Nouvelle démonstration de force, ce mardi 31 janvier, à Quimper. Entre 12 000 et 13 000 manifestants sont venus dire non à la réforme des retraites. Non, au report de l’âge de départ de 62 à 64 ans.
Deux années à l’échelle d’une vie ? Sans doute pas grand-chose, pourraient dire certains. Pour ces milliers de manifestants opposés à la réforme des retraites, et rassemblés pour la deuxième fois en moins de quinze jours à Quimper, elles ont pourtant un air d’éternité. « On finira par aller travailler en déambulateur », soupire Danielle, 63 ans. La remarque fait sourire dans les rangs.
La Guilviniste n’a pourtant pas envie de rire. Salariée de l’ADMR depuis une dizaine d’années, elle sait que son parcours personnel va l’obliger à travailler jusqu’à 65 ans. Difficile à encaisser. « Car c’est un métier très pénible et physique. Pour les épaules, pour le corps… Il y a énormément de personnes handicapées qu’il faut lever, coucher, habiller… Et le métier n’est pas du tout reconnu par rapport à ce que l’on fait ».
« 64 ans, dans le bâtiment, c’est beaucoup trop »
Une usure que Fernand, venu de Châteauneuf-du-Faou, évoque aussi. Maçon, il a commencé à travailler à l’âge de 16 ans. Alors « 64 ans, dans le bâtiment, c’est beaucoup trop ! ». « Moi, j’ai 56 ans, et je suis déjà presque au bout… On a mal partout ! Au dos, aux épaules, aux genoux ».
Ces douleurs, Dominique les connaît bien, lui aussi. Posté sur la rampe du Frugy, il domine ce mardi matin une place de la Résistance noire de monde, quelques minutes avant que le cortège ne se mette en marche. À 47 ans, l’électricien parle de ses problèmes de dos. Des postures qu’il ne peut déjà plus prendre au travail. Un constat qui le pousse à envisager l’avenir différemment. En changeant de voie. « J’aime mon métier… Mais je n’aurai pas le choix », souffle-t-il.
« Un défi compliqué à relever »
Un peu plus loin, Marielle, 55 ans. Infirmière en Ehpad, elle a commencé à travailler à l’âge de 19 ans. Pour la Quimpéroise, ces deux années supplémentaires s’apparentent à « un défi compliqué à relever ». Elle parle des « journées très difficiles », « 10, 12 heures parfois », des week-ends où elle est seule en poste…
« Il faut être en forme, lâche-t-elle. Déjà, aujourd’hui, c’est costaud ! Alors j’essaie de me projeter : est-ce que dans cinq ans, je serai encore capable de faire ce que je fais aujourd’hui ? ».
« On est usé par notre métier »
« Comment je serai à 64 ans ? » C’est aussi ce que se demande Denis ; un chauffeur livreur de 53 ans qui parle avant tout de la fatigue dans son métier. Salarié d’une société de service informatique, David, 47 ans, ne dit pas vraiment autre chose. Lui, le commercial qui fait « pas mal de route ». Pas loin de 50 000 km par an. « Et on sait pertinemment que plus on avance dans l’âge, plus c’est difficile de conduire ».
« Deux ans de plus, on est contre ! », martèle à son tour Anne, 58 ans, professeur dans un lycée agricole. Ses collègues, Valérie, 56 ans, et Hélène, 59 ans, confirment d’un signe de tête. « On est usé par notre métier, poursuit-elle. Je n’ai pas envie de continuer, continuer, jusqu’à être complètement abîmée ».
13000 le 19 janvier à Quimper. Ils semblent encore plus nombreux ce mardi 31 à manifester contre la réforme des retraites #greve31janvier #quimper pic.twitter.com/SgNYl3XtaR— LeTélégramme Quimper (@TLGQuimper) January 31, 2023
Sophie BENOIT