jusqu’à présent, le système était discipliné. Personne ne disait : le roi est nu.

Désormais, certains commencent à parler. Les courageux se comptent sur les doigts d’une main, mais ils existent : un ministre, Aurélien Rousseau, démissionne. Après avoir voté contre le texte sur l’immigration, Gilles Le Gendre, député Renaissance de Paris, reçoit un message de soutien de Philippe Grangeon ; Daniel Cohn-Bendit, lui aussi, veut lui témoigner son approbation. Cette solitude, que le Président chérit de plus en plus, explique beaucoup. Les capteurs du premier quinquennat, Richard Ferrand, Philippe Grangeon, Christophe Castaner et d’autres ne sont plus en fonction. Des correspondants se sont lassés des échanges par texto sans effets. Certains l’ont même écrit au Président : on arrête parce que discuter ne sert à rien. »

Le Monde, 22 décembre : « Emmanuel Macron, qui connaissait la contestation dans la rue, se voit bousculé dans son propre camp. C’est un tournant. »

« Ambiance crépusculaire en Macronie. Finalement, et ce n’est pas notre homme (qui est resté), un seul ministre (celui de la santé) a claqué la porte, ulcéré par ce texte écrit sous la dictée de la droite, qui reprend plusieurs antiennes du logiciel de l’extrême droite. Aurélien Rousseau a quitté son ministère mercredi soir à l’issue d’une violente explication avec le président de la République, applaudi par son cabinet qui lui a fait une haie d’honneur, quand les députés Renaissance ayant voté contre le texte croulent sous les messages de soutien. Après six ans d’un pouvoir sans partage, Emmanuel Macron, qui connaissait la contestation dans la rue (« gilets jaunes », réforme des retraites…), se voit désormais bousculé dans son propre camp. C’est un tournant. »

Le Parisien, 21 décembre : « Après Rousseau, d’autres démissions à venir ? »

« « Je n’ai que des annulations depuis ce matin », soupire une petite main de Matignon, à quelques heures du dîner de fin d’année organisé par la Première ministre avec les membres de son gouvernement. Ce mercredi soir, alors que la Rue de Varenne se préparait pour son traditionnel festin de Noël, c’est au nombre des absences qu’Élisabeth Borne a pu mesurer l’ampleur de la crise qui mine sa majorité, depuis l’adoption très controversée du projet de loi immigration. À commencer par celui qui, quelques heures plus tôt, a franchi le plus grand pas, Aurélien Rousseau.

(…) Quand, mardi après-midi, Marine Le Pen annonce qu’elle votera pour le projet de loi auquel Borne a accordé beaucoup de concessions à LR, ils sont une poignée à voir rouge. Clément Beaune (Transports), Roland Lescure (Industrie), Patrice Vergriete (Logement), Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur) ou encore Rima Abdul-Malak (Culture).

Les boucles internes s’agitent. Un dîner est même organisé à la hâte autour de Beaune. Faut-il démissionner ? « À ce stade, la question se pose. Ce qui ne me plaît pas, c’est un tout, en fait. Une somme, la manière dont le texte a évolué en 48 heures. Et je veux pouvoir me regarder dans la glace », nous glisse l’un d’eux. « J’ai beaucoup de doutes et de rancœur. C’est la première vraie crise de la majorité et du gouvernement sur le plan politique », enchaîne un autre. Tellement déstabilisés que Borne prend soin de recevoir plusieurs d’entre eux dans la nuit à Matignon, « pour les rassurer sur les points de crispations », selon son entourage. »

Le Parisien, 22 décembre : « Le président refuse la démission d’une ministre »

« La ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, a présenté sa démission, ce mercredi, à Emmanuel Macron, en raison d’un « désaccord profond » sur les mesures concernant les étudiants dans la loi sur l’immigration. Cette démission a été refusée. Le président a assuré à la ministre que ces mesures « seraient révisées si elles n’étaient pas censurées par le Conseil constitutionnel. »

Editorial du Monde, 21 décembre : « La rupture est à la fois politique et morale »

« Le débat puis le vote de cette loi vont laisser de lourdes traces : près d’un quart des députés de la majorité, parmi lesquels le président de la commission des lois, Sacha Houlié, ont fait défection en se réfugiant dans l’abstention ou en votant contre ; plusieurs ministres, dont celui de la santé, Aurélien Rousseau, ont menacé de démissionner. La rupture est à la fois politique et morale.

Emmanuel Macron, qui, par deux fois, a été élu avec la promesse de faire barrage à l’extrême droite, s’est comporté en passeur de ses idées, mises en avant comme jamais au cours de ces joutes politiciennes dramatisées.

Peut-il encore jouer ce rôle de rassembleur et de combattant contre l’usage politique de la xénophobie dont le pays a tant besoin ? »

Les Echos, 21 décembre, interview de Gilles Legendre, député de Paris, ex-président du groupe Renaissance à l’Assemblée : « Il s’agit bien d’une crise politique »

« Jamais je n’aurais pensé voter contre un texte du gouvernement que je soutiens. Il s’est donc passé quelque chose de grave. Dès lors que nous avions accepté que le texte voté par la droite se substitue au texte du gouvernement, le ver était dans le fruit. Je n’ai aucun problème à passer des compromis avec LR, nous l’avons souvent fait comme, moins souvent, avec la gauche. Sauf que sur l’immigration, les propositions LR sont le copié-collé de celles de l’extrême droite (…). »

« Quand le quart des députés de la majorité refusent de voter un texte, quand un ministre démissionne et de nombreux autres ont envisagé d’en faire autant, quand nous sommes bombardés de messages, notamment de militants, nous invitant à ne pas voter la loi, quand le monde universitaire et associatif s’indigne, il s’agit bien d’une crise politique. Élisabeth Borne n’est pas en cause. »

L’Opinion, 22 décembre : « Il y a urgence à stopper l’hémorragie dans les sondages d’intentions de vote »

« Même avec la gueule de bois, il faut continuer à travailler. Pendant que les députés de la majorité digéraient l’adoption de la loi « immigration » et que les ministres réglaient leurs comptes sur fond de menaces de démission, un autre sujet réunissait, mercredi matin, au siège du MoDem, les trois chefs de parti de la macronie. Stéphane Séjourné (Renaissance), François Bayrou (MoDem) et Edouard Philippe (Horizons) ont repris le fil des élections européennes. (…) Jeudi soir, une réunion du bureau exécutif de Renaissance a permis d’informer les cadres du parti présidentiel du calendrier des prochaines semaines. C’est l’autre dossier du moment. Il y a urgence à stopper l’hémorragie dans les sondages d’intentions de vote. »

Les Echos, 22 décembre : « Un tour de vis aux arrêts de travail retoqué par le Conseil constitutionnel »

« Le renforcement annoncé des contrôles des arrêts maladie a fait long feu. Jeudi, le Conseil constitutionnel a censuré une mesure prévue par le gouvernement pour diminuer les arrêts de travail non justifiés. La disposition contenue dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2024 voulait rendre plus efficace les contrôles des arrêts par les employeurs. Il s’agissait plus précisément de suspendre automatiquement le versement des indemnités journalières par la Sécurité sociale dans les cas où un médecin diligenté par une entreprise concluait à un arrêt injustifié. »

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/12/22/loi-darmanin-crise-politique-revue-de-presse/

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