Lorient. Pour les leaders syndicaux, la grève, quoi qu’il en coûte(OF.fr-22/03/23)

Les principaux leaders CGT réunis devant le local des dockers, au port de Lorient (Morbihan).

Le mouvement de protestation contre la réforme des retraites mobilise les leaders syndicaux du pays de Lorient (Morbihan) depuis des semaines. Combien coûte l’engagement des grévistes dans la durée ? Ils répondent.

« Je vis seule avec ma fille, alors quand je m’engage dans un mouvement social parti pour durer, je préviens qu’on va devoir faire gaffe aux dépenses. On limite les sorties, on achète davantage de pâtes, de riz… » Depuis le début de la fronde contre la réforme des retraites, manifestations et actions ont coûté à Rozenn Douillard, déléguée syndicale permanente CGT à Naval Group, à Lorient (Morbihan), environ 300 €. « Mais il ne faut pas s’arrêter à cela. Je préfère perdre maintenant pour être mieux après, et nos enfants aussi », déroule la maman solo, qui ne regrette pas le prix de son engagement.

A l’heure où flambées des prix de l’électricité, des carburants et autres produits alimentaires étranglent au quotidien de nombreux Français, faire grève est-il devenu un luxe ?

Tous les leaders syndicaux interrogés, mardi 21 mars 2023, sur le piquet de grève du dépôt pétrolier de Lorient le diront, la lutte n’est pas une affaire d’argent. « Pour nous, ce n’est pas un sujet. Ça fait partie de notre culture », lance Eddie Le Goulven, secrétaire des ouvriers dockers CGT. Pourtant, celui qui fait partie des figures du port, le reconnaît : « On conseille aux camarades de faire plus attention à leurs finances. On a bien conscience de ce qu’on va perdre. »

Des débrayages, pour faciliter l’accès à la grève

Eric Blanchier, syndicaliste CGT à la Fonderie de Bretagne, à Caudan, a perdu « entre 300 et 400 € » de salaire, depuis le début des contestations. Fini le temps dédié à son violon d’Ingres : la collection de vinyles. Le passionné de musique n’en a « plus achetés depuis deux mois », lance-t-il avec un sourire. « Je suis un militant, je ne me pose pas la question. Mais l’impact financier peut être un frein pour certains. »

À la Fonderie, pour faciliter l’accès à la grève, « on n’a jamais appelé à faire 24 heures depuis le début du mouvement. On appelle à des débrayages de 4 h. Et on encourage les salariés du matin à être mobilisés sur les actions du soir et inversement, sur le temps libre. »

À l’arsenal aussi, les débrayages sont plébiscités. « On se met en grève sur les manifestations interprofessionnelles et on se relaie sur les actions ciblées », détaille Bruno Le Nézet.

Le secrétaire général CGT à Naval Group chiffre entre 800 € et 1 000 € les répercussions des mobilisations. « C’est pour cela aussi qu’on organise des actions le samedi ou le soir, pour que ceux qui sont à l’euro près puissent venir. » Lui fait l’impasse sur certains loisirs. « Au lieu d’emmener les enfants au cinéma trois fois dans le mois, on y va une fois tous les deux mois. » Les leaders doivent montrer l’exemple. « Alors j’anticipe, dès que je peux, je mets de côté sur le livret A. »

Même conseil, livré par « les anciens », à Alan Courtel, secrétaire CGT à la Diro Ouest, en 2001 « alors qu’on sortait de trois semaines de grève pour les 35 heures. J’étais tout juste arrivé et ils m’ont dit de toujours essayer d’avoir un matelas de l’équivalent d’un salaire. » Salarié de la fonction publique d’État, lui est « à 1/30, quoi qu’il arrive. On ne peut pas débrayer deux heures, c’est la journée qui y passe… Et c’est 1/30 retiré sur le salaire, mais aussi sur les primes. On a réussi à négocier qu’une seule journée ne soit défalquée par mois, on étale. Après la mobilisation contre la loi Travail, j’ai été débité entre 80 et 100 €, pendant un an et demi. » Son engagement militant, il l’a remboursé mois après mois, comme un crédit.

« Si je cumulais tous les jours, je vendrais ma maison »

Ils sont nombreux à partager des souvenirs de tension. Comme Ludovic Bénabès, secrétaire départemental santé action sociale du Morbihan. La perte sèche sur ses salaires s’élevait à 1 600 € en trois mois, lors d’un précédent mouvement social. « L’année suivante, j’avais touché pour la première fois de ma vie la prime de rentrée scolaire… »

Les puristes arguent l’engagement inébranlable. Certains enchaînent les heures supplémentaires pour compenser les retenues sur salaire. D’autres posent des jours de vacances. « Si je cumulais tous les jours, je vendrais ma maison », déroule Ludovic Bénabès. « Nous, on les chambre ceux qui prennent des vacances pour faire grève », répond taquin Alan Courtel.

Quant aux caisses de grève de l’intersyndicale ? Elles font consensus. « On ne demande rien. Faire grève est un engagement, sans cela, le combat serait tronqué… »

À la Ville de Lorient, l’étalement des retenues accordé aux agents grévistes

À la Ville de Lorient, les taux de grévistes ont été évalués entre 1 % (le 11 février) à 35 % (le 19 janvier). À la demande des agents municipaux, les grévistes ont obtenu un étalement des retenues sur salaire. Ainsi les mobilisations des 7 et 11 février seront défalquées en avril, celles des 16 février et 7 mars en mai et celles de mars en juin, « mois où les employés reçoivent leur prime semestrielle. Ça compensera les retenues », détaille le cabinet du maire.

Pauline DECKER.

Source: https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/lorient-pour-les-leaders-syndicaux-la-greve-quoi-quil-en-coute-ea05e6e2-c7e9-11ed-80c7-e23f0fe16482

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