
Nous publions des extraits de l’intervention de Michèle Sibony, porte-parole de l’UJFP, lors du meeting juif international qui s’est tenu le 30 mars dans les locaux du POI à Paris.
Sommes-nous responsables [du génocide palestinien en cours], au-delà de la responsabilité de chaque être humain de tout faire pour l’empêcher ?
Il y a une responsabilité des puissances occidentales notamment l’Allemagne, la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis, mais Israël prétend agir pour tous les Juifs du monde contre un pogrom antisémite (…), il nous englobe dans son action, et de ce fait nous implique directement. (…)
Le gouvernement français nous prend en otage, en reprenant l’idée du sionisme : l’Etat juif pour tous les Juifs. Il nous associe publiquement au crime qu’il présente de la même manière qu’Israël comme une légitime défense contre l’antisémitisme arabe, et se sert de nous ici dans son combat islamophobe.
(…) Le soutien inconditionnel d’Israël, l’impunité unique qui lui est accordée, le maintien d’un statut d’exception au sein de la communauté des nations, (…) n’est-ce pas de tout cela qu’est constitué le fameux lien judéo-chrétien ? La tolérance du colonialisme comme mode de gestion du monde ? La justification des génocides coloniaux et le blanchiment ultime du génocide européen puisque commis à son tour par sa victime même ?
Le paradoxe ultime de ce soutien inconditionnel est qu’il est assorti d’un antisémitisme grandissant qui émane précisément des gouvernements et groupes les plus sionistes.
L’antisémitisme monte aux USA en même temps que le soutien à Israël, il est promu dans l’extrême droite qui inclut la droite chrétienne évangélique (…). Netanyahou et le Likoud misent depuis plus de 15 ans sur les extrêmes droites européennes : en Hongrie, dans les pays baltes, l’Allemagne et la Pologne, la Hollande à présent.
Et tout récemment Milei le président argentin a été reçu en ami à Tel-Aviv. Il a annoncé le prochain transfert de l’ambassade d’Argentine à Jérusalem et vient de nommer Rudolf Barra procureur général du Trésor, un antisémite notoire, et nazi dans sa jeunesse. Tous ces groupes et gouvernements affirment à la fois leur soutien à Israël en même temps qu’un antisémitisme virulent.
En France Louis Aliot du RN est reçu en 2011 en Israël et dans des colonies des territoires occupés. (…) La réhabilitation du Rassemblement national (RN) par le gouvernement et ses alliés, se fait intégralement sur la base de son soutien au sionisme et sur un fond commun d’islamophobie.
C’est ce que l’on a vu clairement dans la manifestation du 12 novembre qui appelait en apparence contre l’antisémitisme et était en fait une manifestation de soutien à Israël et a intégré sans broncher le RN (…)
Il faut examiner cette façon qu’a eue l’Europe de ne considérer que ses propres morts [de l’Holocauste] en effaçant systématiquement les massacres coloniaux qui parfois étaient commis en même temps : Charlotte Wiederman en parle dans un séminaire donné au forum Einstein en Allemagne à propos de son livre : « Comprendre la douleur des autres : sur la mémoire et la solidarité » où elle rappelle que l’Allemagne n’a pas un seul monument de commémoration pour le million de morts de sa colonisation ; Wiederman considère que la mémoire de l’Holocauste n’a pas apporté un meilleur sens de l’égalité, au contraire, et trop souvent elle a contribué à dresser une hiérarchie entre les victimes. (…)
Jonathan Glazer lors de la cérémonie des Oscars pour son film Zone d’intérêt a défini ainsi son travail : « Tous nos choix ont été faits pour nous faire réfléchir et réagir dans le présent ».
On peut considérer que ce qui se passait dans « l’enveloppe de Gaza » (Otef Aza), la vie normale et banale qui se déroulait paisiblement dans les kibboutzim et les villages, la rave party qui s’y tenait au moment de l’attaque, on peut considérer que tout cela constitue véritablement une « zone d’intérêt ».
Qu’il ne puisse y avoir de remise en question de cette façon de vivre chez la majorité des Israéliens s’explique par la force du consensus social et l’effacement volontaire par l’Etat de toutes les coordonnées permettant de mettre en marche la pensée. (…)
Jonathan Glazer a conclu ainsi son discours : « Aujourd’hui, nous nous tenons devant vous comme des hommes qui refusons que notre judéité et l’Holocauste soient détournés par une occupation qui a causé tant de souffrances pour tant d’innocents. Qu’il s’agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de celles des attaques incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation. » Et il a posé la seule question qui vaille et qui se pose à nous tous maintenant : Comment résistons-nous ?
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