Loire-Atlantique. L’eau devient rare et on en consomme plus (OF.fr-26/03/23)

Prise le 7 mars dernier à Ingrandes, cette photo de la Loire illustre la sécheresse hivernale que connaît le territoire.

Vivre avec moins d’eau. C’est l’un des départements qui compte le plus de zones humides en France. Pourtant, avec le changement climatique, le territoire voit ses ressources en eau menacées. D’où l’impérieuse nécessité d’économiser l’eau à tous les niveaux, et pas seulement en situation de crise.

Dans un département arrosé par la brume océanique et gorgé d’eau, avec ses zones humides, on pensait que l’eau ne manquerait jamais. Et pourtant, l’été dernier, elle s’est faite cruellement rare. Quel sont l’état des lieux, les enjeux, les solutions ? Les journalistes des rédactions de Loire-Atlantique se sont penchés sur la question pour une série d’articles intitulée « Vivre avec moins d’eau ».

D’où vient l’eau potable en Loire-Atlantique ?

En Loire-Atlantique, l’eau du robinet provient en grande majorité de la Loire et de sa nappe : 70 % à 75 %. « On est très tributaire de la Loire », insiste d’emblée Nathalie Saur, cheffe du service interventions territoriales de l’agence de l’eau Loire Bretagne. Le reste provient de nappes souterraines (Campbon, Machecoul, Nort-sur-Erdre ou encore Saffré) et de la Vilaine.

La production d’eau potable est réalisée dans seize sites, le plus gros étant l’usine de la Roche à Nantes, qui assure l’alimentation de la métropole nantaise. Cinq acteurs sont producteurs et distributeurs d’eau potable : Atlantic’Eau, la Carène, Nantes Métropole, Cap Atlantique et l’agglo de Clisson. Leurs réseaux sont interconnectés. Ainsi, à l’été 2022 « les producteurs d’eau ont bien géré le mois d’août pour être solidaires entre eux », rapporte Nathalie Saur.

La Loire-Atlantique compte seize sites de production. Dont douze en captage sur nappe souterraine et quatre en captage sur eau de surface.

Quel volume d’eau est prélevé chaque année dans le département et pour quels usages ?

Plus de 128 millions de mètres cubes ont été prélevés en 2020, selon les dernières données mises à jour sur le site de la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau. 71 % servent pour l’eau potable, 17 %, pour l’irrigation des cultures, 8 %, pour l’industrie (hors énergie) et le reste, pour l’alimentation des canaux. Ce volume total prélevé augmente régulièrement, du fait de l’arrivée de nombreux habitants (17 000 par an) et de la création d’activités. À titre de comparaison, en 2008 on prélevait 20 % d’eau en moins.

Avec le changement climatique, nous allons devoir apprendre à vivre avec moins d’eau.

Cet hiver, à quel niveau sont les masses d’eau ?

Habituellement, l’hiver est le moment clef pour recharger nos réservoirs en eau. Sauf que jusqu’à présent, il n’a pas assez plu. Au mois de février, Météo France a enregistré un déficit pluviométrique de 70 %, par rapport à la moyenne. Dans son bulletin mensuel sur le débit de la Loire, le GIP Loire Estuaire écrit : « Avec un débit moyen de 469 m3/s, le mois de février 2023 est le plus sec depuis trente ans » (sachant que la moyenne entre 1900 et 2022 est de 1 600 m³/s pour un mois de février).

Si les pluies généreuses du début du mois de mars ont permis aux nappes et cours d’eau de se recharger un peu, « il faut que ça continue, car on n’est pas sorti d’affaire », prévenait Pierre Chrétien, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières dans nos colonnes, le 13 mars.

Car même s’il pleut abondamment en mars et avril, cela ne rattrapera pas le déficit cumulé de ces dernières années, notamment après la sécheresse de l’été 2022. Ce qui va poser problème si l’été prochain est aussi sec que le dernier. Pour autant, Nathalie Saur souligne : « Pas de situation catastrophique. » Nos voisins, en Vendée ou en Sarthe, sont plus affectés que nous par le manque d’eau en ce début d’année.

Qu’en est-il de la qualité ?

C’est le point noir dans le département. Seulement 1 % des masses d’eau sont en bon état écologique. On l’explique à la fois par la forte artificialisation du territoire, des cours d’eau rectifiés par l’homme, des débits d’eau peu importants (qui ne permettent pas de diluer les pollutions en période d’étiage), sans oublier la présence de pesticides, nitrates et phosphore, dont la concentration varie selon les secteurs. Par ailleurs, pour la Loire, le département est en bout de chaîne : le fleuve a traversé de nombreux autres territoires et donc apporte d’éventuelles pollutions, avant d’arriver sous nos yeux.

Concernant l’eau potable, la ressource est, comme ailleurs, extrêmement surveillée. Par exemple, pour les pesticides « on ne doit pas dépasser 0,1 microgramme par litre de molécule. C’est un Doliprane® dans deux piscines olympiques », indique Mickaël Derangeon, vice-président d’Atlantic’Eau. Le problème étant la multiplicité des molécules, les potentiels effets cocktails et leurs interactions avec l’environnement.

Au-delà des normes, « on est dans une impasse technique. On n’a pas la capacité de mesurer toutes les molécules. C’est pourquoi on demande qu’il y ait zéro pesticide dans les zones de captage », insiste-t-il. Par ailleurs, il rappelle que les polluants retrouvés dans l’eau arrivent aussi par l’air ou via l’alimentation des habitants. « Nos choix de consommation ont un rôle essentiel dans la qualité de l’eau », martèle-t-il.

Quels sont les effets du changement climatique sur la ressource en eau du territoire ?

Selon les prévisions du Giec régional, à la fin du siècle, les épisodes de pluie seront moins longs mais plus intenses, surtout en été. Les sécheresses seront plus fréquentes, plus intenses, plus longues. Ce qui va provoquer des tensions sur notre principale source d’approvisionnement pour l’eau potable : la Loire.

D’ici la fin du siècle, son débit « pourrait avoir baissé de 20 % à 50 % par rapport à la période 1971-2000, voire davantage à l’étiage ». La température du fleuve pourrait atteindre ponctuellement 30 °C pendant les mois les plus chauds de l’année, rendant plus complexe sa potabilisation. D’autant plus si le bouchon vaseux remonte au niveau des zones de captage, comme cela a été le cas en septembre 2022.

Ce moindre débit et cette hausse de la température de l’eau auront de multiples conséquences : eutrophisation des milieux aquatiques, salinisation de l’eau et donc des terres, augmentation de la concentration de polluants, baisse du niveau d’oxygène, etc.. « C’est l’ensemble des conditions d’alimentation de vie et de reproduction des espèces végétales et animales aquatiques qui se trouvent dégradées, voire compromises », écrivent les scientifiques dans le rapport. En clair, de nombreuses espèces animales et végétales ne pourront plus y vivre.

Quels sont les leviers d’action ?

Heureusement, il y en a. Dans un département avec des masses d’eau aussi dégradées, réduire les sources de pollution est indispensable. Mais aussi restaurer les cours d’eau et leurs milieux aquatiques, préserver et connecter les zones humides pour qu’elles jouent leur rôle d’éponge. « Ce sont des alliés qu’on a pour l’adaptation au changement climatique », insiste Nathalie Saur. 

Côté agriculture, il peut s’agir d’introduire des cultures moins gourmandes en eau. Pour les producteurs d’eau, l’enjeu est de traquer et réparer les fuites, mais aussi de rechercher de nouvelles ressources disponibles dans le territoire, pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable.

Sans oublier le principal levier : les économies d’eau, à tous les niveaux. « Il faut imaginer la ville de demain avec moins d’eau, souligne Nathalie Saur. C’est perdu d’avance si on prélève toujours plus. C’est reculer pour mieux sauter. » Donc des choix inévitables à arbitrer sur le partage de l’eau.

Hélène BIELAK

Source: https://www.ouest-france.fr/environnement/rechauffement-climatique/loire-atlantique-leau-devient-rare-et-on-en-consomme-plus-b12b60e4-b818-11ed-a6d8-fca93d3c5f9b

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loire-atlantique-leau-devient-rare-et-on-en-consomme-plus-of-fr-26-03-23/

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